LES OPÉRATEURS CHERCHENT GRAINES À ACHETER À KAOLACK
CAMPAGNE DE COMMERCIALISATION DE L’ARACHIDE 2014-2015
Dans les points de collecte de l’arachide de la région de Kaolack, ce n’est pas l’argent qui manque mais plutôt les graines d’arachide. Des producteurs se sont rabattus sur les « loumas » pour écouler leurs graines, ne pouvant plus attendre face à une mise en place des fonds qui a accusé du retard, nous explique-t-on.
« Dans le monde rural, c’est l’arachide qui manque plus que les financements qui dorment entre les mains des opérateurs. Une situation qui a fait grimper le prix actuel du kilogramme d’arachide qui a, de loin, dépassé les 200 FCfa décrétés par l’Etat du Sénégal ».
Ces propos sont du secrétaire général du Cadre de concertation des producteurs agricoles (Ccpa), Sidy Bâ. La variété arachidière appelée 55 ne peut être acquise en ce moment à moins de 250 FCfa le kilogramme alors que la 33 est vendue à 230 FCfa. C’est dire que la situation décrite par certaines personnes qui parlent d’absence de financement et de mévente de la production des paysans est totalement fausse.
Si l’on en croit El Hadj Tambédou, le président de la Fédération des opérateurs privés stockeurs du Sénégal (Ops), il y a, à l’heure actuelle, suffisamment d’argent dans les points de collecte, mais le peu d’arachide encore disponible dans le monde rural est vendu au plus offrants à 230 FCfa, voire 250 FCfa pour la 55, notamment à Touba, constate-t-il.
Le problème, toujours selon M. Tambédou, est que les achats des graines ayant commencé le 29 décembre 2014 dans les points de collecte, les huiliers qui sont un des maillions essentiels de la campagne de commercialisation ne sont entrés en jeu que presqu’un mois plus tard, c'est-à-dire le 19 janvier 2015. Selon le président des opérateurs privés stockeurs (Ops), le gouvernement du Sénégal a, très tôt, pris les dispositions idoines pour une campagne de commercialisation des arachides précoce et se déroulant de manière parfaite.
D’ailleurs, les principales huileries se sont partagé les 1985 points de collecte créés dont 1264 revenant à Suneor qui est la plus grande des unités industrielles. L’argent tardant à être mis en place du fait de l’hésitation des banques, il a fallu, pour la Suneor, des garanties apportées par l’Etat afin de débloquer la situation. Le gouvernement de Macky Sall, selon M. Tambédou, consent depuis deux ans, des efforts exceptionnels dans le paiement des sommes dues à titre de semences, même si cette fois-ci, il y a eu un léger retard.
Pour le président des Ops, le retard constaté dans le démarrage effectif de la collecte a eu des incidences, certains paysans, face aux besoins, ont été obligés de se rabattre sur les « loumas » où l’on achète en deçà du prix officiel de 200 FCfa. Du côté du Ccpa, si l’on juge que la campagne de commercialisation de l’arachide est bonne pour la collecte des semences et moyenne pour l’arachide d’huilerie, l’on insiste beaucoup sur la nationalisation de Suneor, à défaut, l’audit suivi de l’implication des privés nationaux et des partenaires stratégiques internationaux qui ont une expertise connue de tous sur l’arachide.
En effet, pour Sidy Bâ, les huiliers, principalement la Suneor, doivent plus de six milliards de FCfa aux opérateurs. Ce qui ne manque pas de déteindre sur les rapports entre ces derniers et les producteurs détenteurs de bons impayés. Par contre, le président de la fédération souligne, pour sa part, qu’il n’y a pas de bons impayés détenus par les producteurs, mais plutôt des factures impayées par Suneor qui a, cependant, promis de tout régulariser avant la fin de la semaine en cours.
Du côté des travailleurs de Suneor, l’actuel repreneur du groupe constitue le véritable mal. A leur avis, ce dernier n’a nullement respecté ses engagements, d’où l’impératif qu’il y a de nationaliser la société. « Nous avons un problème de gestion et de mévente des stocks d’huile depuis deux ans », a affirmé l’un d’eux.
Les paysans du Saloum, quant à eux, ont posé la récurrente problématique du retard des financements, même si la montée du prix de l’arachide et le retour des Chinois constituent, pour eux, un motif de satisfaction. A leur avis, le seul problème de campagne de commercialisation auquel ils sont confrontés, demeure le retard observé dans la mise en place des fonds. L’Etat, cette année, a fixé un prix rémunérateur intéressant, après avoir posé des actes forts allant dans le sens de la mise en place, à temps, des semences et autres intrants.
Selon Abdoulaye Guèye, paysan à Missirah, des dispositions avaient été prises pour l’ouverture assez tôt de la collecte des arachides. Selon lui, c’est la mise en place des fonds qui a accusé du retard. Les paysans, pour faire face à des dépenses prioritaires, se sont rués sur les « loumas », faute de trouver des points de collecte officiels. « Au lieu de 200 FCfa, nous avons été obligés de vendre entre 150 et 175 FCfa », a renchéri Kandé Dramé de Keur Maba Awa.
Aujourd’hui, les acheteurs affirment que ce qui manque, c’est bien de l’arachide, mais pas l’argent. Selon eux, cette situation a d’ailleurs provoqué la hausse du prix du kilogramme de l’arachide qui a de loin dépassé les 200 FCfa fixés par l’Etat.
5744,603 tonnes achetées dans la région de Tambacounda
Actuellement, la campagne de commercialisation porte essentiellement sur l’arachide d’huilerie et les semences d’arachide dans la région de Tambacounda. Les quantités achetées sont de 5744,603 tonnes et la valeur financière des achats cumulés est de 1 148 920 600 FCfa.
