Même en prison Karim Wade perçoit chaque jour 65 millions
Le crime économique dont est accusé Karim Wade qui croupit en prison depuis quelques semaines, dans le cadre de la traque des biens supposés mal acquis, est mis en évidence à travers les chiffres disponibles dans un document dont la Gazette est en possession. Même en prison, Karim Wade reçoit chaque jour près de 65 millions de FCFA grâce aux sociétés aéroportuaires que sont AHS, SHS et ABS. Des sociétés qui pourraient être placées sous séquestre, prochainement.
Les chiffres qui circulent concernant la mainmise de Karim Wade sur les infrastructures aéroportuaires donnent le tournis. L’ancien ministre du « ciel et de la terre » pèserait près de 65 millions de FCFA par jour. Une manne financière qui provient des sociétés AHS, ABS et SHS.
Des sociétés sur lesquelles Karim Wade a jeté ses tentacules, avec la complicité de personnes dont la plupart sont en prison avec lui, dans l’attente de leur jugement. La Gazette est en possession d’un document qui donne un aperçu des sommes colossales que les sociétés qui ont été mises en place, génèrent. Une boulimie financière hallucinante, même si certains chiffres relevés dans le document méritent d’être corrigés, selon un expert de l’aéronautique avec qui nous l’avons partagé. Cependant, quel que soit le niveau de pondération à retenir, la valse des millions par jour et des milliards cumulés par an, que devaient empocher Karim Wade et ses coaccusés, dénote un manque de respect total pour le peuple sénégalais.
Un crime que veut punir le procureur spécial de la Cour de Répression de l’Enrichissement Illicite, qui a fait arrêter Karim Wade et ses complices depuis quelques semaines. Face à la presse, le procureur Alioune Ndao avait indiqué, en démontant le système de prédation de Karim Wade, que « sur les éléments objectifs, il est utile de savoir qu’une véritable ingénierie financière frauduleuse a été mise à nu, reposant sur un système avec deux déclinaisons de prête-noms ». Les informations que détient la Gazette sont révélatrices d’une belle ingénierie financière.
Les pompes à fric
Examinons à la loupe le cas des trois sociétés que sont la SHS, AHS et ABD. Karim Wade est mouillé dans la gestion de chacune de ses sociétés, selon des informations concordantes. La SHS, au niveau de l’aéroport Léopold Sédar Senghor de Dakar, génère des recettes nettes de l’ordre de 48,8 millions de FCFA par jour, qui ont été calculées sur la base de 24 vols par jour avec une moyenne de 1,7 millions de FCFA par vol.
La AHS (Aviation Handling Service) fait également partie des sociétés qui auraient été mises en place par Karim Wade. Sa réussite financière a mené son ou ses promoteurs à la dupliquer dans plusieurs pays africains et en Jordanie (voir Gazette n°). AHS rapporte 54 millions de FCFA par jour, soit 26 vols par jour, avec des recettes cumulées de 1, 7 millions de FCFA par jour.
Des chiffres à revoir à la baisse, selon notre expert en aéronautique, qui nous indique que AHS reçoit par semaine près de 150 vols. L’assistance par vol est payée entre 700 000 et 900 000 FCFA. On retiendra que 7 gros porteurs - passagers arrivent chaque semaine à Dakar et sont assistés pour un coût de 2500€ (1 500 000 FCFA) par vol et 25 gros porteurs - cargos à 750€ (491250FCFA) par vol.
La société SHS reçoit, pour sa part, par semaine 50 vols qui lui versent pour services rendus entre 1200 et 1500€ par vol et 19 gros porteurs à 2500€ par vols. La précision des chiffres et des prix d’assistance par vol sont des moyennes estimées, car les tarifs (même imposés par l’ANACIM) sont négociés avec les compagnies d’assistance (souvent à la baisse ou incluant des prestations non prévues par le prix d’assistance).
La société ABS verse dans cette cagnotte 800 millions de FCFA par an soit 2,19 millions de FCFA par jour. Enfin, pour ce qui concerne la société Daport dont le contrat a pris fin dès l’arrivée au pouvoir de Maky Sall, ses gains prévisionnels étaient de 108 millions de FCFA par jour, soit 1190 milliards FCFA sur 30 ans. Une concession que lui a accordée Abdoulaye Wade sous la houlette de Karim Wade.
La société Daport a perçu 2, 4 milliards de FCFA en 2009 sur une ardoise de 2,8 milliards de FCFA qu’elle avait exigé des autorités aéroportuaires sénégalaises sans contrepartie. La convention de Daport a été signée par Karim Wade. Si Mbaye Ndiaye et l’agent comptable des ADS sont en prison avec Karim Wade, cela est lié à cette affaire de gros sous qui a été versée à Daport sans contrepartie. Les langues finiront bien par se délier dans cette affaire.
Les affaires de Karim ne seront pas faciles à démêler, estiment des sources très imprégnées de l’ingénierie financière. Parce qu’il aurait multiplié les sociétés écrans pour se rendre totalement invisible. Une véritable nébuleuse que certains hauts responsables des sociétés telles que AHS, ABS et SHS ont du mal à comprendre. Ceux-là dédouanent Karim Wade en se basant simplement sur le fait qu’ils ne l’ont jamais vu chez eux. Comme si cela était important.
L’enquête du procureur spécial démontre à souhait que la main du fils de Wade était partout dans la gestion desdites sociétés et que c’est lui qui tirait les ficelles. Le directeur de la Haute Autorité des Aéroports, Mame Mbaye, a laissé entendre dans le cadre de cette affaire que « les sociétés d’assistance au sol Ahs (Aviation handling services) et Shs (Senegal handling services) appartenant toutes deux à Karim Wade sous des prête-noms, lui rapportaient 108 millions par jour, en dehors du contrat de Daport avec l’Aéroport international Blaise Diagne (Aibd) qui devait lui rapporter 39,68 milliards par an, soit 1190 milliards pour les trente ans que devait durer le contrat », a précisé Mame Mbaye Niang. Qui accuse même Abdoulaye Wade d’avoir participé à cela, dans la mesure où il a contribué à liquider la compagnie Air Afrique afin de faciliter la tâche à son fils.
Pour Mame Mbaye Niang, « l’acte de Karim Wade est un crime économique et une atteinte à la sécurité nationale ». Sur le même tempo, le ministre des Infrastructures, Thierno seydou Sall, a révélé lors d’un point de presse à la mi-mars qu’ « Il y a un monsieur nommé Karim Wade, qui veut siphonner l’argent du pays à partir des entreprises fictives qui ont connu des défaillances dans le montage.
Un mécanisme a été mis en place pour cacher les véritables propriétaires des différentes entreprises qui opèrent à l’aéroport Léopold Sédar Senghor ou ailleurs. Derrière Daport (société chargée de la gestion de l’aéroport de Dakar), on voit qu’il y a un citoyen allemand et une société basée dans un paradis fiscal, qui détient 90% des parts de Daport. C’est une société de transmission de données qui n’a rien à voir avec l’exploitation aéroportuaire et vaut 90 millions de francs pour gérer une structure qui, au moment de la construction, vaut elle-même plus 400 milliards de francs ». Des accusations graves qui ont été faites avant l’arrestation de Karim Wade.