LES RÉPONSES NE SONT PAS PERTINENTES, SELON AMNESTY
GESTION DES CONFLITS EN AFRIQUE DE L'OUEST ET DU CENTRE
Directeur régional adjoint pour l'Afrique de l'ouest et du centre d'Amnesty International, Stephen Cockburn estime que la réponse des gouvernements face aux conflits ne marche pas. Il donne sa thérapie.
La tendance est inquiétante, les réponses inappropriées. Les conflits sanglants augmentent, plaçant les civils au cœur de souffrances pernicieuses. Ils sont soit attaqués par des groupes armés fuyant les représailles de leurs gouvernements, soit obligés de fuir leurs maisons et abandonner leurs vies.
Face au phénomène, le directeur régional adjoint d'Amnesty international pour l'Afrique de l'ouest et du centre souligne que la réponse des gouvernements ne marche pas. Car, dit-il, les dirigeants n'arrivent "ni à contrôler la situation sécuritaire, ni à protéger les droits humains". Stephen Cockburn appelle de ce fait à tirer des leçons du témoignage des conflits en 2014 pour ne pas répéter les mêmes erreurs en 2015.
La première leçon, c'est que les violations des droits humains sont souvent les causes profondes et durables des conflits. "Ce n'est pas surprenant que Boko Haram se soit développé dans les zones les plus pauvres et les moins éduquées, ou que les anti-balakas arrivent à recruter et mobiliser les jeunes qui n'ont rien à perdre", souligne-t-il.
La deuxième leçon consiste à se souvenir du fait que les graves violations des droits humains sont commises aussi bien par les Etats que par les groupes armés. Comme exemple, M. Cockburn cite l'exemple du Nigeria, où on a noté une "brutalité terrible autant du côté des forces nigérianes que de Boko Haram".
Faisant référence à un film projeté par des images satellites sur la ville de Baga, en janvier dernier, il a évoqué la destruction de cette ville par Boko Haram, avec des centaines, sinon des milliers de morts. Et les centaines de filles enlevées à leurs familles. Alors que sur les images qui suivent, on voit des personnes égorgées comme des moutons par les militaires nigérians. Les victimes "étaient parmi les centaines de personnes exécutées arbitrairement dans la lutte contre Boko Haram. Egalement des milliers d'autres ont été arrêtés arbitrairement et torturés", informe le directeur régional adjoint d'Amnesty.
Selon lui, "une telle approche n'est ni légale, ni efficace. Quand des populations ont aussi peur des militaires que des terroristes, il faut se poser la question de savoir si les tactiques utilisées sont efficaces pour gagner le soutien et la confiance de la population. Des gouvernants qui ne respectent certainement pas les droits humains".
La troisième leçon montre que l'impunité est une cause fondamentale de conflit. "Ce que l'on voit dans un conflit comme en République centrafricaine, c'est que la violence est provoquée et alimentée par les commandants et les chefs de guerre que tout le monde connaît, mais qui n'ont pas peur de la justice. Ils prolongent le conflit pour s'enrichir ou pour obtenir ou maintenir le pouvoir", déclare M. Cockburn.
Mettre les moyens, respecter les droits humains et combattre l'impunité
Au vu de la situation actuelle, il confie que 2015 est une année "très dangereuse" pour la sous-région ouest africaine et du centre. "On risque de voir une continuation des tendances de 2014, avec plus de civils morts, plus de réfugiés, plus de mesures répressives, des conflits qui se propagent autour de la région. Et nous avons aussi les élections au Nigeria et en RCA qui pourraient ajouter plus de risques". Stephen Cockburn de dire que la nature des conflits de la sous-région a changé et par conséquent, les gouvernements auront également besoin de changer leurs approches.
Pour ce faire, il préconise une approche qui met les moyens nécessaires pour bien protéger les civils des groupes armés, par exemple en renforçant la force onusienne en RCA. Aussi, parle-t-il d"'une approche qui assure que toute force armée respecte les droits internationaux en ne ciblant pas les civils, en ne commettant pas d'exactions, en n'arrêtant pas la population en masse".
Enfin une approche qui met fin à l'impunité, en ouvrant des enquêtes sérieuses sur les personnes soupçonnées d'avoir tué, violé ou torturé. "C'est une manière de rompre le cycle de l'injustice et du conflit, et de prouver que le conflit ne paie plus." Ce n'est qu'en tenant compte de ces approches que les millions de personnes vulnérables auront une meilleure année en 2015, a déclaré M. Cockburn.
Mercredi dernier, lors de la présentation du rapport 20142015 d'Amnesty international, des chiffres effarants sur les effets des conflits en Afrique de l'ouest et du centre ont été donnés. En 2014, plus de 5000 civils sont morts en RCA. Au moment ou presque un million de personnes ont dû fuir leurs maisons pour échapper à un nettoyage ethnique et religieux effrayant. Au Nigeria, Boko Haram a tué au moins 4000 personnes en 2014, et a fait déplacer plus que 1.5 millions d'individus. Un conflit qui commence à dépasser les frontières de la première puissance économique de l'Afrique, menaçant les territoires tchadien, nigérien et camerounais. Pendant ce temps, dans le Sahel, AQMI continue à menacer la stabilité des pays comme le Mali et ses voisins.