LES PATATES CHAUDES DE MACKY
Quelle surprise nous réserve le Président dans cette cruciale ligne droite vers 2016, année charnière avant 2017 ? Difficile de dire s’il a assez de ressources pour surprendre les Sénégalais
L’hivernage 2015 aura été pluvieux et chaud. Canicule et abondance hydrique se sont alternées, chacune de ces intempéries ayant produit ses effets dans des proportions souvent excessives. On croyait presque à jamais oubliés, les douloureux épisodes des inondations vécus de manière récurrente depuis bientôt une génération. Cruelle désillusion !
La banlieue de Dakar et plusieurs départements des autres régions ont été envahis par les eaux après plusieurs journées de fortes pluies successives. La complainte des populations n’avait d’égale que la désolante pauvreté des réponses du gouvernement. Le ministre Diène Farba Sarr, chargé du Renouveau urbain, ayant servi des arguments tellement spécieux, n’a fait qu’irriter davantage le courroux des populations excédées.
Alors que la rhétorique officielle communiquait invariablement sur l’efficacité des mesures gouvernementales chiffrées à 70 milliards, rien que pour l’assainissement de Dakar, le ministre ne trouvait rien d’autre à servir aux malheureux banlieusards que d’exiger leur patience. Tirant à tue-tête des boulets rouges sur l’ancien régime, il a tenté vainement de justifier l’ampleur contenue des crues de 2015. Il ne sait peut-être pas qu’il est difficile de quantifier le préjudice moral et la désolation des populations qui ont encore tout perdu.
Dans la souffrance, il n’y pas de lot de consolation qui vaille plus des solutions durables, pour l’heure, introuvables. Verbeux et arrogant, M. Sarr n’a pu justifier ni l’utilisation des ressources financières ni l’efficacité des mesures annoncées à grande pompe pour mettre fin à la spirale des inondations. Pas plus que ne l’avait fait, Oumar Sarr, ancien ministre de l’Hydraulique et de l’Assainissement. Son outrecuidance à réclamer des audits sur les investissements déclarés aurait fait sourire plus d’un, si ce n’était la gravité de la situation.
Les inondations et leurs terribles conséquences vont encore impacter négativement l’image gouvernementale. L’inanité des solutions proclamées colle au gouvernement une impression d’impuissance.
Constat identique et amer sur la récurrente crise de l’électricité, ponctuée par des coupures intempestives. Les départements régionaux et certaines zones résidentielles de Dakar ont particulièrement souffert de ces longues ruptures de service. Comme si pour éviter la furie des zones populeuses de Dakar, la SENELEC avait décidé de les épargner, faisant ainsi l’économie des désastreuses émeutes des années passées. Mais le mal est là, synonyme de l’échec cuisant qu’on peut imputer aussi bien au «Plan Takkal» de Karim Wade qu’aux saugrenues solutions de Pape Dieng le désormais ancien DG de la SENELEC.
On imagine mal le nouveau patron de la société d’électricité, Makhtar Cissé, fraichement exfiltré de la Présidence, apporter des solutions immédiates et efficaces. Encore moins le nouveau ministre de l’Énergie, Thierno Alassane Sall, vite débordé par la cascade des délestages.
Sans avoir l’ampleur de la crise de l’électricité, la récurrence des pannes de la station de pompage et de traitement de Keur Momar Sarr, constitue un souci majeur pour le gouvernement. Certes, les difficultés d’approvisionnement en eau dans les quartiers hauts de Dakar, semblent avoir trouvé un début de solution. La SDE a fait un pas appréciable dans la mise en œuvre du Plan d’urgence de Dakar. Cependant, les fuites persistantes dans les conduites de Keur Momar Sarr, constituent un souci supplémentaire pour le Président Sall. Et le fait que son beau-frère soit à la tête du ministère de l’Hydraulique, exacerbe les critiques.
