Les petits secrets d’une grande rivalité
IDRISSA SECK - MACKY SALL
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Entre Macky Sall et Idrissa Seck, c’est la guerre totale. Le fossé qui sépare les deux ex-fils de Wade et alliés dans le cadre de la coalition Benno bokk yaakaar (Bby) s’approfondit de jour en jour. Chaque déclaration du Président de Rewmi perturbe le réveil du chef de l’Etat et ses partisans de l’Alliance pour la République (Apr).
La dernière sortie du maire de Thiès, révélant que Me Wade avait laissé à Macky Sall la somme de 417 907 000 000 de FCfa au moment de rendre le pouvoir, a fini d’envenimer les relations entre les deux hommes. Ce climat de méfiance a, d’ailleurs, affecté la cohabitation des deux partis (Apr et Rewmi) dans la mouvance présidentielle. La bataille revêt même un cachet institutionnel. Car le ministère des Finances s’est invité dans le débat pour expliquer les chiffres avancés par Idrissa Seck. L’enjeu est grand, car c’est la crédibilité des financiers du Sénégal qui est jeu, puisqu’ils avaient crié sur tous les toits que les caisses de l’Etat étaient vides. Les critiques de Idrissa Seck suscitent les réactions radicales des «apéristes» qui appellent à mettre fin à l’alliance avec Idy. Seulement, cet appel ne fait pas l’unanimité au sein de Bby où les positions divergent essentiellement.
Mais, en sourdine, Macky Sall cache son jeu et prépare un plan pour mettre Idrissa Seck hors d’état de nuire. Il semble suivre la voie alors tracée par des responsables de l’Apr qui avaient théorisé le slogan : «Se taire ou sortir.» Les jeux sont ouverts. Qui des deux anciens Premiers ministres de Wade va remporter la bataille ?
Macky déclenche l’opération «isoler Idrissa Seck»
Même s’il fait semblant de n’accorder aucune importance aux sorties médiatiques d’Idrissa Seck, le président de la République, Macky Sall, est en train de chercher les voies et moyens de «museler» le maire de Thiès. Une opération «isoler Idrissa Seck» est déclenchée. Elle prendra la forme d’une communication offensive pour montrer les réalisations du pouvoir. Macky Sall compte également prendre en compte toutes les critiques fondées d’Idrissa Seck pour y apporter des solutions. Une manière de lui ôter le pain de la bouche.
Naguère maître d’œuvre de l’opération dite «Deseckisation», sous le magistère d’Abdoulaye Wade, le président de la République, Macky Sall, va devoir cette fois-ci, de sa propre initiative et pour son propre compte, entreprendre de couper les connexions entre Idrissa Seck et d’autres acteurs du landerneau politique sénégalais. Une stratégie a ainsi été initiée dans ce sens depuis quelques mois déjà et par laquelle le président de la République avait, d’une manière très subtile, demandé aux membres de la coalition Benno Bokk Yaakaar de se déterminer par rapport à leur appartenance à l’entité politique regroupant les anciens adversaires de Wade.
C’était au moment où des informations faisant état d’une imminente dislocation du bloc des alliés faisaient les choux gras de la presse privée. L’Alliance des forces de progrés (Afp) de Moustapha Niasse et le Parti socialiste (Ps) d’Ousmane Tanor Dieng avaient vite fait de réaffirmer publiquement leur ancrage dans le camp de la majorité présidentielle. Macky était ainsi sûr que seul Idrissa Seck pouvait lui faire ombrage.
La récente sortie d’Idrissa Seck à travers les ondes de la Rfm par laquelle il dénonçait un manque de résultats positifs au terme de la première année de gestion sous Macky Sall a convaincu ce dernier que non seulement il doit surveiller de très près cet allié hors du commun, mais aussi le combattre politiquement. C’est pourquoi, lorsque depuis les Etats-Unis, Macky Sall déclare que les dernières déclarations publiques d’Idrissa Seck «n’ont aucune espèce d’importance» pour lui, force est de reconnaître que ce ne sont que des manœuvres pour «clignoter à droite et virer à gauche» comme avait l’habitude de le faire son mentor, Abdoulaye Wade.
Une réunion au Palais sur le cas Idrissa Seck
Selon des sources proches de l’entourage présidentiel, dès son retour à Dakar, le chef de l’Etat a pris le pouls de ses proches collaborateurs, relativement aux critiques formulées par le président du Rewmi, formation politique représentée par deux ministres (Omar Guèye et Pape Diouf) au sein du gouvernement. Ils ont tous et à l’unisson, soutiennent nos interlocuteurs, fustigé la sortie du maire de Thiès, le 25 Mars dernier, estimant que le moment a été minutieusement choisi pour communiquer et les piques trop directes pour quelqu’un qui avait la latitude de s’exprimer autrement.
Mais, au lieu d’adopter une position vindicative, le chef de l’Etat a voulu jouer la carte de la sagesse. Déjà, notent nos informateurs, il relie l’impact de la sortie d’Idrissa Seck à une mauvaise communication sur les réalisations et les initiatives du gouvernement depuis six mois maintenant. Pour autant, Macky Sall ne rejette pas tout sur la communication officielle gouvernementale. Il est d’avis que sa formation politique, l’Alliance pour la République (Apr), manque de tranchant et devrait s’évertuer à mieux porter l’information vers les populations pour attiser la flamme de l’espoir.
Nos sources notent que le chef de l’Etat a clairement exprimé son insatisfaction sur ce chapitre et compte mettre sur pied un «commando» chargé de redynamiser la face attractive et offensive de son parti, au lieu de se limiter à répondre le plus souvent à des critiques des libéraux ou d’alliés impénitents. Macky Sall compte dérouler une vaste offensive en direction des Locales qui se profilent à l’horizon pour éviter les liens qui pourraient exister entre Idrissa Seck et plusieurs composantes de la scène politique dont ses ex-frères libéraux à qui il fait de persistants clins d’œil pour ensuite l’affronter directement.
Avant de faire face au maire de Thiès, Macky Sall tiendra bien compte des insuffisances et ratés soulevés par Idrissa Seck et s’attaquera bientôt aux maillons faibles de son équipe, espérant voir Rewmi décider lui-même du retrait de ses ministres du gouvernement. Un des conseillers de Macky Sall soutient que faire partir Rewmi de l’équipe d’Abdoul Mbaye sonnerait comme le remake d’une pratique d’Abdoulaye Wade après un an de gestion. Ce que Macky ne veut pas, voulant éviter de se voir taxer de faire du Wade sans Wade.
Le meilleur scénario pour le président de la République serait, selon les mêmes sources, que ses alliés de Benno Bokk Yaakaar statuent sur la question pour rappeler Idrissa Seck à l’ordre. Mais le hic est, selon nos informateurs, que certains leaders de la coalition émettent sur la même longueur d’onde qu’Idrissa Seck, même si pour l’instant, ils observent un mutisme bruissant.