Ligue 1: être un "fils à papa", une galère ou pas?
Ils sont souvent traités de "pistonnés" et soumis à la pression de faire aussi bien que leur père: les "fils à papa" du football souffrent par moments, à l'instar de Grégoire Puel à Nice, d'un statut à part. Qu'il est toutefois possible de surmonter.
"Ici, je serai toujours le fils de... Je l'étais à Nice, et si je vais dans un autre club, on dira que j'y suis allé parce que je suis le fils du copain d'untel ou d'untel", s'est désolé lundi dans L'Equipe Grégoire Puel, 23 ans et titulaire à 26 reprises cette saison avec l'OGCN, dont l'entraîneur est son père, Claude.
A tel point que le jeune homme, passé comme son père par Monaco, Lille, Lyon puis Nice, entend désormais quitter le club, et même la France, pour échapper à cette étiquette pesante.
Les exemples, récents ou anciens, ne manquent pourtant pas de "fils de" qui réussissent dans le football. Difficile de ne pas penser aux frères Ayew, Jordan et André, ex-joueurs de l'OM où leur père Abedi Pelé est adulé. Ou encore à Youri Djorkaeff, fils de Jean, et ailleurs à Paolo et Cesare Maldini (AC Milan).
- 'Lien direct' -
Mais la situation du joueur de Nice "doit être difficile à vivre", compatit néanmoins auprès de l'AFP le joueur de Guingamp Thibault Giresse. Lui-même fils d'Alain, ex-international français et actuel sélectionneur du Mali, le milieu, âgé de 34 ans, fait la distinction : "c'est différent de porter le même nom et d'être entraîné par son père."
Pour lui, la situation ne s'est jamais présentée. Y compris lorsqu'il était en formation à Toulouse, alors que son père "Gigi" entraînait l'équipe A. Le père-coach "ne lui a jamais fait de cadeau ou quoi que ce soit. Je n'avais aucun statut, j'étais comme les autres", se souvient-il.
D'autres ont cherché à tout prix à éviter le soupçon de favoritisme. C'est le cas d'Henri Stambouli, ancien joueur de Monaco et de Marseille, et fier paternel du milieu de Tottenham, Benjamin. "La différence avec Grégoire", expose-t-il à l'AFP, "c'est qu'il y a un lien direct."
"Alors que j'ai joué à Monaco et à Marseille, Benjamin a été testé à Montpellier. Je l'ai mis dans un endroit où je n'étais pas passé, sinon c'est sûr qu'on aurait dit qu'il était là parce que c'était +le fils de Stambouli+", explique l'actuel directeur de la formation du club héraultais, où il est arrivé en 2013, alors que Benjamin "était déjà bien installé chez les pros".
Mais le lien direct, "c'est très dur", poursuit-il. "Je l'ai un peu vécu, entre guillemets, avec mon beau-père", Gérard Banide, lui-même entraîneur de Monaco et de Marseille. "Ca allait parce que j'étais gardien remplaçant, mais quand je jouais, je sentais qu'on pouvait dire que je jouais parce que j'étais le beau-fils de."
- 'Le mec est blindé' -
Une pression supplémentaire, pas forcément méritée aux yeux de Landry Chauvin. "Ca me fait doucement sourire, l'attitude des supporters niçois", confie à l'AFP l'ancien entraîneur de Brest ou Sedan. "L'an dernier", alors que l'équipe réalisait une belle saison, "personne n'a eu le moindre souci avec le fait que Grégoire (Puel) joue".
Directeur du centre de formation de Rennes, il a vécu une autre situation délicate : celle de Yoann Gourcuff, arrivé au Stade rennais dans les bagages de son père Christian en 2001.
"Yoann a été très costaud dans sa tête, parce que les résultats" de son père "étaient compliqués au départ, et je sais d'expérience que les entraîneurs professionnels sont beaucoup critiqués. Lui était très hermétique", explique Chauvin.
Au point d'y voir une force : "le club qui va recevoir Grégoire recevra quelqu'un de sacrément costaud", estime-t-il. "Je le vois faire une grande carrière, parce qu'aujourd'hui, le mec est blindé."
Et le statut de "fils de" présente un autre avantage : "dans le cas de Yoann (Gourcuff), on n'avait pas besoin de s'immiscer dans l'extra-sportif", explique Chauvin.
"Benjamin était à bonne école", abonde Henri Stambouli. "On a eu des discussions constructives sur sa progression, et avec son grand-père, il avait le retour d'un grand entraîneur sur des points très précis."
"Peut-être qu'au début ça m'a pesé", conclut Thibault Giresse. "Mais j'essayais de me mettre dans une bulle et de ne pas faire attention à ce qui se disait. Et maintenant on me pose beaucoup moins la question. J'ai fait mon propre chemin." A Grégoire Puel de trouver le sien.