LES NOUVEAUX MAÎTRES DU JEU POLITIQUE
KHALIFA SALL, ABDOULAYE BALDE, IDRISSA SECK, AISSATA TALL SALL
Ils ont tous rempilé à la tête de leur municipalité. Mais cette année, leur victoire a un goût plus succulent puisqu’elle les place dans une situation confortable pour être candidats à la prochaine présidentielle. Entretemps, il y a les législatives, occasion pour Idrissa Seck, Khalifa Sall, Abdoulaye Baldé et Aissata Tall Sall d’affûter leurs armes. Certainement en coalition.
Ceux qui voulaient confiner le scrutin du 29 juin dernier à son aspect purement local ont dû vite déchanter. Les élections locales qui se sont tenues il y a une dizaine de jours au Sénégal ont eu leur impact sur la vie politique nationale, pour ne pas dire sur le Sénégal tout simplement. Elles ont en effet causé le limogeage du Premier ministre et le réaménagement du gouvernement dans presque l’ensemble de ses composantes.
Le chef de l’Etat qui s’est très vite attelé, à tirer les conséquences de la débâcle de la majorité présidentielle dans la quasi-totalité des grandes villes du pays sait bien de quoi il s’agit. En réalité, le scrutin du 29 juin marque le point de départ d’une deuxième recomposition politique depuis la fin de la dualité PS-PDS qui a connu son épilogue en 2000 avec le départ d’Abdou Diouf. Puisque Ousmane Tanor Dieng, le successeur de Diouf au poste de secrétaire général du Parti socialiste n’a jamais pu s’imposer en alter ego de Wade. A sa décharge, l’arrivée en force de Moustapha Niasse qui a sensiblement contribué à la première alternance politique au Sénégal avant d’occuper la station primatoriale pendant presqu’une année, ainsi que les nombreuses défaillances qui ont suivi la perte du pouvoir, avaient fini par limiter les ambitions de Tanor. Il se contente d’être leader de «l’opposition républicaine» avant de se confiner à un rôle de sapeur pompier afin de sauver les restes du Parti socialiste qui prenait feu de toute part.
La deuxième alternance qui a vu Macky Sall accéder à la magistrature suprême n’a pas véritablement permis une lisibilité de la carte politique sénégalaise. Le quatrième président du Sénégal avait réussi à faire rallier tout le monde à sa cause au moment où le PDS se relevait difficilement de sa défaite. L’on avait l’impression de vivre un monopartisme de fait ainsi que l’avait réussi feu Léopold Sedar Senghor et qui avait abouti, en 1966, à la naissance de l’Union progressiste Sénégalaise. Avec Macky Sall, certains y voyaient également un consensus à la Malienne qui avait fini par plonger le pays d’ATT dans une léthargie profonde et permis à des forces islamistes d’occuper, avec une facilité déconcertante, une bonne partie du territoire national.
On n’en est pas heureusement arrivé là au Sénégal puisque très vite, des voix discordantes ont commencé à se faire entendre au sein de la majorité incarnée par Benno Bokk Yakaar. Les forces politiques étaient devenues éparses mais le Sénégal était sauvé de l’unanimisme qui tue toute démocratie. Avec ces locales, on commence à y voir plus clair. Des leaders sont sortis de l’ombre et des coalitions commencent à se dessiner avec des ténors qui sont devenus les nouveaux maîtres du jeu politique sénégalais. On en désignera certains dont Khalifa Sall qui rempile à Dakar, Abdoulaye Baldé à Ziguinchor, Idrissa Seck à Thiès, Aïssata Tall Sall à Podor. Ces responsables qui sont pourtant à la tête de leur municipalité depuis au moins 2009, ont pris du galon avec le scrutin du 29 juin pour la bonne et simple raison qu’ils ont su se défaire de portes flambeaux de la majorité présidentielle dont des ministres, des Directeurs généraux…
A Dakar, la victoire de Khalifa Sall sonne comme la consécration d’une légitimité politique. Le maire de Dakar a gravi tous les échelons au Parti socialiste sans jamais pour autant revendiquer quoi que ça soit. Pas en tout cas ouvertement. Il a, avec patience, attendu son heure, même quand sa formation politique fut traversée par des guerres interminables, chaque leader se croyant plus apte que l’autre à diriger le parti. Aujourd’hui, tout semble lui sourire et il ramassage ce qu’il a semé pendant tant d’années au Parti socialiste.
Ousmane Tanor Dieng ayant perdu son département de Mbour, K. Sall s’offre un boulevard… vers le secrétariat général du Parti socialiste. A moins, comme le laissent entendre certains, qu’il y ait un partage assez intelligent des rôles entre les deux, permettant ainsi à Tanor de continuer à diriger le PS et Khalifa Sall d’être candidat des socialistes à la prochaine Présidentielle. On verra !
Idrissa Seck qui s’est forgé un destin national, prend très au sérieux sa victoire à Thiès. Même s’il décide de s’investir au niveau départemental, sa victoire à la cité du rail face à une panoplie de pontes de la République peut être interprétée comme une première bataille gagnée sur Macky Sall. Et un point de départ pour la conquête du palais présidentiel. D’autant plus qu’il a décidé de passer plus de temps à Thiès. Idy pourrait bien se consoler du titre de cinquième président de la République à défaut d’en être le quatrième.
Abdoulaye Baldé est dans la même position que Khalifa Sall et Idrissa Seck. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les trois se sont passé des coups de fil et se promettent d’assister à l’installation de chacun d’entre eux. Il n’est pas besoin d’être devin pour savoir qu’ils projettent des retrouvailles pour les prochaines législatives. On peut valablement penser que chacun des trois va se présenter à la présidentielle de 2017, mais les législatives sont une occasion rêvée pour eux de tester leur représentativité au niveau national et aiguiser leurs armes en vue du scrutin présidentiel.
On ne peut pas en dire autant d’Aissata Tall Sall. Même si le maire de Podor est considéré comme un proche de Khalifa Sall, malgré les malentendus nés du congrès du Parti socialiste, les enjeux de l’heure font d’elle l’une des responsables politiques les plus convoités. La presse ne s’y est d’ailleurs pas trompée en annonçant qu’elle était dans la ligne de mire de Macky Sall. Mais il est fort probable qu’elle continue son combat au sein du Parti socialiste après avoir été candidate malheureuse pour diriger le secrétariat général.