Les maux du célibat chronique chez la gent féminine
IRRITABILITE, ANXIETE, FIBROME…
Quand on attend le prince charmant et que ce dernier tarde ou ne viendra jamais, comment réagissent les filles nubiles ? Les unes se font une raison et vivent le célibat avec philosophie ; d’autres se font du mouron, s’exaspèrent dans une révolte contre les hommes accusés d’être responsables directs ou indirects de ce célibat forcé de la gent féminine.
Elles n’ont pas encore entendu le fameux Al Khayri (prière qui scelle le mariage musulman) et commencent à vivre mal un célibat qui dure et qui risque de leur valoir le qualificatif de «vieille fille». «Solterona», comme ironiseraient les hispanophones.
Un tour dans les mosquées suffit pour se convaincre de la baisse des contrats de mariage ; contrairement aux années passées où il ne se passait pas une semaine sans célébrations de mariages au grand bonheur de tout le monde. Mais si le phénomène, qui touche de plus en plus la gent féminine, a presque, comme qui dirait, signé ses lettres de noblesses dans la société, il n'est point sans conséquences sur la vie de ces «célibataires» qui vivent au quotidien dans la hantise de mourir vieille fille.
Vendeuse dans un grand magasin d'accessoires électroniques, Khady, qui ne nous dit pas son âge exact, approche la trentaine. Teint noir, taille moyenne, très "classe" dans son boubou traditionnel, elle assure que le fait de n'avoir pas de mari ne lui gâche pas la vie. Autrement dit, elle accepte son célibat avec courage et foi car, explique-t-elle : «Le mariage est un acte sacré. Et en tant que croyante, je me dis tout le temps que su jotee rek yombë.» En revanche, dira-t-elle : «Mon entourage immédiat, notamment ma mère et mes tantes, en font tout un drame. Ne parlons même pas de mes grandes sœurs. J'ai deux petites sœurs mariées et qui ont même des enfants. Il y a aussi des membres de ma famille qui en font tout un drame, m’accusant même d’avoir des "faru rab" et autres, mais moi je laisse tout entre les mains de Dieu», assure-t-elle, reconnaissant que beaucoup de filles sont dans cette situation à force de faire trop de chichis.
A. C., elle, trouve que tout cela c'est à cause des hommes mariés qui font miroiter une place de deuxième épouse à bon nombre de filles leur faisant ainsi perdre beaucoup de temps. «Ce qu'il faut comprendre, c'est qu'aujourd'hui, il y a une catégorie d'hommes qui a les moyens de prendre femme et de l'entretenir comme rêvent beaucoup de filles. Mais, la plupart de ces hommes sont mariés à une femme et souvent ils sont sous le régime de la monogamie, mais cachent la vérité aux filles qui hélas sont tombées amoureuses d'eux et sont même prêtes à attendre toute leur vie pour être un jour madame untel», se désole notre interlocutrice.
Secrétaire de direction, Nafi, la trentaine elle aussi, nous raconte avec beaucoup d'humour sa vie de long célibat, car à l'en croire, presque toutes ses amies d'enfance se sont mariées alors qu’elle est toujours en train d'attendre le prince charmant. «Amaguma dé ! Maagi xaar ba leegi !», s’exclame-t-elle d'emblée. Avant de continuer en déclarant que «c'est difficile d'assister à des cérémonies de mariages et parfois même d'être membre du comité d'organisation, subissant stoïquement les regards des autres. C'est difficile, mais j'essaie de le supporter». À l'en croire, il y a des jours où son long célibat lui pèse lourdement. Et dans ce cas, «il m'arrive de me mettre en colère pour un rien. Franchement, il y a des jours où j'en veux à tout le monde ; je bous de l'intérieur sans raison apparente. Mais, seule, je me rends compte que mon état d'irascible a quelque chose à voir avec mon célibat prolongé».
Rêveuse Nafi l’est, car pour elle, dans ce contexte de vie, «il est bon d'avoir "son quelqu'un" à côté. Un mari qui saura assumer pleinement son rôle pour faire voir la vie en rose.»
Trouvée devant chez elle, en train de deviser avec d'autres personnes, Olyma, qui nous a été présenté comme la "grande célibataire", se pose des questions. En effet, dès le début de notre entretien, elle nous répond ceci : «Mais, pourquoi xalé yu goor ñi takatuñu la bëgë xam man» (moi, je veux savoir pourquoi les jeunes en âge de se marier ne le font pas). Visiblement très perturbée par cette question, la jeune dame dont l'âge avoisine les 40 ans, très belle encore avec sa taille élancée et ses formes généreuses, nous dira malgré tout que son célibat commence vraiment à lui causer des soucis quotidiens. Au point même qu'elle y pense en pleine nuit. «Ah, mais, quoi qu'on dise, ici, au Sénégal, les gens croient dur comme fer que la beauté d'une femme s’apprécie dans un ménage, entre un époux, des enfants, la belle-famille et les amis. Aussi, si tu dépasses les 20-25 ans sans un mari, les parents commencent en a faire un drame. Et finalement, même si le problème ne te dérangeait pas, ça fini par te peser. C'est la société qui tient au mariage qui est une convention à laquelle il faut se conformer». «Mais, dafa mel ni goor yu baax yép, dag na ñu!», commente-t-elle avec une pointe de déception. Puis, elle se met à en rire avant de verser dans le fatalisme en disant que Dieu est grand.
