LES DÉGÂTS DU DÉPART D'IDY DU PDS
Entretien avec Ndèye Maguette Dièye, responsable nationale des femmes du "Rewmi"
La présidente des femmes de «Rewmi» parle. Avare en paroles, Ndèye Maguette Dièye fait partie des compagnons de la première heure d’Idrissa Seck et a été témoin de beaucoup d’événements qui ont marqué l’histoire du Parti démocratique sénégalais (Pds). Dans cet entretien à bâtons rompus, cette icône de la scène politique ouvre son cahier souvenir et se lâche comme jamais, avec de succulentes anecdotes.
Vous êtes la présidente du mouvement national des femmes de «Rewmi». Mais on ne vous entend presque pas. Pourquoi ce silence?
Naturellement, je ne parle pas beaucoup. Vous savez, il n’est pas intéressant de passer tout son temps à parler. Moi, je privilégie le travail à la parlotte. Depuis que j’ai commencé à faire de la politique, c'est cette attitude-là que j'ai toujours adoptée.
Parlez-nous un peu de votre parcours politique?
C’est en 1974 que j'ai chopé le virus de la politique. Mais, c’est en 1976 que j’ai débuté mes activités politiques au sein du Parti démocratique sénégalais. Je me suis battue à l’intérieur de cette formation politique, jusqu’à ce que le Président Abdoulaye Wade accéde au pouvoir, en 2000. C'est en 2004 que j'ai quitté le Pds pour suivre le président Idrissa Seck.
Donc, vous n’avez jamais milité au Parti socialiste...
Je n’ai jamais milité au Parti socialiste. C'est ma mère qui militait dans cette formation politique. Je n'ai jamais adhéré à ce parti, parce que leurs manières de faire ne me plaisaient pas. Il y avait une femme très dynamique du nom de Marième Guèye qui se battait beaucoup pour le Ps à la Médina. Mais, lorsqu'elle fut alitée, personne au niveau de ce parti ne s’était occupée d'elle. Je me suis dit que ces gens-là n'en valaient pas la peine; parce qu'ils n'étaient pas reconnaissants.
Pouvez-vous nous dire dans quelles conditions avez-vous connu Idrissa Seck ?
Idrissa Seck, c’est dans le Pds qu'on s'est connus. Son frère, Badara Niang, était un des compagnons de Me Abdoulaye Wade. Quand Idrissa Seck a quitté Thiès pour venir à Van vo, aujourd'hui lycée Lamine Guèye, je voyais très souvent Me Abdoulaye Wade discuter avec lui sur des sujets d’actualité. C'était vers vers les années 1980-1981. Il fascinait Abdoulaye Wade qui s'intéressait beaucoup à lui.
Qu'est-ce qui a forgé vos relations ?
Dieu a fait qu’en 1988, c’est lui qui avait en charge au Pds les relations avec les médias. Et comme il était le directeur de campagne de Me Abdoulaye Wade, je partageais la même voiture que lui, lors de la campagne électorale. C’est à partir de ce moment, que j’ai commencé à le suivre et à déceler ses qualités. Je me suis très vite rendue compte que j'avais affaire à quelqu'un de bien, aux qualités humaines certaines. Il y avait d'autres jeunes dans le parti, mais il avait quelque chose de plus que ces derniers. Et je puis vous assurer qu'Idrissa Seck est quelqu'un de très franc, de véridique et de sincère. Il ne roule jamais les gens dans la farine. Tout ce qu'il te dit, il le respecte. Il ne se comporte pas en politicien. Je le considère comme un petit-frère, et lui me considère comme une grande-soeur.
Comment avez-vous vécu son différend avec Me Abdoulaye Wade et leur douloureuse séparation ?
On a vécu cela difficilement. Tout ce que les gens ont raconté sur lui n'était pas vrai. On avait monté des choses de toutes pièces pour le salir. Rien de ce qui a été dit sur Idrissa Seck n'était vrai. La réalité, c’est que le président Idrissa Seck dérangeait certains responsables au Pds, à cause de sa franchise et de sa capacité à manager. La preuve, c’est quand Idrissa Seck est sorti du Pds, qu’on a assisté à toutes sortes de pagaille dans ce parti-là. C'est après son départ que l’anarchie a régné au Pds.