L’approvisionnement s’améliore certes, mais le déficit en eau sera prégnant tant que de nouvelles infrastructures (KMS 3, stations de dessalement) ne seront pas réalisées. Ce ne sera pas avant 2020. Même problématique dans l’hydraulique rurale où les difficultés de mise en œuvre des nouvelles missions de l’OFOR (Office national des forages ruraux) ne se présente pas sous les meilleurs auspices. La couverture universelle est presque atteinte dans le secteur urbain. Mais dans le rural, on est bien loin du compte. Les 80% de taux d’accès (chiffre officiel), sont difficiles à prouver sur le terrain. Les proclamations du secrétaire d’État à l’Hydraulique rurale, Diène Faye relèvent plutôt de l’incantation à quelques mois du Magal de Touba.
Un autre ministre qui aura des soucis à se faire dans peu de temps, c’est Serigne Mbaye Thiam, en charge de l’Éducation nationale. Après une chaude fin d’année, le voilà de nouveau en bisbilles avec les syndicats d’enseignants. Le non-respect de la plateforme d’accords signés avec le gouvernement va raviver les tensions dès le premier jour de rentrée. C’est le signe annonciateur d’une année académique incandescente, car les enseignants se sentant floués, ne se laisseront pas prendre à nouveau dans une stratégie du dilatoire.
Ils avaient certes perdu la bataille de l’opinion à cause du caractère sauvage de leurs grèves. Mais pour cette fois l’opinion comprend difficilement l’inconséquente attitude du gouvernement peu ou pas respectueux de ses engagements. Les autres partenaires au dialogue social semblent y avoir perdu leur langue et s’interrogent réellement sur le sérieux d’un gouvernement, qui tient des discours en pointillés.
Dans l’immédiat, l’épineux cas des 108 pèlerins bloqués à Dakar, faute de visas, est pathologique. Pour une fois encore, la salutaire solution présidentielle (mise à disposition d’un avion pour transbahuter une centaine de miraculés), n’a pu compenser le malheur de ceux qui ne verront pas la Kaaba cette année. Déjà un mort et des accidents cérébraux annoncés, conséquence d’une incroyable défaillance organisationnelle.
En dehors de la belle performance des hommes d’Aliou Cissé en éliminatoires de la CAN, et des U23 aux Jeux Africains de Brazzaville (une victoire historique), les calamiteux résultats sportifs ajouteront au grand désappointement des Sénégalais.
La perspective d’une fête de Tabaski célébrée dans la division et dans l’angoisse de la pénurie de moutons, n’arrangera pas les choses au gouvernement. Les résultats économiques sont encore faibles et la pluie de milliards annoncée lors des conseils ministériels délocalisés, ne font même plus rêver.
Sur le terrain politique l’annonce par le conseiller juridique du Président de la tenue d’un référendum en mai 2016, laisse pantoises la classe politique et l’opinion dubitative sur la réelle volonté du Président de réduire son mandat comme promis. Le PS réclame une attitude plus franche et affûte ses armes. La Gauche s’agite, pour montrer qu’elle existe et qu’elle a de la valeur... marchande. Elle annonce une probable candidature présidentielle, mais continue de soutenir les projets du Président Sall. Elle se sait minoritaire et divisée et sans doute incapable d’assumer seule… comme Syriza en Grèce, ses valeurs de gauche dans un environnement libéral. Elle se limite à agiter le mouchoir rouge en sachant jusqu’où ne pas aller trop loin. Terrible contradiction, dans laquelle, elle est empêtrée.
L’APR semble s’enliser dans la torpeur, alors que des informations persistantes circulent sur une possible prise en main du parti par… Aliou Sall. Assurément !
Devant ces dossiers chauds, le Président Sall a vraiment du souci à se faire. Quelle surprise nous réserve-t-il dans cette cruciale ligne droite vers 2016, année charnière avant 2017 ? Il est aujourd’hui difficile de dire si le Président Sall a suffisamment de ressources pour surprendre les Sénégalais. Ou trouvera-t-il dans la médiation politique au Burkina Faso une consolation fortifiante d’abord avant le virage local, si périlleux.
La perspective d’un remaniement ministériel n’est visiblement pas écartée. MAIS qui pour remplacer Mahammad Dionne qu’on dit partant pour des raisons de santé. Quels ministres ? Pour quoi faire encore ? Le Président aura assurément beaucoup tenté. A-t-il compris comme Churchill, que pour s’améliorer, il faut changer et que pour atteindre la perfection, il aura avoir souvent changé.