Macky fait de petits pas sur un gros chantier
AN UN DE MACKY SALL AU POUVOIR : REFORMES INSTITUTIONNELLES
Un an après avoir chassé les libéraux du pouvoir, les plaies de la gouvernance Wade attendent encore d’être soignées.
A la veille du deuxième tour, Macky Sall s’est engagé à appliquer les Conclusions des Assises nationales. Des leaders tels Moustapha Niass, arrivé troisième à la Présidentielle sous la bannière de Bennoo siggil Senegaal (Bss) avaient même assorti leur soutien à la volonté d’appliquer les Conclusions des Assisses nationales. Un an après, le train de réformes des institutions et l’instauration des bonnes pratiques semblent quelque peu timorés. En clair, Macky Sall tarde à imprimer à la machine la cadence normalement attendue. Ça ne s’emballe pas !
Deux réformes ont jusque-là été opérées. Le Sénat a disparu et il n’est plus question de Vice-présidence au sommet de l’Etat. Certes, entretemps, en raison de l’ampleur de la clameur et de l’indignation suscitées par les richesses subites de nombre de dignitaires de l’ancien régime, la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei) a été créée. Son procureur spécial est à pied d’œuvre. Depuis bientôt trois mois, anciens ministres et autres directeurs généraux sous Wade sont soumis au feu roulant des questions des enquêteurs de la Section de recherches de la gendarmerie de Colobane. Vraisemblablement, les grosses pointures devraient commencer à justifier, comme en dispose la loi, leur fortune. Autrement dit, les portes de la prison leur sont grandement ouvertes. Au grand bonheur, peut-être, de nombre de nos concitoyens. Car la médiation pénale, perche que le pouvoir a essayé de tendre aux présumés coupables d’enrichissement illicite, a été endiguée sous le flot des indignations de l’opinion. Dans la vague des réformes engagée par « Yonu Yokkuté », des agences fantaisistes ont été supprimées. Même s’il en reste d’autres telles l’Agence nationale de la maison de l’outil (Anamo), de vrais mutants ( ?) destinés sans doute à caser la clientèle apériste. Les boulangers de la douzième législature du Parlement ont donc encore du pain sur la planche. Il y a d’abord le mandat présidentiel qui doit subir une coupe de deux ans de moins. Le mandat de Macky Sall doit être ramené à cinq ans, renouvelable une seule fois. Précision de taille : le chef de l’Etat s’est engagé au cours de son premier discours à la nation à s’appliquer cette nouvelle réforme.
REFORMES
Le cadre formel et solennel a le mérite de nous éloigner de la vaste polémique née des dénégations de Wade qui, après avoir clairement dit en 2007 ne plus pouvoir se présenter à la Présidentielle pour avoir verrouillé la constitution, a dû se rétracter. « Ma waxon, waxet » (c’est moi qui l’avais dit, je me dédis) finira-t-il par lancer lors d’une rencontre avec des chefs de villages. S’ensuivra un traumatisme politique que l’histoire a exalté par la date du 23 juin. Dans le train de réformes compilées dans les Conclusions des Assises nationales, on attend Macky Sall sur les juridictions.
Le Conseil constitutionnel, épicentre de la crise politique de fin de mandat de Wade, devrait être élevé à la dignité de Cour constitutionnelle. Une révision est attendue dans le mode de désignation des cinq « sages » et les compétences de l’institution, élargies. Faute de régime parlementaire, l’étendue des pouvoirs du président de la République pourrait tout de même être cisaillée au profit du… Premier ministre.
C’est en tout cas la volonté de la Charte de gouvernance démocratique des Assises nationales signée par le président de l’Apr à l’entre-deux-tours de la dernière Présidentielle. Le Parlement, jusque-là considéré comme une caisse de résonance, devrait, selon les Assises, devenir un « centre d’impulsion » de la vie politique. Conséquence : le mandat de Moustapha Niass, pour le moment prévu pour durer un an, passera à cinq ans.
De vraies réformes attendent encore. Il en est ainsi par exemple de l’impossibilité de cumuler des fonctions de président de la République et de chef de parti. Macky Sall a-t-il à ce sujet et sur d’autres questions le même point de vue que ses camarades de parti ? On peut bien être tenté de répondre par l’affirmative. Il a fallu, par exemple, pour se séparer du Sénat que les inondations de l’année dernière mettent tout le pays en émoi. La position des apéristes était connue.
COMMISSION
L’Alliance pour la république (Apr) avait, en effet, carrément notifié à son Président, lors d’une de ses réunions de directoire sa volonté de maintenir le Sénat et d’avoir un « apériste » à la tête de la première chambre du Parlement, selon l’ordre protocolaire des institutions. D’ailleurs, dans un entretien accordé au journal l’Observateur en date du mardi 14 août 2012, Mbaye Ndiaye, alors ministre de l’Intérieur, avait jeté le masque. « En un moment donné, certains avaient dit que le Sénat n’était pas opportun... Mais, nous, à l’Alliance pour la République (Apr), dès le départ, nous avions toujours refusé que le Sénat soit dissous », avait dit Mbaye Ndiaye. Même son de cloche chez Moustapha Diakhaté, président du groupe parlementaire « Bokk yaakaar » qui a ouvertement invité le Président Macky Sall, lors de cette réunion d’instance de l’Apr, à refuser la « dictature du peuple des Assises ».
La nomination de Mbaye Ndiaye au poste de ministre de l’Intérieur, lors de la composition du premier gouvernement post-Wade indiquait aussi que Macky « traînait » les pieds sur les recommandations des Assises. Il aurait pu dès le départ donner un signal fort à la Place Washington. Mbaye Ndiaye a dû céder sa place au général Pathé Seck, à la suite de la folle manifestation des Thiantacounes. Une « aubaine » qui a permis à Macky Sall de couper court aux accusations de mainmise sur l’instrument d’organisation des élections au Sénégal.
Seulement, face à l’impatience des acteurs, le pouvoir s’est réfugié derrière la Commission chargée de la réforme ou de la consolidation des institutions, pilotée par le président des Assises nationales Amadou Mahtar Mbow. A en croire « Le Quotidien », cette structure sera composée de 13 experts « confirmés » en matière de réformes institutionnelles et de bonne gouvernance. Il s’agit, précise le journal, d’universitaires, d’hommes politiques et de membres de la société civile. De l’avis du quotidien, il y aura un comité technique composé de trois personnes dont l’économiste Chérif Salif Sy, connu pour sa proximité avec l’ancien directeur général de l’Unesco, Dr Cheikh Oumar Bâ et un expert Sud africain. Un an après la chute de Wade, ces réformes institutionnelles destinées à soigner les plaies laissées par le Sopi sont encore là. Comme si Macky Sall regrettait d’avoir conclu un pacte avec les Assises nationales.