'' LES RETROUVAILLES LIBERALES DOIVENT SE FAIRE AUTOUR DE MACKY SALL''
ABDEL KADER PIERRE FALL, ANCIEN AMBASSADEUR ET ACTEUR POLITIQUE
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Administrateur du monument de la Renaissance africaine, Abdel Kader Pierre Fall est également un acteur politique. Ancien militant du Parti démocratique sénégalais, il a aujourd’hui, rejoint le parti au pouvoir au lendemain de la défaite des libéraux. Dans cette interview, il revient sur les raisons de sa transhumance, mais aussi sur ses ambitions politiques, notamment en vue des locales de juin où il compte solliciter les votes des Saint louisiens, afin de diriger la municipalité de la vieille ville. Abdel Kader Pierre Fall s’est en outre prononcé sur la dernière conférence des diplomates, en sa qualité d’ancien ambassadeur du Sénégal au Malaisie.
Pourquoi avez-vous quitté le Pds ?
J’ai travaillé avec le Pds depuis que je suis revenu au Sénégal. C’était en 2000. J’ai été directeur du cabinet du ministère des Affaires étrangères. Après j’ai occupé les fonctions de secrétaire général dans le même ministère avant d’atterrir à la présidence comme conseiller spécial du président Wade. C’est de là bas que j’ai été nommé ambassadeur en Malaisie pendant cinq ans et demi. J’ai été rappelé pour me voir confier le monument de la Renaissance. J’ai quitté le Pds parce que, dès après la deuxième alternance, j’ai fait une analyse de la façon dont l’après défaite a été gérée. Je ne me suis pas retrouvé dans la manière. Car pour moi, il fallait dés après cette défaite, poser les conditions pour revitaliser et refonder le parti et aller vers un congrès. Rien de cela n’a été fait et il me semble que dans le parti, on a choisi de maintenir le même schéma, qui nous a plus ou moins conduit à cette défaite. Pour moi, il n’était pas question de continuer dans ces conditions. Il fallait une nouvelle personnalité politique et un staff nouveau. Politiquement, je ne pouvais pas accepter cet état de fait. C’est pourquoi, j’ai pris mes distances et arrêté de militer au Pds.
Maintenant, je suis d’avis que le meilleur objectif est d’arriver à rassembler la famille libérale mais autour du président Macky Sall. Parce qu’après le départ de Wade, il s’est posé un problème d’héritage. Et il faut dire que cela n’est pas encore réglé. Parmi les prétendants à cet héritage, les élections ont montré que le Macky Sall est le mieux placé. Les uns et les autres se doivent de dépasser les rancœurs et les amertumes et accepter de soutenir Macky Sall surtout dans le cadre de son alliance AMP. Je milite pour des retrouvailles libérales, mais autour du président Sall.
Benno Bokk Yakaar dans tout ça ?
Benno avait une mission déterminée. Mais l’analyse que je fais de la situation est que le président Macky Sall se doit d’avoir aujourd’hui, deux objectifs majeurs. Le premier est de dérouler une politique qui, d’ici 2017, puisse donner des gages au peuple sénégalais qu’il a bien travaillé et produit des résultats tangibles au plan économique. Le second objectif est de faire en sorte que son action soit portée par une entité politique homogène qui s’identifie complètement à lui et qui n’est plus constituée de gens qui, en 2017, pourraient être ses adversaires. Dans le cadre de la constitution d’une entité forte et homogène qui doit porter son action et ses ambitions politiques, le président a besoin de travailler avec une bonne frange des libéraux. Mais si dans ce travail il choisit d’inclure d’autres de Benno Bokk Yakaar, ce ne serait pas mal.
Quelles sont les raisons qui vous ont poussé vers l’Apr ?
J’ai décidé de soutenir l’action du président Macky Sall, pour apporter ma pierre à l’édifice. Mais, il faut dire je n’ai pas effectivement intégré les structures du parti. Là, en ce qui me concerne, je dis tout haut que j’ai l’ambition de travailler pour ma ville de Saint Louis au plus haut niveau. Dans le cadre des discussions qui vont avoir lieu au sein de la mouvance présidentielle, je vais voir ce qui sera décidé et puis je prendrai une décision en conséquence. Mais, cette décision ira dans le sens de conforter l’union et de faire en sorte que l’Apr puisse remporter la mairie de Saint Louis.
