LES TÉFANKÉ ACCUSENT LES VENDEURS OCCASIONNELS
MILLIERS DE MOUTONS INVENDUS À DAKAR
Cette année, les vendeurs de moutons communément appelés "téfanké" n’ont pas fait recette. La faute aux vendeurs occasionnels, pour certains. D’autres expliquent le nombre d’invendus par la propension des Dakarois à aller chercher un bélier hors de la capitale.
Lendemain de Tabaski très calme. La circulation est fluide sur les principales artères de la ville et de sa banlieue. Autant cette fluidité tape à l’œil nu, autant le nombre de moutons invendus interpelle.
Un tour au niveau des parcs de grands et petits ruminants de la SICAP Mbao, de Séras, des daral de Rufisque et de Thiaroye a permis de palper de cette réalité. Ces dernières années, les espaces susnommés étaient vides de béliers le lendemain de l’Aïd-el-kébir.
Hier, la situation était tout autre. Dans chaque petit périmètre, on pouvait dénombrer une trentaine de têtes de bêtes. Ces bêtes n’ont pas trouvé preneur. Il faut croire que cette situation a autant déstabilisé que surpris les "téfanké". Ils ne se sont pas fait prier pour raconter leur calvaire, ou plutôt un "désastre financier".
Ifra Ka, trouvé au niveau de Diamaguène Sicap Mbao, se demande encore ce qu’il va faire de ses moutons invendus. Le regard lointain, les yeux rougis par la fatigue, il déplore la ruée qu’il y a eu dans la vente des moutons. "L'explication de ce nombre important d’invendus est simple: l'an passé, des gens n'ont pas pu effectuer le sacrifice d'Abraham à cause de la rupture en moutons au niveau de la capitale. Donc, cette année, plusieurs personnes se sont lancées et sans hésiter dans la vente de moutons", dit le téfanké dans un wolof approximatif.
A en croire le natif de Ngembé, dans la région de Louga, ces vendeurs occasionnels ont dépensé plusieurs millions pour cette opération Tabaski. Donc, il fallait qu'ils augmentent les prix et, au final, ils se sont retrouvés avec plusieurs bêtes sans acheteurs.
Mais, si on en croit cet autre vendeur de moutons trouvé au daral de Rufisque, "ce n'est pas parce que les moutons étaient chers qu’ils n’ont pas trouvé acheteurs. Beaucoup de personnes, dit-il, ont préféré se chercher un mouton du côté du croisement Ngoundiane, ou ailleurs, hors de la région de Dakar. Ces personnes qui avaient l'occasion d'acheter dans les parcs de Dakar n'ont pas pu le faire. Ce qui explique les invendus de cette année".
"Hors de question de m’enliser dans cette perte"
Les principaux indexés, à savoir les vendeurs occasionnels, ont aussi subi de grosses pertes. "J'ai investi plus de 3 millions pour acheter et entretenir 50 moutons et depuis plusieurs mois. Mais, je n'en ai même pas vendu une vingtaine. Vous imaginez les pertes que j'ai subies", s’étrangle Abdou Dia, trouvé dans une ruelle de Pikine en train de tailler bavette avec ses amis.
"J'ai subi des pertes certes, mais je compte les écouler les prochains jours, car il y a devant nous la célébration des retours de pèlerinage à La Mecque, des baptêmes, et autres manifestations. En attendant, on va continuer à les mourir. Mais retenez que pour l'heure, ce qui m'importe, c'est de trouver des acheteurs et je compte les bazarder au moindre prix. J’ai déjà perdu, donc hors de question de m’enliser dans cette perte".
D'autres vendeurs ambitionnent de rester à Dakar et dans les espaces aménagés, le temps de trouver de potentiels clients. "Hors de question que je quitte ici ! Des clients, il y en aura toujours. Nous sommes des téfankés et sommes habitués à cela. Ce n'est pas un problème pour nous. Et si le gouvernement baisse certaines taxes, ce serait vraiment un début de soulagement", souligne Moussa Ka, un vendeur niché au parc de Séras.
Selon les chiffres de la Direction de l’élevage, l’excédent des moutons se chiffre à 26 000 bêtes.