L’EXCELLENCE DE LA MÉDIOCRITÉ
La Cour suprême du Sénégal a rétabli dans leurs droits, les 690 élèves-maîtres que le ministère de l’Education a exclu de la formation pour fraude constatée lors de l’organisation du concours ou des tests d’entrée.
Cette décision de la Cour suprême est tout à fait objective car ces élèves-maîtres ne se sont pas recrutés eux-mêmes ; ils n’ont pas organisé le concours et n’ont commis aucune faute qui mérite cette «radiation». Le ministère de l’Education a doublement tort : tort de recruter de manière frauduleuse, tort d’exclure de manière abusive. Ce qui semble être un paradoxe n’en est pas un.
En réalité, c’est un maillon de la chaîne que constitue le ministère qui a failli : les organisateurs du concours ; un autre maillon, les formateurs, s’en est rendu compte et un troisième, la hiérarchie a pris des mesures. Le problème n’est pas dans les mesures prises mais plutôt dans la manière de les mettre en œuvre en ce qui concerne ces élèves-maîtres. A ce sujet, la Cour suprême a tranché.
Demeure maintenant la question de fond : doit-on admettre de tels agents dans notre système éducatif ? La démarche du ministère est à saluer car elle traduit simplement un sens élevé de l’éthique, de l’équité et du patriotisme ; surtout si l’on sait comme Sembène Ousmane que «Ngor lago la fi» (la vertu est un handicap chez nous au Sénégal).
Admettre ces élèves-maîtres équivaudrait à développer une logique de la médiocrité. On devrait d’abord s’interroger sur ceux qui sont à la base de cette fraude. Quelles sont leurs références familiales, religieuses, morales et déontologiques ? Comment ontils été nommés ? Ont-ils conscience de la délicatesse de l’activité que constitue l’enseignement ? Ont-ils conscience que l’argent destiné à la formation de ces élèves-maîtres est celui du contribuable sénégalais ?
Je crois qu’il est temps que l’on arrête, dans ce pays, de jouer avec l’avenir des enfants et surtout ceux de démunis. Les questions que l’on se pose sur les organisateurs du concours doivent être posées en ce qui concerne ces élèves-maîtres. Mais leur cas demeure moins inquiétant car ils sont tout juste en formation et cette formation doit être sanctionnée par un diplôme d’aptitude à l’enseignement. C’est là que devra se faire la sélection ou le recrutement définitif.
Si ces élèves-maîtres se mettent, entretemps, à niveau, tant mieux pour eux et pour le pays ; si ce n’est pas le cas, tant mieux pour le pays et tant pis pour eux. Ce qui fait le charme et la force de l’activité intellectuelle, c’est qu’elle est le domaine où personne ne trompe personne ; un domaine dans lequel, lorsque l’on sait, on sait que l’on sait et ceux qui vous écoutent ou vous lisent le savent également. Arrêtons de tricher au Sénégal. Le seul socle sur lequel on doit bâtir le pays, c’est celui de l’équité.
Il faut qu’on apprenne à mettre, en toute circonstance, «l’homme qu’il faut, à la place qu’il faut». Il n’y a pas pire ennemi d’un système hiérarchique et fonctionnel que celui dont l’autorité statutaire ou formelle dépasse l’autorité personnelle ou naturelle.
On tient le premier type d’autorité d’un acte administratif (décret, note de service,...) et le second, de l’éducation, de la formation, de la compétence, de son sens de l’étique de l’équité. Pour toutes ces raisons, j’invite les formateurs de ces élèves-maîtres à évaluer en fin de formation, le vocabulaire, l’entendement (faculté de raisonner), les connaissances générales et la maîtrise de la langue.