LES MANOEUVRES QUI ONT CASSÉ LA MARCHE
MARCHE DE L'OPPOSITION BOOLO TAXAW ASKAN WI, HIER
L'Etat et l'Alliance pour la République (APR) surveillent depuis quelque temps le front, sûrement à cause de la situation économique et sociale, qui manifeste des signes de crispation. Une stratégie a ainsi été mise en scène pour étouffer le poussin dans l’oeuf hier.
Le contexte semblait bien favorable, tant les Sénégalais semblent mécontents des pénuries d'eau, des délestages qui ont repris, de la situation économique jugée difficile, etc. Mais au finish, cela n'a pas donné grand-chose.
Pour les tenants du pouvoir, la première bataille qu'il fallait mener, c'était la gestion du temps de la marche et de l'itinéraire. Ceux qui sont habitués à organiser des manifestations savent parfaitement prendre deux éléments en compte : le parcours retenu (ou imposé) et l'horaire fixé. Le pouvoir a ainsi réussi à imposer 17 heures comme heure à laquelle prend fin la manifestation, alors que c'est à ce moment-là que les foules viennent enfler les rangs, à la faveur d'une température qui devient plus clémente. La Coalition qui a marché hier, a dû renoncer à l'horaire 14 h – 19 h, plus souple. Mais ce n'est pas le seul astuce utilisé.
Il est vrai que le fait que Karim Wade fasse partie des motifs de la manifestation a donné une coloration plus politicienne que citoyenne à la manifestation, mais il s'y ajoute bien que les manoeuvres sur les flancs ont dissuadé certaines forces de la société civile et des partis politiques comme Rewmi à grossir les rangs des manifestants. Ainsi, si le parti d'Idrissa Seck a multiplié les clins d’oeil en direction du Pds, envoyant Thierno Bocoum à la prison de Cap Manuel rendre visite à Bara Gaye, proche de Karim Wade, Rewmi n'a pas franchi le Rubicond et n'est pas venue porter main forte à Taxawu Askan Wi.
D'autres forces politiques ont dû renoncer à toute participation pour ne pas donner l'impression qu'elles se rangeaient derrière Karim Wade. Et même à l'intérieur du Parti démocratique sénégalais (PDS), les batailles de positionnement ont déjà démarré et qu'une réussite d'Omar Sarr, orfèvre de la marche, n'est pas souhaitée par le conglomérat aujourd'hui très complexe des camps qui se battent discrètement au sein du parti. Il ne faudrait pas non plus négliger le fait que plusieurs responsables politiques négocient discrètement avec le pouvoir. Ceci explique-t-il l'absence de gros calibres comme Me Ousmane Ngom, absent depuis quelque temps de plusieurs manifestations ?
Il s'y ajoute aussi, d'après en tout cas des sources bien informées, que les moyens financiers et logistiques n'ont pas été mobilisés à la hauteur des défis du moment. Et sans doute, comme du temps des manifestations clairsemées de Benno Siggil Senegaal, cette marche mi-figue, mi-raisin ne traduit pas forcément l'état d'esprit des citoyens, surtout de Dakar.
SOKHNA GAYE NIANE (UNE MANIFESTANTE) : LA SDE VIENT DE M'ENVOYER UNE FACTURE DE 40 118 F CFA
Si c’est pour faire sensation, elle aura réussi son coup. De rouge vêtue, lunettes noires derrière un visage rondelet, Sokhna Gaye Niane tient une bouteille d’huile vide à la main gauche, une marmite à la main droite, un panier sur la tête. Cette habitante de la Médina rue 5 X 6 a tenu, à sa manière, à attirer l’attention sur la situation qu'elle dit vivre depuis l’arrivée au pouvoir de Macky Sall.
“Je suis fatiguée, crie-t-elle. Je suis restée 23 jours sans avoir de l’eau. Malgré tout, la SDE vient quand même de m’envoyer une facture très salée. Pourtant, Macky Sall avait promis qu’il allait éponger la facture des personnes qui ont été touchées par la pénurie d’eau.”
Sur la facture qu’elle remet à EnQuête, Sokhna a une ardoise financière de 40 118 francs Cfa à honorer avant la fin de ce mois.
Une somme qu'elle aura du mal à rassembler, elle, mère d'une famille de trois enfants, au regard de sa situation sociale. “Je fais du petit commerce ; et j’ai sous ma responsabilité près de 40 personnes. Je me demande comment je vais payer cette facture”, s’inquiète-t-elle.
De teint clair et d’une forte corpulence, Sokhna Gaye Niane regrette encore le départ d’Abdoulaye Wade sous le régime duquel elle avoue avoir vécu dans l’opulence. “Avec Wade, les gens était prospères. Actuellement, avec Macky, c’est la misère”, dit-elle.
N’ayant pas beaucoup le choix, elle a trouvé dans cette manifestation un exutoire. Aujourd’hui, son voeu le plus ardent se résume en un mot : “le départ de Macky Sall”.