Les maladies cardiovasculaires vont constituer la principale cause de mortalité en Afrique subsaharienne d’ici 2025
Congrès de la Société panafricaine de Cardiologie
Notre capitale, Dakar, a abrité, du 16 au 20 du mois de mai en cours, le 11ème congrès de la Société Panafricaine de Cardiologie et le 3ème du genre, de la Société Sénégalaise de Cardiologie. A cette occasion, le président de la Société Sénégalaise de Cardiologie, le professeur Serigne Abdou Ba, a révélé que les maladies cardio-vasculaires représentent la première cause de décès chez les adultes au Sénégal et qu’elles vont constituer la principale cause de mortalité en Afrique subsaharienne d’ici 2025. Face à cette tendance, les dirigeants du continent devront lutter contre ce fléau pour limiter les dégâts. Le Sénégal, pour sa part, a été invité à lancer un modèle de prévention de ces maladies à suivre par le reste de l’Afrique. D’ailleurs, pendant quatre jours, des professionnels de la santé ont échangé sur les aspects diagnostiques, thérapeutiques et préventifs de ces maladies.
Aujourd’hui, le mode de vie occidental et ses pratiques alimentaires sont, de plus en plus, adoptés par les Africains notamment dans les villes. En effet, partout sur le continent, on mange trop gras, trop sucré et trop salé. Un mode d’alimentation qui favorise l’accroissement des maladies cardiovasculaires dont l’ampleur est devenue inquiétante en Afrique. A l’occasion du congrès que vient d’abriter Dakar, le secrétaire général de la Société panafricaine de cardiologie a alerté les dirigeants africains sur la parution d’un document publié dans une revue et qui fait état de la propagation fulgurante des maladies chroniques au niveau du continent : crises cardiaques, hypertensions artérielles, diabètes, Avc (accidents vasculaires cérébraux)… entre autres.
La même étude montre que le continent noir n'est pas épargné par le poids de ces maladies qui tuent plus de personnes que le Sida, la tuberculose et le paludisme en Afrique. « Si nous regardons les statistiques dans le service de cardiologique, l’hypertension artérielle est la première cause de consultation au niveau du service et celles compliquées la deuxième d’hospitalisation », a fait savoir le cardiologue Serigne Abdoul Bâ qui soutient aussi que cet accroissement des maladies liées au cœur « est un problème important ». Pis, les enquêtes faites dans le pays montrent la prévalence élevée de l’hypertension artérielle. Cela dit, notre pays, même s’il n’échappe pas aux ravages causés par ces maladies dites chroniques qui représentent la première cause de décès chez nos adultes, dispose d’un bon taux de cardiologues.
Le Sénégal compte en effet, au total et au niveau national, 73 cardiologues pour une population de 13 millions d’habitants. Suffisant pour que le chef du service de cardiologie de l’hôpital Aristide Le Dantec, par ailleurs président de la Société sénégalaise de cardiologie, classe notre pays comme la plus grande école de cardiologie en Afrique avec un ratio acceptable d’un cardiologue pour 250.000 à 500.000 habitants. Mieux, 17 cardiologues sont également en cours de formation. Ce qui peut permettre au Sénégal, « d’ici quelques années de dépasser la France et les Etats Unis et atteindre les normes internationales ».
Seulement voilà, disposer de cardiologues pour soigner le mal ne suffit pas puisque, « au-delà des spécialistes, il faut se concentrer sur l’éveil et la sensibilisation des populations », estime le Pr Serigne Abdou Ba. Une manière pour lui de suggérer qu’il faut mettre l’accent avant tout sur la prévention. Un aspect sur lequel le président de la République, M. Macky Sall, a beaucoup insisté lors de l’ouverture du 11ème congrès des cardiologues tenu à Dakar, du 16 au 20 mai dernier. En effet, selon lui, force est « de constater que si c’est la même maladie partout, ce n’est pas la même gravité partout ».
Le Président en veut pour preuve le fait qu’« une personne atteinte de cardiopathie ou d’accident vasculaire cérébral a plus de chances d’en mourir en Afrique que dans les pays développés, par manque de moyens d’y faire face ». C’est pourquoi il a dit espérer que le congrès qui a réuni, à Dakar, plus de 500 participants venus d’Afrique, d’Europe, des Etats Unis, de l’Inde et d’Australie, sera un lieu d’échanges privilégié qui facilitera aux décideurs la mise en œuvre de stratégies efficaces et durables en vue d’éradiquer à terme les maladies chroniques non transmissibles.
Et pour cause, selon le chef de l’Etat, « ces maladies nécessitent des moyens importants que ne peuvent soutenir nos pays en développement ». Il a aussi souhaité que le congrès contribue à renforcer le plaidoyer et la sensibilisation des populations sur les problèmes de ces maladies touchant toutes les couches de la population. « Ces maladies qui occupent une place très importante dans l’agenda de santé publique internationale, accentuent la vulnérabilité des populations en les tuant en silence et ont été pendant longtemps les parents pauvres de notre système de santé en absorbant presque toutes les ressources venant de l’extérieur alors qu’elles les devancent largement aujourd’hui, au plan de la mortalité », a dit le chef de l’Etat.