Donc vous êtes intéressé par la Mairie de Saint Louis ?
En tant qu’acteur politique à Saint Louis, je suis très intéressé. Je suis en train de préparer un manifeste qui va dans le sens d’un appel aux Saint Louisiennes et aux Saint Louisiens, pour faire face aux problèmes qui assaillent notre vieille et chère cité. Le manifeste me sert comme instrument pour me positionner au plan politique, décliner mes ambitions politiques et lancer un appel aux Saint-Louisiens pour une autre façon de faire de la politique au plan local. Parce que j’estime qu’aujourd’hui que les défis qui interpellent la ville de Saint Louis sont d’une importance tel, qu’il ne faudrait pas qu’ils soient dilués dans des querelles politiques. On en arriverait à ne rien faire au bout du compte. L’avenir de Saint Louis doit transcender nos problèmes. Cela mérite que les uns et les autres se ressaisissent
J’ai aussi développé ma vision du Saint-Louis de demain. Où est-ce-qu’il faut mettre l’accent. Si les hommes politiques le lisent ça devrait leur apporter un plus qualitatif. En tant qu’homme politique, je le sors pour dire voilà ma vision des choses et ce manifeste peut être un outil de travail même au niveau de l’Apr ou autre. Il faut aider le parti à avoir des idées par rapport à la gestion des communes.
Pensez que l’Apr va vous désigner comme son candidat pour Saint-Louis si l’on sait qu’il y a déjà Mansour Faye et Alioune Badara Cissé ?
L’Apr même a dit que pour les locales qui sont des élections assez spécifiques, le parti présidentiel va négocier suivant la configuration au niveau de chaque localité avec des forces politiques données, pour éventuellement décider des alliances. Donc je me situe dans cette option de participer à cet effort de négociation et d’identification des forces et faiblesses au niveau de Saint-Louis pour arriver à constituer un mouvement très fort certainement sous la bannière de l’Apr, pour effectivement gagner la mairie de Saint-Louis
En tout cas, j’ambitionne, si l’Apr me fait confiance de diriger la mairie de Saint-Louis. Mais je suis un acteur parmi tant d’autres. Si demain, un autre est choisi, je suis dans les dispositions de l’appuyer de toutes mes forces pour qu’il réussisse. Mais, je ne suis pas dans les dispositions de dire que, c’est moi ou rien. De par mon cursis, je suis en mesure de diriger la mairie. J’ai été conseiller municipal avec Ousmane Masseck Ndiaye pendant presque 4 ans. Aux Etats Unis, j’ai travaillé pendant 4 ans pour la municipalité de la ville de Londie en Californie. C’est dire que j’ai des outils pour m’occuper d’une municipalité et je voudrais mettre cette expertise au service de Saint Louis.
Etes-vous confiant que l’Apr pourrait taire les querelles et avoir un candidat unique pour les locales, avec surtout le cas Alioune Badara Cissé ?
Je suis tout à fait persuadé et je ne mets pas en opposition rigide Alioune Badara Cissé, Mansour Faye ou un autre. Tous ceux qui se réclament de l’Apr, devraient d’ici les locales, trouver un terrain d’entente, un pacte qui permet à un homme d’émerger et de porter le combat politique au niveau de Saint-Louis. Pour le cas d’Alioune Badara Cissé, la presse en rajoute un peu. Je ne crois pas qu’il y ait une animosité telle que, d’un côté ou de l’autre, on se radicaliserait pour dire que nous ne pouvons pas nous parler. Il faut attendre que les locales s’approchent. Je crois que les deux parties devraient se retrouver, se parler et arriver à ce que dans la pléthore de candidats, qu’un homme soit désigné qui puisse porter le combat de l’Apr à Saint-Louis. Et moi je suis intéressé, je pourrai être la troisième personne, voire l’homme du recours.
Si tout cela est fait, est-ce-que vous pensez que l’Apr peut battre l’actuel maire, si jamais il se présente de nouveau ?
Je crois que Cheikh Bamba Dièye a peu de chances d’être réélu à la mairie.
Pourquoi ?
