LES SOMBRES CALCULS POLITIQUES DU POUVOIR
REPORT PROBABLE DES ÉLECTIONS LOCALES
Aminata Touré, notre vaillante Premier ministre, a franchi le Rubicon. Sans le moindre état d’âme, elle vient annoncer à Rfi le report plus que probable des élections locales et régionales prévues jusqu’à preuve du contraire, le 16 mars 2014. Elle a contredit le Président Macky Sall, qui avait en France et à Tivaouane déclaré urbi et orbi que cette échéance sera tenue à date. Aucun démenti n’est venu à ce jour rejeter, nuancer ou relativiser ces propos. On peut donc en conclure que c’est la voix de Mimi qui va prévaloir.
Il n’y a pas d’autre vocable pour qualifier ce retournement, que la volte-face ou le tête-à-queue. Ce n’est pas la première fois que le président de la République revient sur des décisions publiquement annoncées. Sur la taille du gouvernement, on est passé d’une promesse de 25 à une réalité de 32 ministres, il avait renié ses engagements. Idem pour l’Acte 3 de la Décentralisation qu’il a charcuté et faisant l’ablation des Zones de Développement, appelées à devenir des collectivités locales. Une mesure révolutionnaire qui donnait tout son sens à cette réforme administrative. Et nous osons espérer qu’il gardera sa parole sur la réduction à cinq ans du mandat présidentiel. Faute de quoi, il y aurait de suffisantes raisons de craindre pour la parole présidentielle, qui comme l’homme, a valeur d’institution.
Pied-de-nez à la presse
Faudrait-il donc s’attendre à ce que les comportements bling bling, deviennent ainsi le mode opératoire d’un gouvernement qui aurait dû être échaudée par la crise sociale et politique de l’eau, provoquée par la Sde. Les Sénégalais ont de quoi avoir des sueurs froides, car ces revirements sont dignes de l’époque wadienne, pendant laquelle, toute décision annoncée signifiait, tout simplement, l’inverse ou le contraire.
Le procédé reste tout de même cavalier et peu éthique. L’usage veut en effet, pour des décisions aussi importantes, que les alliées de premier rideau (Benno bokk yaakaar) en soient informés d’abord. Et ensuite, la classe politique, l’opposition comprise. Certains puristes, peuvent imaginer un vrai débat à l’Assemblée nationale, pour que notre représentation parlementaire s’y prononce en prime. Rien de tout cela. En cavalier seul et contre les engagements du président, Mimi Touré a mis le pays et le peuple devant le fait accompli. Dans la foulée, elle fait un énorme pied-de-nez à la presse sénégalaise, puisque la primeur du scoop a été réservée à Radio France Internationale. Assurément !
Causes politiques
Venons-en aux raisons du report ! Le prétexte de l’Acte 3 de la Décentralisation n’est qu’un écran de fumée aux yeux des acteurs politiques et de la population. Les calculs politiques en sont la cause unique, principale et essentielle. Pour parler trivialement, l’Apr, n’est pas prête à aller aux élections. Depuis sa création, elle n’a pas installé, encore moins renouvelé ses bases. Plus de congrès, depuis la création du parti. Aucune superstructure de gestion du parti. Pas la moindre animation sur le terrain ! De l’informel à tout va.
En revanche, beaucoup de snippers, encagoulés ou à découvert, tirent à boulets rouges sur les alliés de Benno bokk yaakaar, les transhumants, leurs frères de parti, les directeurs nationaux, les journalistes ou les simples citoyens. Le seul tort est de s’exprimer. Même le président, himself n’est pas épargné par ces algarades et ses grivoiseries, qui l’ont du reste, poussé à ‘’apériser’’ le gouvernement et les postes de décision de l’état. Tous voués à la géhenne !
Il est rare qu’un parti au pouvoir produire un tel capharnaüm et tente de se construire dans la déconstruction permanente pour s’imposer, et imposer son diktat… Cela s’appelle logique ou justice des vainqueurs… Alors que Benno bokk yaakaar se terre dans une attitude mutique, que le Pds reprend du poil de la bête, que les grands électeurs à Touba, dans nombre de familles religieuses, boudent le pouvoir, il est devenu «hasardeux» pour l’Apr d’aller aux élections dans cinq mois. Surtout que la perspective d’une nouvelle coalition au sein de Benno semble s’écarter.
Le tir groupé des faucons de l’Apr éloigne cette possibilité et pousse dans les cordes leurs alliés, trop douillettement installés au pouvoir pour exiger autre chose. Et ce ne sont les maires de Benno siggil Sénégal et de l’opposition, soucieux de leur reconduction et trop contents de rester encore en poste, même pour trois modiques mois, qui vont s’opposer à la prolongation. Odieuse complicité de forfaiture !
Quand Macky joue la montre…
Macky Sall veut-il se donner le temps de rediscuter avec ses alliés pour échafauder de nouveaux accords ? Cherche-t-il à mettre à profit ces trois ou quatre mois de rallonge, pour renforcer les bases de son parti ? Ou alors a-t-il l’intention de jouer la montre pour mieux engager l’entreprise de déboulonnage des «grands maires» de Benno siggil Sénégal et de l’opposition, décidés à garder, après mars 2014, leurs positions à Dakar, Rufisque, Saint-Louis, Thiès, Ziguinchor, Podor, Tamba, Diourbel, Kaolack, Bambey, Kédougou, entre autres ?
Après avoir fait suspendre le Sénat, le pouvoir ne pouvait miser que sur le Conseil économique social et Environnemental, et les collectivités locales pour satisfaire les gargantuesques appétits de pouvoir de ses partisans. Si l’Apr, qui ne compte que 69 députés sur 150 à l’Assemblée nationale, ne s’implante pas localement dans les structures décentralisées, elle peut songer à faire ses valises, car ces élections, auront quoiqu’il arrive, valeur de test pour les présidentielles de 2017.
Mais trois mois suffiront-ils à Macky pour remobiliser ses bases ? Certainement pas ! Le désamour entre les Sénégalais et le pouvoir a commencé, en dépit des bonnes mesures sociales prises par le gouvernement (bourses sociales, Cmu et autres).
Attention danger…
En vérité, le seul sentiment que le président Macky Sall est capable de se renier, si souvent, pourrait susciter une sombre comparaison avec Wade, la girouette en chef des années passées. Et puis disons-le clairement, pour une démocratie majeure que notre pays ambitionne d’être, le respect du calendrier républicain vaut autant que celui de la parole présidentielle.
Wade se disait président nuancé pour jouer au trampoline avec les Sénégalais. De quel qualificatif Macky va user, pour ne pas implanter dans l’opinion– et les électeurs- la conviction qu’il fait de la gymnastique polysémique son sport favori ? Mais le calendrier républicain, notre seule référence dans une démocratie majeure, peut ne pas correspondre avec celui de l’homme politique, s’il oublie qu’il est d’abord homme d’Etat… Sauf… si l’éthique politique vient à la rescousse.
Il n’est pas interdit de rêver que de vraies dynamiques de changement supplantent les prétendues ruptures recyclant les recettes wadiennes éculées et surannées que notre histoire, notre démocratie, notre pays et notre peuple, pour tout dire notre image, ne méritent du tout. Puisqu’ils avaient choisi de les enterrer le 25 mars 2012. Cela fait juste 20 mois. Attention, il y a réellement danger de déclassement démocratique.