LES VICTIMES VISIBLES, EN OCCIDENT, D'UNE MALADIE INVISIBLE
DIASPORAS AFRICAINES ET EBOLA
Une infirmière française infectée par le virus Ebola lors d’une mission de l’Ong Médecins sans frontières au Liberia. Une autre, en Espagne, infectée après avoir soigné des missionnaires touchés par le virus. Un patient interné avec un certain retard sur son diagnostic à Dallas aux Etats-Unis a fini par succomber. Il n’en fallait pas plus pour que le trouillomètre s’accélère en Occident, décrétant ainsi les alarmes parfois fantaisistes.
« C’était encore une fausse alerte ». C’est l’exclamation à la mode en ce moment en France. En quelques jours, il y a eu le bouclage d’un bâtiment administratif à Cergy Pontoise (Banlieue parisienne) où un Guinéen arrivé en France le 1er octobre avait eu un malaise.
Des soupçons dans une école à Boulogne, puis « un cas suspect » qui n’en était pas un, annoncé par presque tous les médias français, à l’hôpital Bichat, situé dans le très africain 18ème arrondissement de Paris. Des fausses alertes, encore et toujours.
La psychose est en train de gagner les sociétés occidentales, particulièrement la France. Et les suspicions portent en général sur les Africains, quelle que soit leur nationalité.
« Au retour de mes vacances d’été, le proviseur et son adjoint du lycée où j’enseigne m’ont convoqué pour me demander si je n’avais pas contracté Ebola au Sénégal », s’offusque B. B., professeur d’histoire et de géographie à Paris. Il poursuit : « Ils m’ont expliqué qu’étant au contact de centaines de jeunes, c’était une précaution à prendre. Je croyais à une blague ».
A Boulogne Billancourt (près de Paris), trois familles ont refusé, la semaine dernière, que leurs enfants rejoignent leur école où un élève d’origine africaine était de retour de Guinée, pays touché par Ebola. Finalement, des mesures de sécurité ont été appliquées à l’enfant qui ne présentait pourtant aucun symptôme apparent du virus Ebola.
Une infirmière suivait cet élève tous les jours, en prenant sa température. Des excès qui ont poussé les autorités françaises à prendre la parole. « En ce moment, il y a un affolement qui est en train de débuter », constate Marisol Tourraine, ministre française de la Santé.
Selon elle, « il est urgent qu’il y ait une information officielle autour de cette maladie (Ebola, Ndlr), y compris dans le milieu scolaire ».
En attendant, de l’avis même d’un principal adjoint d’un collège parisien qui requiert l’anonymat, « pour le moment, il n’y a aucun message du ministère de l’Education nationale sur une conduite à tenir à propos du virus Ebola ».
Autant dire que c’est la porte ouverte à tous les amalgames et autres clichés surtout pour les personnes originaires des pays les plus touchés par la maladie. « Je suis Guinéenne, pas un virus ! » s’oblige de rappeler Asmaou Diallo sur sa page d’un célèbre réseau social.
Les témoignages de Sénégalais de retour de vacances au pays sont nombreux. Ils concordent sur le fait que durant la première semaine de retour au travail, il y a eu « des collègues qui ne faisaient plus la bise, certains évitaient, subtilement, de serrer la main ».
Les derniers développements de la psychose liée au virus Ebola ne vont pas arranger la situation. « Ebola est un virus dangereux certes », reconnaît la ministre française de la Santé, avant d’ajouter que c’est une maladie « qui ne se transmet pas dans n’importe quelle condition ».