Me Abdoulaye Wade a confié la gestion du parti à beaucoup de personnes, mais seul Idrissa Seck s'est montré à la hauteur de la tâche. Et au sein du Pds les gens le respectaient, personne n'osait enfreindre les règles du parti. Il a géré le parti de main de maître. Sa présence dans le parti gênait beaucoup de responsables. Quand la situation était devenue confuse, il continuait à dire la vérité à Me Abdoulaye Wade. D'ailleurs, j'ai participé à une rencontre, où étaient présents Ndèye Sakho, Ngalandou Boye de Thiès, Daouda Ndoye. C'était après qu'Idrissa Seck avait fini une tournée auprès des chefs religieux, à la suite de son départ de la Primature. Me Abdoulaye Wade était à cette rencontre. Je sais beaucoup de choses sur les raisons qui ont motivé le départ d'Idrissa Seck.
Que pouvez-vous nous en dire ?
Il y a des choses qu'on ne peut pas dire, parce que ce sont des secrets d'Etat. Quand on est un homme ou une femme d'Etat, on doit se garder de dévoiler certaines informations. Vous comprendrez que je ne puisse pas faire un déballage.
Certains disent que c’est l’argent qui est la principale cause de leur séparation ?
Je n'ai jamais entendu des problèmes d'argent entre eux. Et quand Me Abdoulaye Wade m’avait appelée, en présence d’Awa Diop, d’Aminata Tall, d’Awa Guèye Kébé, pour nous parler du cas Idrissa Seck, il n’a pas parlé d’argent. Les gens ont rapporté que Me Abdoulaye Wade l’a renvoyé. Il est venu me dire que ce dernier ne l’a pas renvoyé.
Mais, Me Wade, lui-même, a dit, à plusieurs reprises, que c’est l’argent qui les a séparés...
La question de l’argent est venue après. Me Abdoulaye Wade l’a évoquée, après. Mais, quand Idrissa Seck sortait du gouvernement, je n'ai pas entendu Me Abdoulaye Wade parler d’argent. J'étais présente à cette rencontre. Ce dont je suis sûre et certaine, c'est que ce n'est pas un problème d'argent qui est à l'origine de la séparation entre Me Abdoulaye Wade et Idrissa Seck.
On a entendu Idrissa Seck dire qu'il a été victime du plus grand complot dans l’histoire politique du Sénégal...
C'est fort possible. Ce que je puis vous assurer, c'est que des questions d’argent n'ont pas été agitées dans les discussions auxquelles j'ai assistées entre le Président Abdoulaye Wade et lui. Pour le complot dont vous faites allusion, peut-être qu'un jour, j'en parlerai. Mais, pas aujourd’hui. En tout cas, Idrissa Seck gênait beaucoup de gens dans le Pds.
Pensez-vous qu'il a été atteint mystiquement par ses pourfendeurs au sein du Pds, comme le croient certains ?
C’est un pur musulman, un très bon croyant. Idrissa Seck laisse tout entre les mains de Dieu. Mais, nous, qui sommes plus âgés que lui, nous savons que des choses lui ont été faites à cette époque-là. Je n'en dirai pas plus.
A votre avis, si ça ne dépendait que de lui et de Me Wade, il n'y aurait jamais eu de problèmes entre eux ?
Ça, j’en suis sûre et certaine. Ceux qui ont concocté tout ce plan-là, en parlant d’argent, l’ont fait après le départ d'Idrissa Seck du gouvernement. Quiconque aura raconté des contrevérités pour avoir des privilèges, le regrettera un jour.
Vous faites allusion à qui ?
J'ai assisté à beaucoup de choses. Ce que je dis est très clair, celui qui a raconté des contrevérités pour arriver là où est il est, aujourd'hui, un jour, il le regrettera. Il saura si raconter des contrevérités est une bonne chose ou pas.
D'aucuns estiment que c’est parce qu'Idrissa Seck s'est opposé au projet de dévolution monarchique du pouvoir, que Me Wade a commencé à lui mener la guerre...
