Les victimes dénoncent «la propension outrancière à la victimisation»
PROCES DE HISSENE HABRE

Quelques heures après l’arrestation, l’inculpation pour «crimes contre l’humanité, crimes de guerre et crimes de torture» et le placement sous mandat de dépôt de l’ancien président tchadien Hissène Habré, les réactions fusent de partout. Selon qu’on soit du côté des victimes, donc de la partie civile, que de la défense, cette mesure des six juges de la Chambre d’accusation est diversement appréciée.
Dans un communiqué le coordonnateur des avocats sénégalais des victimes, Me Assane Dioma Ndiaye, révèle que «les milliers de victimes se remettent de leurs émotions après 23 ans d’abnégation sans faille et d’obstination quant à la réalisation d’un droit inaliénable : celui de voir leur cause entendue par un tribunal et ce grâce à deux mécanismes dont l’humanité s’est dotée dans sa croisade contre l’impunité sous toutes ses formes». Il s’agit de «l’imprescriptibilité des crimes les plus graves» et «le mécanisme de la Compétence Universelle».
Pourtant, poursuit Assane Dioma Ndiaye, aussi soulagées soient-elles, «les victimes sont de nouveau meurtries par la propension outrancière à la victimisation aujourd’hui savamment orchestrée par les avocats de Hissène Habré». Suffisant pour lance, à l’endroit de la défense, «il est temps de cesser de fuir le débat portant sur les faits, trahissant ainsi une certaine crainte de la vérité. Les preuves sont là : la répression contre les Sara, les Hadjaraï ou les Zaghawas, les tortures, les assassinats, quand est-ce que les avocats de Habré vont-ils aborder ce sujet ?».
Pour le coordonnateur des avocats sénégalais des victimes, non seulement «la dignité de Habré doit être respectée, mais ses avocats ne peuvent le faire au détriment de l’honneur de 40 000 victimes dont la souffrance n’a que trop durer», mais aussi et surtout «seul le verdict proclamé à l’issue d’un débat judiciaire contradictoire et loyal, exempt de ces éternels artifices et jeux d’échecs destinés à faire obstacle ad vitam eternam à la tenue d’un procès, permettra de dévoiler la vérité», lit-on dans le document.
A l’en croire, «les victimes en appellent à un débat judiciaire chevaleresque qui implique la courtoisie et le respect mutuel pour la manifestation de la vérité et rien que la vérité». Aussi réitèrent-elles «leurs exigences d’un procès juste et équitable dans le respect absolu de la présomption d’innocence et des droits de la défense en vue d’un procès exemplaire au seul bénéfice d’une Afrique débarrassée de ses démons et réconciliée avec elle-même».
Hissène Habré qui vit à Dakar depuis la chute de son régime en 1990, a été placé en garde à vue dimanche avant d’être inculpé et placé sous mandat de dépôt avant-hier, mardi 02 juillet 2013. Il est conseillé par les avocats sénégalais Ibrahima Diawara et El Hadji Diouf, et Me François Serres (Français).