Banda Dièye, président des coopératives agricoles, relate les difficultés liées au financement au début de la campagne de commercialisation de l’arachide. M Dièye précise que pour cette campagne 2014-2015, les récoltes n’ont pas été abondantes du fait d’un hivernage en demi-teinte. Les récoltes qui sont entre les mains des producteurs de la région de Tambacounda ont été, pour la plupart, achetées. Seuls les spéculateurs font de la surenchère. Les rabatteurs ou intermédiaires achètent les graines et attendent la flambée des prix pour faire des gains, explique M. Dièye.
Les coopératives agricoles ont ouvert, cette année, 18 points de collectes et injecté plus de 100 millions de FCfa, malgré le retard accusé pour le début de la commercialisation de cette année. Déjà 400 tonnes ont été évacuées par les coopératives agricoles, souligne M. Dièye.
Concernant la situation de collecte de l’arachide d’huilerie au 13 mars 2015, les opérateurs de la région de Tambacounda continuent à lever les financements à la Cncas, explique Maguette Diouck, l’adjoint au gouverneur de Tambacounda chargé du développement qui coordonne le comité de suivi de la campagne de commercialisation. Les retards considérables sur le financement ne sont pas sans conséquences, car cela impacte sur la qualité des graines (attaques des bruches) qui sont gardées dans les maisons en attendant leur commercialisation, explique M. Diouck. Relatant le rapport produit par la direction régionale du développement rural, l’adjoint chargé du développement rappelle que les points de collectes sont passés de 43 à 48 cette semaine grâce à cinq nouveaux points fonctionnels dans le département de Tambacounda.
Pour lui, les financements reçus permettent d’abord de payer les bons dans les dépôts. Les achats effectués par Copeol et les prix rémunérateurs appliqués dans les « loumas » ont permis de contenir les conséquences d’un retard de financement.
En plus de l’arachide d’huilerie, les collectes se font aussi pour les semences d’arachide homologuées pour la certification et pour les semences d’arachide écrémées. Actuellement, souligne M. Diouck, 2 810 tonnes de semences homologuées sont achetées pour une valeur financière de 604.259.840 de FCfa, soit une hausse de 337,647 tonnes par rapport à la semaine précédente. La situation des stocks de semences homologuées est de 2 841 tonnes composées des variétés de 73 33, Gh 119 20 et Fleur 11 dans les départements de Tambacounda et Koumpentoum, et les variétés 73 33 et Fleur 11 dans le département de Goudiry. Les niveaux concernés sont la R1, la R2 et la R3.
Le poids acheté en semences d’arachide écrémées est de 2 818 tonnes dans la région pour une valeur financière de 563. 544.800 de Fcfa. Les quantités en dépôt sont à 13 tonnes, soit 0,5% des stocks. Comparés à la semaine dernière, les dépôts ont baissé de 306,2 tonnes soit 95%. Le cumul des stocks de semences écrémées dans la région est de 2 386 tonnes.
Parlant des observations de la semaine, Maguette Diouck indique que seuls 22 % des points de vente de la région de Tambacounda sont fonctionnels pour le moment. Il relève que le retard de financement pourrait avoir un effet sur la qualité des semences collectées et souligne la diminution considérable des dépôts d’arachide d’huilerie et de semences (bons impayés) dans la région. Les prix d’arachide dans les « loumas » se situent entre 180 et 190 FCfa le kilogramme pour les coques et à 350 FCfa pour les décortiquées.
A Tivaouane, les producteurs dans l’inquiétude
Les producteurs du département de Tivaouane sont désemparés, ils ne trouvent pas acquéreurs de leur arachide. Sur le marché, les prix au kilogramme sont supérieurs au montant fixé par l’Etat.
A Tivaouane, dans la région de Thiès, la campagne de commercialisation de l’arachide est bouclée, nous a indiqué Modou Fall, un des principaux opérateurs privés stockeurs (Ops) de la zone Nord. Ceci au moment où certains producteurs, désemparés, faute d’avoir trouvé acquéreurs de leurs productions, manifestent leur inquiétude. Une situation que Modou Fall met sur le compte d’une augmentation du prix de l’arachide au producteur qui est officiellement fixé à 200 FCfa.
Sur le marché, on note une inflation, les paysans ayant porté le prix du kilogramme d’arachide entre 250 FCfa pour la variété 7333 et 280 FCfa ou 350 FCfa pour la 55437, dans les points de collecte. D’ailleurs, ajoute-t-il, « à une certaine période de la campagne, nous étions obligés d’aller jusque dans les foyers pour acheter les arachides du fait que les paysans ne voulaient plus aller vers les points de collecte, préférant les marchés hebdomadaires ». Même les usines n’ont plus cette possibilité d’achat alors que, comme l’a laissé entendre Modou Fall, « à cette période de campagne, on pouvait enregistrer un flux important de 300 à 400 camions chargés d’arachides, en attente devant ces usines. Ce qui n’est pas le cas. Ceci explique la rareté des graines dans les différents points de collecte ».
Une situation qui explique, sans doute, l’inquiétude de ces producteurs qui ne savent plus où écouler leurs récoltes afin de faire face à leurs obligations familiales. En tout cas, selon l’opérateur privé stockeur (Ops) Modou Fall, « pas moins de 650 tonnes ont été collectées dans les différents points où nous avons eu à intervenir lors de cette campagne pour près de 150 millions de FCfa injectés ».
Pour autant, le chef du service départemental du développement rural de Tivaouane, Abdou Macauley Touré, fait remarquer qu’en dépit de ces résultats mitigés, la campagne de commercialisation de l’arachide a connu quelques difficultés de financement chez certains opérateurs privés stockeurs. Il s’y ajoute également les faibles productions liées au déficit pluviométrique qui a jalonné la saison hivernale écoulée.