Idrissa Seck avait attiré l'attention des Sénégalais. Mais, les gens ne voulaient pas le croire. A un moment donné, nous avions senti Me Abdoulaye Wade en train de torpiller les règles qu’il avait, lui-même, décidé d'adopter. Il nous avait assuré, qu'une fois au pouvoir, aucun membre de sa famille n'allait participer aux activités politiques ni à celles du pouvoir. Mais, dès qu'il a accédé à la magistrature suprême, il a eu une autre attitude.
Est-ce que Karim Wade était au front, lorsque vous vous battiez dans l'opposition ?
Je ne le voyais pas, et je ne l’entendais pas, non plus. Je votais au Point-E. Pour le compte du parti, j’étais la responsable de tous les centres de vote du Point-E. C’est moi qui désignais les délégués et qui supervisais les listes électorales, et je n’y ai jamais aperçu son nom.
Le «Rewmi» a connu des départs, et pas des moindres. Des compagnons de la première heure d’Idrissa Seck ont quitté le parti. Comment analysez-vous ces départs ?
Ces départs ne nous ont pas ébranlés. Un des mes frères, quelqu’un lui disait : «il ne faut pas lâcher Idy, continue le combat», il a répondu en ces termes : «Idrissa Seck n’a plus rien maintenant». C’est dire que ce qui les avait amenés aux côtés d’Idrissa est contraire à la loyauté que nous autres, nourrissons à son endroit. Tout en espérant qu’il sera porté demain au pouvoir.
Certains qui sont partis ont dénoncé une gestion solitaire du parti. Qu'en est-il réellement ?
Je n'ai pas ce sentiment. Idrissa Seck est quelqu'un de très ouvert. Moi, il m’écoute, et il me consulte beaucoup. Ceux qui s'agitent, aujourd’hui, la plupart d'entre eux, Idrissa les consultait. Vous savez, tous ceux qui étaient venus avec de petits calculs sont partis. Il y a ceux qui accompagnent quelqu'un jusqu'à ce qu'il obtienne le pouvoir, et ceux qui le font pour des intérêts. C'est comme un train. A chaque gare, certains descendent et d'autres montent. Ainsi va la vie.
Pourquoi avez-vous décidé de rester avec Idrissa Seck ?
Moi, je suis une croyante. J’avais cru en Me Abdoulaye Wade en me battant jusqu’à son accession au pouvoir, c’est de la même manière que je vais continuer à me battre aux côtés d'Idrissa Seck, pour l’accompagner au Palais, s'il plaît à Dieu. .
Le député Oumar Sarr qui a rompu les amarres avec Idrissa Seck exige la refondation de «Rewmi». Vous en dites quoi ?
Oumar Sarr était un proche du président Idrissa Seck. Nous sommes sortis ensemble du Pds. Oumar est seul à savoir ce qui lui fait mal. Ce que je devais faire, je l’ai fait. J'ai fait mon devoir. J’ai parlé avec Oumar, et j’ai fait la même chose avec Idrissa. J’ai tout fait pour recoller les morceaux.
Depuis le début de votre compagnonnage avec Idrissa Seck, qu’est-ce qui vous a le plus marqué ?
J’ai vu Me Abdoulaye Wade cheminer avec lui, en lui accordant une entière confiance. Et ce sont les qualités d'Idrissa Seck qui font que je suis persuadée que, lorsqu'il prendra le pouvoir, il y aura un très grand changement dans ce pays-là. C’est un homme d’Etat, un homme de conviction, qui croit en ce qu’il fait et qui est rigoureux dans le travail. Idrissa Seck est un grand patriote.
Lors de l'élection présidentielle de 2012, Idrissa Seck était resté à la Place de l’Indépendance, au lieu de descendre à la base. Est-ce qu'il s'était concerté avec vous avant de prendre cette initiative ?
C'était une affaire de leaders. Les leaders de l’opposition qui s'étaient rencontrés avaient scellé un pacte. Rappelez-vous de ce que ces leaders avaient dit. Idrissa Seck n’a fait que respecter les termes de ce pacte.
Beaucoup d'observateurs de la scène politique pensent qu'Idrissa Seck pouvait gagner l'élection présidentielle, s'il n'avait pas répondu à l'invitation de Me Abdoulaye Wade au Palais...
Vous savez, nous, les Sénégalais, on respecte beaucoup les aînés et les sages. Donc, quand un sage vous supplie pour telle ou telle chose, vous êtes obligé de lui accorder ce qu'il veut. C'est ça qu'Idrissa Seck a fait. Il a suivi nos traditions.
