L'Inde, un géant endormi du football qui peine à sortir de sa torpeur
La deuxième saison de l'Indian Super League (ISL) s'ouvre samedi en Inde, avec sa poignée d'anciennes gloires du football, mais le réveil du "géant endormi" au niveau international semble encore largement hors de portée.
L'équipe nationale se languit à la 155e place au classement FIFA et l'humiliante défaite 2-1 face à la microscopique île de Guam en qualifications pour la Coupe du monde 2018 souligne l'urgence de développer la formation.
Mais, pour les joueurs étrangers venus en nombre pour disputer l'ISL - une ligue fermée de huit clubs qui dure seulement dix semaines -, l'éclosion de stars ne sera possible que si la jeunesse indienne peut trouver des pelouses pour s'entraîner.
"Tous les enfants adorent le football. Ils veulent jouer mais il n'y a pas les équipements nécessaires", relève Nicolas Anelka.
L'ancien international français, entraîneur-joueur du Mumbai City FC, note que sa propre équipe peine à trouver une pelouse pour préparer sa saison.
"Nous devons trouver le moyen de nous entraîner sur une pelouse normale (et non terrain artificiel). Nous devons trouver quelque chose, je ne sais pas quand ni comment", dit-il.
L'ancien sélectionneur intérimaire de l'Angleterre et entraîneur des Kerala Blasters, Peter Taylor, est d'accord: "Certains équipements pourraient être améliorés, certaines pelouses pourraient être en meilleur état".
Le premier match de l'ISL opposera samedi le Chennaiyin FC, entraîné par l'Italien Marco Materazzi - la victime du fameux coup de tête de Zidane en finale du Mondial-2006 - aux tenants du titres, l'Atletico Kolkata, qui ont recruté l'attaquant portugais Helder Postiga.
L'ISL a attiré des dizaines de milliers de supporters lors de sa première édition et a gagné un succès d'estime auprès des Indiens.
- Maigre formation -
La star brésilienne Zico, entraîneur du FC Goa, estime qu'un investissement de long terme sera nécessaire pour détourner - un peu - l'attention des Indiens du cricket.
"Au Japon, ils avaient l'habitude de jouer au baseball puis ils ont construit de nombreux terrains de football et les gens ont pu jouer au foot", raconte l'ancien sélectionneur du Japon.
Pour lui, l'Inde doit améliorer la formation des entraîneurs à la base si le "géant endormi", comme l'avait surnommé le très contesté président de la FIFA Joseph Blatter, veut s'éveiller.
"Aucun des joueurs professionnels indiens ne donne l'impression d'avoir eu une formation technique lorsqu'il était enfant. Aussi, le coach de l'équipe nationale doit leur apprendre des choses qu'ils auraient dû connaître dès 12 ou 13 ans", dit le commentateur et entraîneur écossais Stevie Grieve, installé à New Delhi.
La sélection des moins de 16 ans a enregistré récemment de bons résultats et Grieve estime que l'Inde, si elle engrange de l'expérience sur ces succès, peut envisager se qualifier pour la Coupe du monde dans "au moins 18 ans".
L'ISL assure pour sa part "s'être engagée à développer un important programme de développement à la base".
Mais la fédération indienne (AIFF) a récemment renoncé à l'ouverture de huit centres de formation de jeunes, optant pour la création d'un seul grand centre à Goa (ouest). La raison? "L'absence de joueurs de qualité, d'entraîneurs, par des tromperies sur les âges et bien sûr le manque de ressources".
- Le frein de la pollution -
Par ailleurs, les inquiétudes suscitées par la pollution freinent le développement du football, New Delhi étant classée capitale la plus polluée du monde.
Grieve explique que les parents lui font part de leurs inquiétudes sur l'effet à long terme sur la santé de leurs enfants des deux heures passées dehors sur un terrain.
Zico estime pour sa part que le football indien gagnerait à attirer les footballeurs étrangers sur une compétition plus longue: "Ils ne restent pas longtemps ici. Certains ne travaillent pas (...) et repartent".
Pour le Brésilien Lucio, le professionnalisme et l'expérience des étrangers bénéficient aux joueurs locaux. L'ancien de Liverpool John Arne Riise, lui, estime que les footballeurs indiens doivent se montrer plus téméraires.
"Ils sont si timides et respectueux que, lorsque vous leur parlez, vous avez l'impression qu'ils vont pleurer", dit l'arrière gauche des Delhi Dynamos. "Mais si vous leur demandez d'être un peu plus durs, ils le font".