LES PARTIES CIVILES SOULAGÉES, LA DÉFENSE VERS UN BOYCOTT
OUVERTURE DU PROCÈS DE HISSEIN HABRÉ LE 20 JUILLET PROCHAIN
L'ouverture du procès de Hissein Habré prévue le 20 juillet 2015 prochain ne fait pas que des heureux. Si les avocats de la partie civile apprécient une telle décision, ceux de la défense par contre concoctent un boycott pour éviter à leur client toute comparution devant la Cour d'assises des Chambres africaines extraordinaires.
La session de la Cour d'assises des Chambres africaines extraordinaires (Cae) chargée de juger Hissein Habré s'ouvrira le lundi 20 juillet 2015 à 9h, au Palais de justice Lat Dior de Dakar.
Selon une déclaration de la cellule de communication des Chambres africaines extraordinaires parvenue hier à EnQuête, "cette session sera présidée par Gberdao Gustave Kam, président de la Chambre africaine extraordinaire d'assises. Il sera assisté des juges Amady Diouf et Moustapha Bâ, tous deux assesseurs titulaires, et du juge Pape Ousmane Diallo, assesseur suppléant.
Cette décision de la Cour d'assises des Chambres africaines extraordinaires est fortement appréciée du côté des victimes de Hissein Habré. "Les victimes sont aujourd'hui soulagées pour la première fois, nonobstant tous les actes importants qui ont été accomplis depuis le début. Pour la première fois, elles sont aujourd'hui convaincues que ce procès se tiendra finalement après 20 ans de lutte", déclare Me Assane Dioma Ndiaye, l'un des avocats des parties civiles contacté hier par EnQuête.
Selon le droit-de-l'hommiste, "on est en train de respecter plus ou moins le calendrier qui a été fixé dans cette affaire". Cela, d'autant que "l'ordonnance de renvoi a été rendue cette année et depuis lors, on a nommé les juges avant de prendre le temps de s'imprégner du dossier". Ce travail, selon lui, "est important du point de vue de cette volonté inébranlable de faire en sorte que le procès se tienne conformément à l'accord signé avec l'Union africaine et également conformément à l'arrêt de la Cdeao".
"Il faut rappeler que c'est Hissein Habré qui avait saisi la Cour de justice de la Cdeao qui lui avait dit de façon claire qu'il ne peut pas y avoir impunité et qu'un procès devra se tenir", rapporte l'avocat. Me Assane Dioma Ndiaye de souligner que "ce procès de Hissein Habré est une affaire qui relève du judiciaire et n'a aucune implication politique".
Un avis que ne partagent pas les avocats de l'accusé. Ces derniers dénoncent des soubassements politiques derrière ce procès. Et selon Me Ibrahima Diawara, un des avocats de la défense, "quand le président Hissein Habré a été inculpé avec six autres Tchadiens et que Idriss Deby a refusé de les transférer à Dakar malgré l'accord de coopération qu'il a signé avec le Sénégal (…), et que les juges acceptent de ne pas aller très loin dans le cadre de cette affaire, à partir de ce moment, les juges ne font pas preuve d'indépendance".
"Habré ne compte pas comparaître"
De l'avis de Me Diawara donc, "il ne sert à rein de participer dans une affaire où on connaît la décision. Car, il n'y a qu'une décision possible : c'est qu'il sera condamné". Dès lors, il déclare que leur client ne compte pas comparaître devant les Cae. "Le président Habré avait déjà dit qu'il n'entendait pas comparaître devant les Cae ni en instruction ni en jugement. Et je pense qu'il en a le droit. Chaque prévenu a le droit de comparaître ou de ne pas comparaître", soutient-il.
Mais aux dires de Me Assane Dioma Ndiaye, "cette stratégie de la défense est paradoxale en ce sens qu'on ne peut pas dire que je suis innocent, qu'on n'a aucune preuve contre moi et ne pas saisir l'opportunité qu'offre la barre d'un tribunal pour s'expliquer". La meilleure stratégie, selon lui, "c'est de se présenter à la face du monde, à la face de l'Afrique et de démonter toutes les accusations qui sont portées contre lui".
L'avocat de la partie civile de poursuivre : "Je pense que s'emmurer dans une stratégie de silence ou de non-comparution ne me paraît pas relever d'une attitude de quelqu'un qui est en confiance, quelqu'un qui est convaincu de son innocence." Tout en soutenant que "Habré va comparaître", Me Ndiaye souligne que ce que l'ancien président tchadien a le droit de faire, c'est de garder le silence.
Car "les standards internationaux imposent à la justice de faire en sorte que Hissein Habré entende ou soit au courant des charges et des accusations qui sont portées contre lui". De ce fait, "il n'est pas question pour qu'il ne se présente pas à la barre".