Quelle lecture faites-vous de la situation socioéconomique du pays ?
Nous, les politiques que les gens viennent solliciter dans nos maisons, nous savons ce qui se passe. Mais, allez interpeller le citoyen lambda. Il vous dira son sentiment. Vous savez, quand Me Abdoulaye Wade était là, il a fait des réalisations, et les Sénégalais ont vu de leurs propres yeux ce qu’il a réalisé. Dans deux ans, on verra ce que Macky Sall a réalisé.
Vous pensez que Macky Sall va tenir sa promesse de réduire son mandat de 7 à 5 ans ?
Il y a beaucoup de bruits autour de cette question, On l’attend, puisque c’est lui qui l'a dit. Je n'aime pas commenter une chose qui n’est pas encore arrivée, c’est une perte d’énergie. En tout cas, on est fin prêts pour 2017. «Fu ñu fëgee rek, ñu batre», parce qu’on est confiant du travail mené et de la confiance du peuple sénégalais.
Que pouvez-vous nous dire sur les relations entre Macky Sall et Idrissa Seck par rapport à ce que vous avez vécu ?
Tout ce que je sais, c’est que Macky, c’est moi qui lui ai vendu la carte du Pds en 1988, chez Assane Demba, à la Sicap Rue 10. C’est Aminata Tall qui m'a dit un jour : «Il y a un étudiant qui habite dans ton fief, vends-lui une carte de membre du parti». Je me suis rendu à trois reprises chez lui, en compagnie d’Alassane Kâ, garde du corps d’Abdoulaye Wade. Ce n’est qu'au troisième jour, qu'il a ouvert la porte de sa chambre. Il me dit : «C’est vous qui habitez au Point E ? Je passerai chez vous». Et effectivement, il est venu chez moi, et je lui ai vendu la carte de membre du Pds.
Ensuite, il m'a demandé comment les choses allaient se passer. Je lui ai indiqué le bon chemin en le mettant en rapport avec Cheikh Touré qui avait en charge la coordination des cadres du Pds. Je lui ai dit : «Rapproches-toi de lui pour participer aux réunions du vendredi». C’est comme ça qu’il a intégré le parti, et c’est comme ça qu’il les a connus. Un jour, il est venu me dire qu’il veut aller à Fatick pour militer. Je lui ai dit : «Il faut aller voir Dieynaba Dieng. C’est une femme battante, et très dégourdie, qui vient tout le temps à Dakar représenter la région de Fatick». Il est parti la voir. C’est comme ça qu’il a intégré les instances du parti. Et ensuite, il était souvent chez Ousmane Masseck Ndiaye, et même chez Idrissa Seck. Ousmane Masseck était un grand ami, qui m’a aidée et soutenue.
Depuis que Déthié Fall a été promu Vice-président, le «Rewmi» a retrouvé des couleurs...
Les textes du parti ont donné à Idrissa Sck les prérogatives de choisir ses collaborateurs. Cela n'a rien à voir avec les structures à la base. Déthié Fall a donné un nouveau souffle au parti. Ce qu'il fait pour Idrissa Seck est fabuleux. Si le «Rewmi» avait trois Déthié Fall, depuis le début, Idrissa Seck serait devenu président de la République depuis longtemps. Déthié Fall est pétri de qualités. Il est poli, courtois et travailleur. Et en plus, il supporte beaucoup de choses. Il n'a pas le temps de polémiquer. Il travaille. J'ai été avec lui sur le terrain. Je l'ai vu plusieurs fois à l'oeuvre. Il a de l'avenir. Je profite de l'opportunité pour vous annoncer que les femmes de «Rewmi» feront une tournée nationale. Ce sera après celle d'Idrissa Seck qui va continuer à aller dans le Sénégal des profondeurs pour communier avec les populations et recueillir leurs doléances.
Votre dernier mot ?
Je remercie beaucoup les Sénégalais. Ils ont été aux côtés d'Idrissa Seck, lorsque ce dernier traversait des moments difficiles. Nous leur demandons de continuer à lui faire confiance. Une fois qu'il prendra le pouvoir, ils verront le vrai changement.