LES ENFANTS MENDIANTS TOUJOURS PLUS NOMBREUX À SOUFFRIR D'ABUS, MALGRÉ UNE LOI
Dakar, 20 avr 2015 (AFP) - Les enfants mendiants dans les écoles coraniques au Sénégal, les "talibés", sont toujours plus nombreux à souffrir de violations de leurs droits, malgré une loi adoptée il y a dix ans, estiment des ONG dans un rapport publié lundi à Dakar.
"Le Sénégal n'a porté devant la justice qu'un petit nombre d'affaires concernant le trafic et la mise à la mendicité forcée d'élèves d'écoles coraniques par des maîtres abusifs", indiquent Human Rights Watch (HRW) et la Plateforme pour la promotion et la protection des droits de l'Homme (PPDH), regroupant des ONG nationales et internationales.
"La mendicité des enfants est l'esclavage des temps modernes. C'est une honte nationale. On ne peut pas comprendre qu'un Etat moderne comme le Sénégal n'applique pas la loi", a affirmé Mamadou Wane, un responsable de la PPDH, lors de la présentation du rapport à la presse.
"Depuis dix ans, la loi sur les talibés n'a été que très rarement appliquée", a renchéri Corinne Dufka, une responsable régionale de HRW. Selon le rapport, intitulé "Une décennie d'abus dans des écoles coraniques", les autorités "ont failli à leur responsabilité de poursuivre les auteurs d'abus et de réglementer les écoles" coraniques.
Au quotidien, des enfants aux pieds nus et en haillons, la sébile à la main, sont visibles dans plusieurs villes sénégalaises, à Dakar en particulier. Ils sont généralement confiés à des maîtres coraniques qui les font vivre dans la précarité, les exploitent en les forçant à mendier et à rapporter des quotas journaliers d'argent et de denrées, sous peine d'être battus, selon des témoignages.
Les ONG estiment que le nombre de "talibés, qui subissent des exactions dans les écoles coraniques (...) est en augmentation et des enfants de plus en plus jeunes sont affectés".
La loi de 2005 interdit notamment la mendicité forcée et punit ses auteurs de deux à cinq ans de prison, assortis d'amendes pouvant aller jusqu'à 2 millions de francs CFA (plus de 3.000 euros).
Plusieurs intervenants ont lié la non-application de la loi notamment à "l'absence de volonté politique" et au "lobby maraboutique" très puissant au Sénégal. Selon une étude gouvernementale réalisée en 2014, plus de 30.000 "talibés", dont beaucoup originaires des pays voisins, mendient chaque jour à Dakar.