MACKY ET L'ART DU SURPLACE
Alors qu'on n'a pas encore fini d'épiloguer sur le dernier rapport de l'Inspection générale d'État (Ige), Macky Sall tel un magicien sort de sa botte secrète un réaménagement gouvernemental. Voudrait-on étouffer la clameur qui a suivi le dernier rapport de l'Ige qu'on ne s'y prendrait pas autrement.
Surtout que ce réaménagement intervenu hier soir était sur toutes les lèvres depuis un certain temps. Et à l'arrivée, on est loin du grand chamboulement annoncé depuis fort longtemps. Le parti présidentiel est toujours bien servi dans l'attelage gouvernemental ; les alliés restent à leurs stations ministérielles (du moins pour le moment), les ministres de souveraineté gardent leur portefeuille ; les ministres "stagiaires" ou "pigistes" sont maintenus dans le gouvernement de Mahammad Dionne.
Et ce en dépit de l'incompétence et de la carence avérées de nombre d'entre eux. C'est dire qu'en réalité, il n'y a rien de nouveau sous le soleil. Le limogeage du directeur de la Senelec, le très controversé Pape Dieng, était attendu depuis belle lurette. Son sort était scellé et ce n'était plus un secret de Polichinelle.
La seule surprise dans ce remodelage de l'attelage gouvernemental semble être le départ de Mouhamadou Makhtar Cissé du cabinet présidentiel. Et sa nomination à la tête de la Société nationale d'électricité. Un challenge pour l'ancien directeur des Douanes (décembre 2009-septembre 2013), et ancien ministre délégué chargé du budget.
Le retour (gagnant) de Thierno Alassane Sall n'est pas non plus une surprise en soi, car depuis sa défenestration du gouvernement suite à sa défaite à Thiès lors des dernières élections locales du 29 juin 2014, le patron des cadres du parti présidentiel n'a cessé de poser des actes militant pour son retour à la table du Conseil des ministres.
On peut dire la même chose de Seydou Gueye, qui effectue un retour en zone. Avec sa nomination hier comme ministre porte-parole du gouvernement. Abdoulaye Diouf Sarr qu'on annonçait sur le départ suite à la démolition des constructions à la cité Tobago migre lui, vers les collectivités locales et à l'aménagement du territoire, où il remplace Me Oumar Youm, promu Directeur de cabinet du président de la République.
Quant à Maïmouna Ndoye Seck qui a annoncé, dimanche dernier, à demi-mots, sur la Rfm, le limogeage imminent de Pape Dieng, elle atterrit au ministère du Tourisme et des Transports aériens. Une camisole qui semble être taillée sur mesure pour l'ancienne présidente de la Commission de régulation du secteur de l'électricité.
Tout compte fait donc, le réaménagement gouvernemental opéré hier par le président de la République n'en est pas vraiment un. Et pour cause, de Macky Sall, l'on attendait qu'il secoue davantage le cocotier. En opérant de véritables changements à la tête de certains ministères et autres directions générales.
À quelques encablures de la présidentielle, (à moins que le chef de l'État ne fasse du wax waxeet en revenant sur sa décision de réduire son mandat présidentiel), les défis sont nombreux et immenses. La saison des pluies tardant à s'installer, les risques de famine sont bien réels dans certaines localités du pays. S'y ajoute qu'avec l'inexistence de pâturages, le bétail se décime dans le Ferlo.
Sur le plan de l'éducation, l'année n'est pas encore sauvée car les syndicats d'enseignants brandissent toujours la menace de boycotter les examens de fin d'année, du fait, arguent-ils, du dilatoire du gouvernement dans l'application du protocole signé en avril dernier. De leur côté, les syndicalistes du secteur de la santé, même s'ils ont récemment suspendu leur mot d'ordre de grève, n'excluent pas de reprendre la lutte si jamais l'État ne satisfaisait pas leurs revendications.
Des travailleurs d'autres secteurs comme celui des télécommunications et des domaines, du fait du projet d'externalisation et de mutualisation de certains opérateurs de téléphonie mobile (pour les premiers) et de la décision du gouvernement de supprimer les heures supplémentaires dans la fonction publique (pour les seconds), sont aussi sur le qui-vive. Le secteur privé est dans le désarroi.
Les collectivités locales sont dans une incertitude totale due à l'acte 3 de la décentralisation. Laquelle a créé plus de problèmes qu'il n'en a résolus. Face donc à un front social en ébullition, et à un monde paysan et pastoral désemparé, l'on attendait plus du président de la République. A croire que Macky Sall se complaît à faire du surplace ! Et pourtant, la soif de changement des populations a cessé depuis longtemps de s'exprimer en sourdine.
Désormais, ce désir de changement qui a beaucoup contribué à l'élection du leader de l'Alliance pour la République (Apr) le 25 mars 2012, s'exprime à haute et intelligible voix. Mais le chef de l'État et son entourage semblent ne pas prendre la pleine mesure des enjeux du moment. On a l'impression qu'ils sont devenus aphones et sourds face aux difficultés des populations.
Et dans ces conditions, les dernières révélations de l'Inspection générale d'État finiront comme les précédentes dans les tiroirs. Qui disait encore qu'il a mis plusieurs rapports accusant de malversations des responsables politiques sous le coude ?