S’agissant plus spécifiquement de notre pays, le président de la République a confié que le gouvernement a mis l’accent sur la prévention médicale et la sensibilisation pour un changement accéléré des comportements. Il s’est longuement appesanti sur les maladies cardio-vasculaires qui représentent, aujourd’hui, « les plus gros problèmes de santé publique de par leur morbidité et leur mortalité ». Compte tenu de cela, il s’est engagé à rester très attentif aux conclusions des travaux de ce 11ème congrès qui, « à coup sûr, seront de très haute qualité » au regard des éminentes personnalités médicales et scientifiques qui y ont pris part.
Des programmes nationaux contre les maladies chroniques
Les maladies chroniques, qui représentent la première cause de décès chez les adultes du continent, constituent donc une véritable menace pour la société. Elles creusent les inégalités entre les populations et entre les pays. D’ici à 2025, elles risquent de constituer la principale cause de mortalité en Afrique subsaharienne. L’éradication de ces maladies liées aux modifications du style de vie est un enjeu de développement.
D’autant que, pour un malade souffrant de ces pathologies, se soigner est un combat qui dure toute la vie. Malgré les ravages qu’elles provoquent, hélas, ces maladies chroniques ne bénéficient pas de moyens conséquents dans la répartition des ressources allouées à la santé. Elles sont le parent pauvre de nos politiques sanitaires. Qualifiant ce choix de « concurrence déloyale », le chef de l’Etat sénégalais a plaidé pour une répartition plus équitable des ressources.
Selon Macky Sall, le Sénégal a renforcé, de manière conséquente, les ressources allouées à la lutte contre ces maladies. En effet, le gouvernement a mis en place un dispositif qui s’articule autour de programmes nationaux de lutte contre les maladies chroniques à travers l’équipement de la clinique de cardiologie de l’hôpital Aristide Le Dantec qui est dotée d’une salle d’angiographie de dernière génération. Le Sénégal abrite également la plus grande école de cardiologie en Afrique dirigée par le professeur Serigne Abdou Bâ.
Cette école compte actuellement plus d’une cinquante d’étudiants africains francophones et anglophones. Dans le souci de décentraliser l’offre de soins, le gouvernement poursuit aussi le déploiement des cardiologues dans toutes les régions du Sénégal. Ces spécialistes sont actuellement présents dans 9 régions sur les 14 que compte le pays. «Cette nouvelle approche, qui vise la prise en charge décentralisée des patients souffrant de pathologies cardiovasculaires, va consolider l’appui aux services de cardiologie régionaux et leur équipement, afin de mieux faire face aux accidents aigus cardiaques et cérébraux vasculaires », a déclaré Macky Sall soulignant au passage qu’« un spécialiste en cardiologie est une ressource rare dans les pays développés, à fortiori en Afrique ».
Macky Sall ordonne l’accélération de l’adoption de la loi sur le tabac
Venu présider l’ouverture des travaux du 11ème congrès de la Société panafricaine de cardiologie, le Président Macky Sall, apparemment préoccupé par la qualité de l’offre en matière de santé, a relevé la nécessité de mettre l’accent sur la prévention médicale et la sensibilisation pour un changement accéléré de comportements par son gouvernement. Alors qu’il est noté une intensification de la campagne de lutte contre le tabac, au Sénégal, il s’est inscrit dans cette dynamique, en précisant qu’il a «demandé au ministre de la Santé d’accélérer l’adoption de la loi contre le tabac. Il y a beaucoup d’opposition mais nous allons travailler d’abord pour la santé des populations », a-t-il souligné.
Dans leur campagne, les associations de lutte contre le tabac mettent en avant les ravages de la cigarette sur la santé des fumeurs et le budget colossal mobilisé. Le chef de l’Etat a demandé au ministre de la Santé et de l’Action sociale d’accélérer le processus d’adoption de la loi anti-tabac. « Je sais qu’il y a beaucoup d’opposition, mais nous allons travailler pour la santé des populations d’abord », a déclaré Macky Sall. Dans cette offensive, la World lung foundation (Wlf) et la Ligue sénégalaise contre le tabac (Listab) demandent aux 88 % de Sénégalais non-fumeurs de soutenir l'adoption de la loi sur le contrôle du tabac. Ces deux associations de lutte ont même lancé un site web et une pétition en ligne sur le site, pour encourager les citoyens sénégalais à « soutenir une loi anti-tabac puissante prévue cette année ».
Le ministère de la Santé et de l'Action sociale, de son côté, a tout récemment lancé une campagne nationale médiatique de masse intitulée « Eponge » pour sensibiliser les Sénégalais sur les méfaits du tabac. Dans ce cadre, nos compatriotes — et les étrangers vivant dans notre pays — ont pu voir de grandes affiches placardées sur les grandes artères de la capitale illustrant les méfaits de l’accumulation du goudron dans les poumons d'un fumeur. Des images saisissantes et effrayantes à la fois dont nous espérons qu’elles produiront un effet de repoussoir.