LES QUATRE GENDARMES RISQUENT 2 ANS FERME
AFFAIRE KECOUTA SIDIBE
Les quatre gendarmes présumés meurtriers du jeune Kécouta Sidibé, tué à Kédougou, ont comparu, hier, devant le Tribunal militaire de Dakar. Si le tribunal suit la réquisition du Parquet, ils passeront deux longues années en prison, car il a requis deux ans ferme. La décision sera donnée le 26 septembre prochain.
Deux ans, c’est la peine que le Parquet a requis, hier, à l’encontre des quatre gendarmes présumés auteurs de la mort du jeune Kécouta Sidibé. Les prévenus, Cheikh Tidiane Diallo, Ibrahima Diouf, Abdoulaye Diallo et Sadio Traoré, qui comparaissaient sous la prévention de coups et blessures ayant entraîné la mort, sans l’intention de la donner, ont nié les faits à leur reprocher. Cheikh Tidiane Diallo explique que le jour des faits, il était en service avec ses co-accusés.
«J’étais accompagné de quelqu’un qui devait acheter du chanvre pour que nous soyons sûrs qu’il est un trafiquant. Quand il l’a vendu, j’ai appelé le chef et il est venu avec les gendarmes. C’est ainsi que nous sommes entrés dans la chambre et nous avons trouvé trois personnes. Nous avons fouillé la chambre et nous avons trouvé du chanvre indien, mais en ce moment Kécouta n’était pas dans la chambre. Quand il est venu, nous avons voulu le prendre, mais il a refusé et il a commencé à se rebeller et le chef l’a fauché. C’est ainsi qu’il est tombé et nous l’avons pris pour l’amener dans la voiture», narre le gendarme.
Poursuivant, il déclare : «Dans la voiture, j’étais à sa droite et Ibrahima Diouf était à sa gauche. En cours de route, il s’est tourné et a cogné la ridelle et s’est blessé au front. Quelque temps après, il est couché sur mon épaule et j’ai frappé à la porte pour que la voiture s’arrête et nous l’avons ensuite amené à l’hôpital. C’est ainsi que le docteur nous a fait savoir qu’il est mort. Il s’est suicidé, mais nous ne l’avons pas frappé. C’est seulement le chef qui l’a fauché quand il a voulu s’enfuir».
Abdoulaye Diallo fera savoir, à son tour, que ça s’est passé comme ça. Selon lui, seul le chef a fauché Kécouta pour l’empêcher de s’échapper. Il précise que quand le chef lui a fait le croque-en-jambe, il est tombé sur le lit et ensuite sur le sol et ils l’on pris pour l’amener dans la voiture. Il affirme que Kécouta a cogné la ridelle et c’est ce qui l’a blessé. Mais ils ne l’ont pas frappé et encore moins l’attacher.
Ibrahima Diouf aussi s’est inscrit dans cette logique en précisant qu’ils avaient amené une paire de menottes et qu’ils l’ont utilisée pour les deux autres. Il précise aussi qu’ils ne l’ont pas frappé. De son côté, Sadio Traoré a dit que c’est le chef qui l’a fauché et il est tombé sur le lit qui est en bois. C’est là qu’il s’est blessé avant de cogner la ridelle. Ils ont tous précisé qu’ils sont partis chez Kécouta suite à une information qu’un indicateur a donné au chez lui, disant qu’il y a un trafiquant de chanvre indien dans le quartier.
Entendu à titre de témoin, Amath Bassine Diop, le chef de brigade au moment des faits, a expliqué qu’il était mis au parfum d’un réseau de trafic de drogue. «J’ai alors mobilisé ces jeunes pour monter l’opération», explique-t-il en signifiant qu’il y a ceux qui étaient en tenue et d’autres en civil. «Quand nous sommes arrivés, les deux étaient déjà amenés dans la voiture, mais on ne pouvait pas maîtriser Kécouta. Et c’est là que je l’ai fauché et nous l’avons maîtrisé. Nous l’avons attaché avec la chaîne de conduite que j’avais par devers moi et nous l’avons amené dans la voiture. C’est comme ça que ça s’est passé», a-t-il dit à la barre avant de préciser qu’il ne savait pas qu’il était un sourd-muet.
Il poursuit en disant que personne n’a frappé la victime et précise que Kécouta s’est blessé dans la chambre, quand il est tombé et dans la voiture quand il a cogné la ridelle. Il termine par dire que la constance, c’est que Kécouta est décédé entre ses mains.
Les témoins chargent les gendarmes
Depuis l’enquête, les témoins ont chargé les gendarmes. A la barre aussi, ils ont réitéré leurs déclarations. Le frère de la victime, Malang Sidibé, sa nièce Niama Samourah, son ami Baba Soumanon et Abdou Karim Keïta, ont tous souligné que Kécouta a été torturé car le gendarmes l’ont battu dans la chambre, puis ils l’ont attaché avec une corde et ils l’ont tiré jusqu’à la voiture avant de le jeter dedans. Il ressort de l’enquête que le certificat de genre de mort établi par le docteur Senghor fait état d’une mort due à des blessures par objets tranchants et objets contondants.
Le conseil de la partie civile, après avoir relaté la constance et la gravité des faits, réclame la somme de 50 millions à l’Etat. Il explique que ça ne peut pas réparer le préjudice que la famille a subi, mais ça peut les soulager.
Le représentant du ministère public a demandé aux accusés de dire la vérité. Car ce qui s’est passé est déplorable et c’est malheureux pour eux d’avoir à juger des forces de l’ordre, surtout pour de tels faits. Le Parquet a fait savoir que les faits sont très graves et constants. Il a requis une peine de 2 ans. Parce que les gendarmes ne peuvent pas apporter la preuve que la victime s’est suicidée.
Me Sadio Diaw et Cie, défenseurs des accusés, ont plaidé la relaxe au bénéfice du doute, en notant que l’imputabilité des faits pose problème. Ils ont soutenu que personne ne peut dire exactement qui a joué tel rôle dans l’affaire, donc il y a lieu de relaxer.
L’affaire est mise en délibéré pour la date du 26 septembre prochain.