LES POPULATIONS ENTRE ESPOIRS ET COMPLAINTES
LE CHEF DE L’ETAT ATTENDU DEMAIN A ZIGUINCHOR

C’est pratiquement un jour nouveau que les Ziguinchorois vont vivre avec la tournée économique du chef de l’Etat. Elle est, en effet, très prometteuse notamment en termes d’inaugurations et de perspectives économiques. Seulement, les jeunes et les femmes de la région rappellent leurs préoccupations.
La peinture est encore fraiche dans le salon d’honneur de l’embarcadère du port de Ziguinchor. Les murs sont peints en blanc, et quelques matériels gisent encore au sol, en attendant d’être installés.
Des fauteuils en cuir, une télévision écran plat et un pot de fleurs vont servir à la décoration de cette salle qui offre une belle vue sur la mer. Dehors, les ouvriers s’activent pour donner la dernière touche au port de Ziguinchor.
Demain, le chef de l’Etat, Macky Sall, doit réceptionner deux autres navires, « Aguene » et « Diambogne » qui, en plus du Aline Sitoé Diatta, doivent assurer la liaison Dakar-Ziguinchor.
En attendant, sur le ponton, les ouvriers ont déjà installé la tribune officielle dont le fond est décoré aux couleurs vert, jaune et rouge. Le port fait ainsi peau neuve, tout comme beaucoup d’édifices publics de la région Sud. C’est le cas de la gouvernance, de la préfecture et des autres services administratifs. Il en est de même des grandes artères de la ville ainsi que des places publiques célèbres de Ziguinchor.
Que ce soit sur la Rue 54, au rond-point Aline Sitoé, sur l’Avenue Insa Ndiaye ou encore sur la Place Jean Paul II, des ouvriers municipaux balaient, désensablent ou remblaient les nids de poule. « Ce coup de balai est normal, puisque nous nous apprêtons à recevoir le président de la République qui est l’autorité suprême du pays », dit Alfouseyni Sané, tout satisfait de cette ferveur dans l’accueil du chef de l’Etat.
Cette visite économique du président, deuxième du genre après celle de Matam, suscite un réel espoir chez les populations de Ziguinchor, confrontées, depuis plusieurs années, à un vieux conflit qui a fini par déstabiliser l’économie de la région. Des villages entiers ont été décimés et des centaines de personnes ont trouvé refuge ailleurs.
Absence de touristes
Aujourd’hui, on assiste tant bien que mal au redémarrage de l’économie locale, avec le désenclavement progressif de la région par les airs et surtout par la mer, à travers la liaison Dakar-Ziguinchor assurée par le bateau Aline Sitoé Diatta.
A partir de ce jeudi, ce bateau sera désormais assisté par deux nouveaux navires, « Aguene » et « Diambogne », dotés d’une grande capacité dans le transport du fret. La nouvelle donne le sourire à plus d’un à Ziguinchor. Surtout aux opérateurs économiques de la région.
Mais cette visite du chef de l’Etat est l’occasion, pour les jeunes et les femmes, de formuler des doléances. Conducteur de moto « Jakarta », Birane stationne à l’entrée de la gare maritime de Ziguinchor, l’air soucieux. «
Cette visite du chef de l’Etat est certes une très bonne chose pour la région, mais nous aimerions que cela puisse créer plusieurs entreprises dans la ville pour que les jeunes trouvent du travail et subviennent à leurs besoins », dit ce jeune homme. Il nous indique, du doigt, un bâtiment peint en rose qui fût une usine de vente de fruits de mer.
Les jeunes comme lui achetaient les paniers de crevettes dans les bateaux pour les revendre à cette usine, moyennant un grand bénéfice. « Ce n’est plus le cas, se désole le jeune homme. Cette usine est fermée et la plupart d’entre nous sommes maintenant des conducteurs de Jakarta ».
