LETTRE D’UN CHEF D’ÉTABLISSEMENT AU CHEF SUPRÊME DE L’ÉCOLE SÉNÉGALAISE

Monsieur le Président de la République,
Nous sommes convaincus avec vous qu’il faut mettre le Sénégal sur les rails de l’émergence.
Nous sommes convaincus avec vous qu’il faut l’engagement de tous pour atteindre ce noble objectif.
Nous sommes convaincus que vous nous faites confiance en nous déléguant vos pouvoirs en matière d’administration et de gestion du personnel par le décret 95.264 du 10/03/95.
Nous sommes aussi convaincus que vous êtes convaincu avec nous qu’il faut se donner les moyens d’y arriver.
A ce niveau, Monsieur le Président, nous, chefs d’établissement du Moyen et du Secondaire, sommes traités en parents pauvres.
Les sentiments les mieux partagés entre nous sont le découragement et la démotivation.
Beaucoup de raisons expliquent cet état de fait.
En tant que chefs de service dont le personnel peut faire minimum 10 adjoints et maximum 300, nous ne disposons ni de véhicule, ni de carburant encore moins de logement de fonction.
Du principal au proviseur, notre indemnité de sujétion ne dépasse pas 80.000F.
Pire encore, les budgets de fonctionnement qui nous permettaient de faire marcher nos établissements sont réduits du simple au 1/3, voire même au 1⁄4.
C’est pourquoi, beaucoup de chefs d’établissement sont gagnés aujourd’hui par le découragement et la démotivation car au moment où on nous demande d’observer la diète, d’autres services bénéficient de toutes les commodités pour mener à bien leur travail : véhicule de fonction, carburant, budget de réfection ou de réhabilitation de leur lieu de travail,...etc.
Nous acceptons de travailler dans des abris provisoires permanents, nous acceptons de travailler dans des magasins désaffectés, nous acceptons de travailler dans des zones sans eau courante ni électricité, nous acceptons de travailler sans percevoir un sou pendant les examens du bac et du BFEM, pour percevoir les maigres indemnités y afférentes une année scolaire plus tard, nous acceptons d’avaler des couleuvres pour tou
jours parfaire notre œuvre mais il est temps qu’on mette en œuvre une politique de réhabilitation des conditions de travail et d’existence des chefs d’établissement pour éviter qu’ils deviennent les tristes reflets d’une corporation qui, quoi qu’on dise, s’use et use de tous les moyens pour faire marcher la machine.
Monsieur le Président, vous avez pris l’engagement solennel de mettre le Sénégal sur les rampes du développement mais nous sommes aussi convaincus que sans l école, on va droit vers l’anéantissement.
Sans des enseignants engagés et motivés, point de développement.
Nous aimons notre travail. Nous avons été formés pour enseigner, nous avons choisi ce métier par vocation. Mais nous aspirons aussi à un cadre de vie proportionnel aux sacrifices que nous faisons quotidiennement pour que l’analphabétisme et l’obscurantisme disparaissent de notre pays.
Nous sommes convaincus avec vous qu’il n’y a pas de Sénégalais de première zone ou de seconde zone, s’il y a différence, cela doit être au niveau du mérite. Et nous pensons être aussi méritants que d’autres Sénégalais qui ont les mêmes diplômes que nous, qui ont fait le même nombre d’années de formation que nous.
Monsieur le Président, c’est révoltant de servir l’Etat pendant plus de 30 ans et d’aller à la retraite sans toit ni véhicule.
Monsieur le Président, le mot équité est devenu un leitmotiv dans vos différents discours, nous voudrions qu’il se matérialise sur nos conditions difficiles de travail et d’existence.
Nous avons espoir avec vous que cette injustice va être réparée dans les meilleurs délais pour que ceux qui ont eu le mérite de former ceux qui les gouvernent aujourd’hui puissent leur manifester un peu de reconnaissance, et à juste titre.