LES VERTUS DU DÉBALLAGE
MA PART DE VÉRITÉ
Sitôt la démission de Moubarack Lo rendue publique, les langues avaient commencé à se délier dans les salons et autres coins très fréquentés par les «gorge-profondes». Le communiqué publié par les services présidentiels, pour remettre les pendules à la bonne heure, est venu ajouter un grain de sel à la sauce, sans en améliorer la saveur. La conjecture s’amplifie. Le principal concerné monte au créneau pour apporter sa part de vérité. Une partie de ping-pong qui n’honore pas l’Etat et ses commis. Le peuple a plus besoin de gens qui font de leurs préoccupations quotidiennes, leurs soucis premiers, plutôt que de se lancer dans des querelles vaines et stériles et qui n’avancent en rien le peuple sénégalais si ce n’est de vouer aux gémonies un potentiel adversaire dans l’espace politique ou étatique.
Toutefois, il est à se demander si le Sénégal ne doit pas revoir son personnel politique. Les gros déballages qui jettent dans la rue les affaires publiques sont utilisés par nos dirigeants comme des armes de destruction massive, pour se prémunir ou pour envoyer dans les cordes leurs adversaires. On se rappelle il y a une décennie, de l’épisode d’Idrissa Seck, qui n’avait pas hésité à dévoiler tous les secrets d’Etat qu’il détenait, pour se protéger de la guillotine de Me Wade qui le poussait à l’échafaud. Aujourd’hui, Moubarack Lo, pour laver «son honneur qui est en jeu», balaie d’un revers de la main «l’obligation de réserve» qui à ses yeux, «ne peut plus prévaloir en pareil cas, en demeurant conforme aux exigences républicaines».
Toutefois, il est à saluer cette sortie du désormais ancien directeur du cabinet politique de Macky Sall qui dans la forme, est regrettable, mais instructive dans le fond. Car il met à nu un conflit d’intérêts qui ne dit pas son nom. Cette entité «Disso» qui se sucre sur le dos du contribuable sénégalais à hauteur de milliards de francs CFA, mérite d’être démasquée. Car l’ancien ministre de l’Economie Amadou Kane, était selon Moubarack Lo, membre de cette structure avant 2012. Quel rôle le ministre aurait-il joué dans ce marché de 2,5 milliards de francs raflé par Disso ? Car sans le dire, Moubarack Lo met le doigt sur la plaie en demandant aux autorités de «penser l’Etat avant l'amitié, certains diraient "la patrie avant le parti"».
Instructive, cette sortie l’est assurément. Elle nous lève un coin du voile sur ce que les Sénégalais savaient ou subodoraient déjà, l’incurie pour ne parler d’incompétence à des niveaux insoupçonnés de l’Etat. Car pour lui, «l’analyse (lui) a montré que la voie suivie actuellement par le régime en place nous mènera difficilement au but désiré». Aussi, il espère «les nécessaires ajustements de stratégies et de comportements seront apportés dans les prochains mois». Et nous, nous espérons que ces vœux ne tomberont pas l’oreille d’un sourd. C’est dire alors que cette stratégie du déballage, même si elle est détestable, a au moins le mérite de mettre à nu les tares qui gangrènent l’émergence de ce pays.