Veuve et mère de trois enfants, Marie Ndiaye s’active maintenant dans le petit commerce dans son quartier, à Boucotte. Elle estime que la vie reste difficile pour une femme comme elle qui a, en charge, trois enfants à nourrir. Elle reconnaît que le coût des denrées a été réduit, mais elle souhaite encore plus d’efforts de la part du gouvernement. La vendeuse de légumes, Jeanne Marie Boissy effectue, une fois dans la semaine, le trajet Dakar-Ziguinchor par la route pour s’approvisionner en marchandises au marché de Thiaroye.
Mais elle estime que le transport par la route reste difficile, surtout avec la transgambienne. « Si le transport par la route était plus facile, ce serait une excellente chose pour nous», dit-elle. Quant à Adja Ndiaye, vendeuse de légumes, elle aussi, le principal souci reste un financement pour améliorer son commerce. Ce qu’elle n’a guère trouvé jusqu’à présent.
Propriétaire d’une boutique à l’entrée de la gare maritime, Souleymane Dieng signale que les commerçants de Ziguinchor éprouvent encore beaucoup de problèmes d’approvisionnement. Il explique : « La route est mauvaise, l’avion coûte cher et le bateau aussi n’est pas à la portée de tout le monde ». Cet originaire de Ngaye Mékhé ajoute que les touristes ne viennent pratiquement plus à Ziguinchor. Les rares clients qui achètent restent...les Bissau-guinéens.
A LA GARE ROUTIERE
Les transporteurs exposent leurs doléances
Avec l’arrivée de « Aguene » et « Diambogne », c’est le transport maritime qui tire le plus grand bénéfice. Du côté des transporteurs routiers, la nouvelle est grandement accueillie, tout en indiquant qu’il y aura toujours des personnes qui voyageront par la route, quel que soit le développement du transport aérien ou maritime. A la gare routière de Ziguinchor, les responsables n’hésitent pas à demander au gouvernement à faire autant que dans le transport maritime.
« Nous demandons au président de la République de faire les mêmes efforts pour les transporteurs routiers », souligne Baba Diouf, le 1er vice-président de la gare routière de Ziguinchor. Le transporteur se félicite certes de la réfection des routes telles que Cap Skiring-Ziguinchor, Diembering-Ziguinchor, Bignona-Sileti ou encore la Rn6 qui est en train d’être refaite grâce au Millenium Challenge Account (Mca).
De même que la route du Blouf qui va de Bignona à Thonck-Essyl. Baba Diouf rappelle, toutefois, le besoin urgent de se pencher sur la transgambienne qui reste la psychose des transporteurs et des chauffeurs.
Il rappelle, qu’en 2011 et 2014, la Gambie avait fermé sa frontière des mois durant. « Il est temps que l’Etat trouve une solution définitive à ce problème », dit Assane Ly, le secrétaire chargé des relations extérieures à la Cnts/Fc, section Ziguinchor.
Il s’y ajoute, selon M. Ly, que le parc automobile n’a guère été renouvelé depuis les indépendances. « Le renouvellement du transport urbain et interurbain à Ziguinchor doit se faire dans les plus brefs délais », affirme Assane Ly qui se réjouit, pour autant, de constater moins d’accidents à Ziguinchor que partout au Sénégal.
Des prières en attendant «Aguène» et «Diambogne»
Les femmes du Bois prient le Bon Dieu. « Aguene et Diambogne », les deux navires doivent accoster dans les heures qui viennent au port de Ziguinchor. En attendant, ce sont les femmes du Bois sacré de la Casamance qui ont pris leur quartier, ces deux derniers jours, à l’intérieur du port.
Venues nombreuses, elles se sont livrées à des prières pour conjurer le mauvais sort. Pour cela, elles ont tué des bœufs et effectué des libations à la mer. Elles ont même passé la nuit du lundi au mardi au port pour ces sacrifices.
Ces prières sont nécessaires à la région naturelle de Casamance qui a vécu le naufrage du « Joola » en septembre 2002, entrainant plusieurs pertes en vies humaines et laissant une région profondément meurtrie. Pour que plus jamais cela ne se reproduise, les femmes du Bois sacré ont tendu leurs mains à Dieu.