Il faut d’abord interroger l’histoire. Il a été choisi dans le cadre de la coalition ‘’Benno Siggil Sénégal’’. Bamba Dièye n’a pas une majorité politique à Saint-Louis. Et aujourd’hui, ni les socialistes, ni les progressistes encore moins l’Apr, ne sont prés à recommencer cette coalition. Ce qui me conforte dans l’idée qu’il ne pourrait pas rempiler, est qu’aujourd’hui à Saint Louis, les gens en sont arrivés à regretter notre feu Ousmane Masseck Ndiaye. Il avait fait un travail très important. C’était un maire très proche des populations à tous les niveaux. Vous comparez avec Bamba Dièye ? Mais il n’y a pas photo. C’est pourquoi je ne lui donne pas beaucoup de chance.
Récemment un ‘’Set Sétal’’ a été organisé par Mansour Faye. Les partisans du maire ont fustigé cette action. En tant qu’acteur politique dans cette ville, comment analysez-vous cela ?
Dans ce pays, il ne faudrait pas que les politiciens mettent leur égo quand il s’agit d’apprécier des faits qui surviennent. Depuis les années 90, il y a eu un grand mouvement de ‘’Set Sétal’’. Même au niveau des quartiers les plus petits des gens qui n’avaient aucune coloration politique, se sont levés pour le faire. Donc j’estime que Mansour Faye en tant qu’acteur politique, a le droit d’organiser des opérations de ‘’Set Sétal’’. S’il y a un besoin d’autorisation ou d’information, cela doit se faire au niveau de la préfecture ou de la gouvernance. Personne ne peut empêcher à Mansour Faye de venir participer à l’effort d’embellissement et de rendre propre Saint Louis. C’était une erreur pour les partisans du maire d’aller s’opposer à ce qu’il voulait faire
La conférence des diplomates s’est tenue récemment à Dakar, avec comme thème la diplomatie économique. En tant qu’ancien ambassadeur, quels sont les préalables pour instaurer une diplomatie économique ?
D’abord il est important d’ouvrir la diplomatie aux autres disciplines. Il ne faut plus en faire la chasse-gardée des juristes et autres. Il faut encourager les autres à venir. Pour faire de la diplomatie économique, il faut être outillé. Ce n’est pas tout simplement discuter, se faire apprécier par l’autre. Il faut avoir les outils pour initier les débats, apprécier les hommes d’affaires et leur expliquer de façon concrète quelles sont les potentielles au Sénégal. Il faudrait au niveau de l’Ena, que l’on ouvre cette section. En outre, le ministère doit pouvoir recruter en dehors de l’Ena, des gens qui sont calés et qui ont envie de venir servir la diplomatie sénégalaise.
L’autre chose qui est d’une importance capitale est la réactivité de la portion centrale. Plusieurs ambassadeurs ou consul initient des actions intéressantes. Mais, là où le bât blesse, est que vous envoyez le dossier au Sénégal et il dort dans les tiroirs. Ca décourage les ambassadeurs. J’espère que sous la direction de Mankeur Ndiaye, le cocotier va être secoué et que les gens répondront.
Le ministre des Affaires étrangères a récemment fait une sortie pour dire que la diplomatie doit être rentable. Certains ont déploré cela. Partagez-vous leur avis ?
Je suis tout fait d’accord avec lui. La diplomatie se devait d’être rentable. On dépense des sommes colossales pour la diplomatie donc, on ne devrait pas avoir une diplomatie de grand-père. Les milliards dépensés doivent avoir un retour sur investissement.
Comment ?
D’abord il faut demander à chaque représentant d’organiser trois fora dans l’année. Un pour les hommes d’affaires du pays d’accueil pour leur faire connaître la destination Sénégal et surtout mettre l’accent sur les forces du pays d’accueil en matière d’investissement.
Le deuxième forum pourrait réunir les Sénégalais qui vivent dans le pays et qui ont des moyens et qui peuvent investir. L’ambassade pourrait les recevoir pour discuter avec eux des potentialités.
Le troisième forum pourrait être un forum mixte qui réunirait des hommes d’affaires de Dakar, les Sénégalais établis dans le pays d’accueil et qui peuvent être porteurs de projet et les hommes d’affaires du pays d’accueil.
Mais, le plus important est de faire le suivi des contacts qui sont initiés, de faciliter les choses aux diplomates, de prendre au sérieux les hommes d’affaires qui portent des projets. Qu’on les accueille de façon professionnelle sans tambours ni trompette, mais avec efficacité. Si on adopte cette approche, on pourra avoir des retombées extraordinaires.