Étudiante en 2e année dans un institut de santé, Rokhaya, elle, pense qu’ils sont nombreux les facteurs qui font que plusieurs femmes en âge de le faire ne sont toujours pas dans les liens du mariage. Mais, dans tous les cas, elle trouve que nous sommes loin du temps où à 20 ans, la jeune fille non encore mariée était presque considérée comme une vieille fille. «Aujourd'hui, nous sommes dans une ère moderne. Nombreuses sont les jeunes filles qui vont à l'école et qui poursuivent leurs études jusqu'au niveau supérieur en disant ne pas vouloir d'un mari qui serait un handicap dans leurs ambitions futures. Ce qui fait que pour la plupart des filles, au moment où elles se disent aptes à avoir un mari, il est souvent trop tard», explique-t-elle. Et s'empresse-t-elle d'ajouter : «Moi, je pense à tout cela. Je dis souvent à mes copines qu'il ne sert à rien de jouer les dures et que si on rencontre un homme sérieux, qui répond à nos critères, quel que soit son statut, il ne faut pas hésiter à répondre oui à son offre de mariage.»
Perdre l'appétit, le sommeil, le goût de vivre, gagné par le manque d'espoir de voir débarquer un "mari", suite à de multiples trahisons et d'espoirs non réalisés, voilà des faits que vivent bon nombre de femmes et qui, petit à petit, ont changé leur vie douillette en calvaire quotidien ou même l'annonce d'un mariage d'un tiers peut créer la panique à tout moment. Et, selon cette dame vendeuse de matelas, «finalement, elles deviennent plus âgées que les filles de leur génération. Car, elles passent des heures à penser à leur célibat, à leurs amies et autres qui se sont mariées depuis longtemps, qui ont des enfants et qui ont fondé un foyer. Ça les travaille et finalement c'est une situation très difficile qu'elles vivent », déclare-t-elle.
Bineta, elle, trouve que, souvent, ce sont des hommes déjà âgés et polygames qui finissent, dans beaucoup de cas, par marier, sans tambours ni trompettes, ces filles restées trop longtemps dans le célibat, le plus souvent par caprice. Dès lors, fait-elle remarquer : «On ne dira même pas qu'une telle à un mari, mais juste «benë paa moo ko takkë» (c’est un vieil homme qui l’a épousée)».
ELHADJI MOUHAMED NIASS MEDINA BAYE - «L’islam est pour le mariage dès le jeune âge»
«L'islam encourage le mariage entre l'homme et la femme pendant qu’ils sont tous les deux jeunes. Dans ce phénomène où l'on voit des célibataires atteindre un certain âge, il y va de la responsabilité de toute la société. L'islam est pour le mariage célébré tôt entre les conjoints. Il y voit une manière de réguler la société et de la protéger de certains maux comme les grossesses hors mariages, l'adultère et des travers similaires.
Et dans ce cadre, le Prophète (PSL) à lui seul est un exemple dans son histoire avec Aïcha. Il y a des hommes qui restent jusqu'à 50 ans sans jamais se marier, comme il y a des femmes qui restent aussi jusqu'à cet âge ou en deçà sans être dans les liens du mariage.
Dans un hadith, le Prophète (PSL) disait que si un homme a les moyens de verser la dot, il doit se marier, car c'est la seule voie qui l'aidera à éviter certaines dérives. Mais, dans le cas contraire, il doit jeûner fréquemment pour éviter de faire certains actes répréhensibles.»
DOCTEUR GUIRASSY, GYNECOLOGUE - Les conséquences sanitaires d’un célibat qui dure
Pour des professionnels de la santé rencontrés, le célibat à longue durée, peut avoir des effets sanitaires négatifs chez les femmes concernées. Gynécologue à l'hôpital régional, Dr Dembo Guirassy, chef de service de la maternité, affirme que rester longtemps célibataire pour une femme suppose que, sur le plan médical, elle va toujours voir son cycle mensuel fonctionner. Ce qu'il faut savoir d'abord, c'est qu'une femme naît avec un certain capital folliculaire pré-déterminé et que, chaque mois, il y a un certain nombre de follicules qui vont être détruits grâce au cycle menstruel.
«Vu sous cet angle, une femme qui reste célibataire pendant longtemps, épuise plus facilement son capital folliculaire que celle qui fait des grossesses. Cela fait neuf mois de repos durant lesquels il n'y a pas utilisation de ce capital folliculaire. Dans ce cas, la femme restée très longtemps célibataire va entrer en ménopause beaucoup plus tôt que les autres femmes ayant eu des grossesses. Aussi peut-on parler de ménopause précoce.
«Le follicule donne les ovules et les ovules donnent l'œuf, donc l'enfant. Et puisque la femme restée très longtemps célibataire va épuiser plus facilement son capital folliculaire, elle va être confrontée plus tard à un problème d'infertilité.
«L'autre fait, peut-être, c'est que le cycle mensuel, quand il survient tous les mois, il y a une phase d'oestrogènes et de progestatives. Les oestrogènes favorisent les multiplications cellulaires. Donc, l'hyperoestrogénie est un facteur très important dans la survenue des fibromes et pose encore la question de la fertilité.»