Les libéraux tendent un gros piège au pouvoir

Les populations de la banlieue qui, depuis l’annonce de la marche des libéraux et des jeunes et femmes apéristes se réveillaient la peur au ventre de vivre un samedi de tensions, peuvent pousser un gros ouf de soulagement. La confrontation qu’elles redoutaient tant entre les libéraux et les membres de l’Apr n’aura pas lieu. En ce sens qu’Oumar Sarr et ses frères ont décidé de reporter leur manifestation à une date ultérieure et de laisser le champ libre à leurs adversaires du parti présidentiel.

La bataille de l’opinion compte énormément aux yeux du Pds dont les membres les plus influents sont sous les coups de boutoir procéduraux de la Crei. Pour remporter cette cruciale bataille, les libéraux, pourtant crayonnés comme des gens particulièrement attirés par la violence, sont prêts à tempérer leurs ardeurs. C’est ce souci et celui d’apparaître comme des martyrs qui guident leur décision de reporter à une date ultérieure la marche qu’ils prévoyaient d’organiser après-demain samedi dans la banlieue.

 Après leur manifestation avortée du 8 mai dernier en raison de l’interdiction faite par le préfet de Pikine, Oumar Sarr et ses frères viennent de remettre çà. Cette fois-ci, ils ont décidé de leur propre chef du report de la procession prévue le samedi prochain à travers les artères de Pikine. En agissant ainsi, ils évitent à la banlieue, véritable poudrière, de renouer avec le brasier.

 D’autant que dans un marquage à la culotte, les femmes de l’Apr avaient retenu de marcher le même jour, à la même heure et d’emprunter le même itinéraire que les partisans de Me Wade. Et dans le communiqué annonçant le report de la manifestation, le coordonnateur général du Pds Oumar Sarr indique : «j’ai décidé de reporter la marche de la colère organisée conjointement par les départements de Pikine et de Guédiawaye afin de permettre aux jeunes et aux femmes de l’Apr d’organiser dans le calme et la paix les marches qu’ils ont prévues cette semaine. Par conséquent, je demande au préfet de Pikine de prendre acte de notre décision et d’autoriser les marches de l’Apr. Le Pds fera une marche à une autre date».

Seulement, que les tenants du pouvoir ne s’y trompent guère ! Leurs adversaires du Pds voudraient les piéger qu’ils ne s’y prendraient pas autrement. Plus qu’une faveur, cette décision de report constitue un énorme traquenard que les libéraux ont voulu tendre aux apéristes. Explications d’un haut responsable du Pds : «nous sommes dans le cadre d’une lutte de longue haleine dont la finalité c’est de gagner la bataille de l’opinion.

La première fois que nous avions voulu marcher, on nous a opposé une interdiction du préfet que nous avons respectée. Alors que nous avons introduit une nouvelle demande d’autorisation, ils (les tenants du pouvoir) ont monté leurs jeunes et leurs femmes qui, pour faire dans la provocation, ont prévu de manifester. Puisque notre but c’est la bataille de l’opinion, nous allons nous présenter en porteurs de message de paix, des gens qui ne cherchent pas la confrontation et qui sont donc prêts à laisser le terrain à leurs adversaires.

Mais c’est un piège qui leur est tendu. Parce que si les autorités refusent aux apéristes leurs marches, cela ne nous empêchera pas de dire qu’on les a montés pour nous provoquer. En revanche, si la marche est autorisée, on dira qu’il y a deux poids deux mesures. Si demain, nous introduisons une nouvelle demande, l’opinion comprendra que nous sommes victimes d’ostracisme».

Me El Hadji Amadou Sall n’a pas une lecture différente sur la question. Selon le responsable libéral de Thiaroye qui accuse le régime de déstabilisation, le Pds vient de démontrer aux Sénégalais qu’il ne tient pas à créer une situation de tension. D’où sa décision de reporter sa manifestation. «Ils ( les apéristes) n’ont qu’à marcher, on les laisse marcher. Quand ils auront fini de marcher, nous marcherons», indique-t-il.