AUDIOMACKY OU LA RÉPUBLIQUE DES COPAINS ET DES COQUINS
LE BILAN MI-FIGUE MI-RAISIN DE DIALO DIOP
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Le président Macky Sall s'était engagé "sans réserve" pour l'application de la charte de bonne gouvernance issue des assises nationales organisées en 2008, estime le dirigeant du Rassemblement national démocratique (RND), Dialo Diop. Dans cette sixième et dernière partie de la série d'entretiens qu'il a eu avec SenePlus.Com, il regrette les "lentes réformes" et la République "des copains et des coquins".
«Le constat de la lenteur des réformes est "unanime et l’impatience est croissante dans l’opinion, Il y a un pas en avant et deux pas en arrière » dans la conduite des affaires par le nouveau régime, affirme Dialo Diop.
«Il aurait fallu commencer par une réforme constitutionnelle avec une refondation de l’Etat démocratique", ajoute-t-il. Le président Macky Sall est engagé par la charte de gouvernance démocratique des assises nationales et n'avait exprimé "aucune réserve écrite" lors de ce conclave organisé en 2008 par les principaux partis de l'opposition d'alors et des organisations de la société civile, estime le responsable du RND.
Pour mémoire, l'actuel chef de l'Etat, Macky Sall, était alors un responsable du Parti démocratique sénégalais (PDS) dont il démissionnera quelques mois plus tard non sans manquer de critiquer ce conclave présidée par l'ancien directeur général de l'Unesco, Amadou Makhtar Mbow et destinée selon ses initiateurs à faire repartir le Sénégal sur de nouvelles bases après le départ d'Abdoulaye Wade.
«Le premier acte des assises nationales, affirme M. Diop, devrait être une refonte constitutionnelle pour que les errements des cinquante dernières années ne puissent plus se poursuivre avec une espèce de présidents autocrates qui peuvent faire la pluie et le beau temps».
Pour lui, le chef de l’Etat ne devrait pas justifier le retard dans la mise en œuvre des conclusions des assises par quelque réserve que ce soit parce que la charte de gouvernance démocratique n’autorise selon lui ni des réserves, ni une adhésion partielle.
Le docteur Dialo Diop note en outre la «persistance de pratiques» héritées du régime Abdoulaye Wade, remplacé par Macky Sall en mars 2012 après douze ans de pouvoir.
Il parle de «ce pouvoir dit régalien de nomination et de révocation disproportionnée qui fait que finalement, ce sont les copains et les coquins que l’on nomme et que l’on dégomme au gré des vents ou des humeurs», souligne-t-il pour s’en désoler.
«Une République ne fonctionne pas comme ça !», regrette Dialo Diop avant de rappeler une disposition de la charte de bonne gouvernance. «Les assises disent que toute fonction dirigeante doit faire l’objet d’appel à candidature et qu’une fois qu’on a reçu les offres, elles font l’objet d’un dépouillement neutre, impartial et indépendant».
Il est reproché au président Macky Sall de nommer des personnes qui lui sont très proches, notamment, celles issues de son parti, de sa famille ou de sa belle-famille à des postes de responsabilité.
Evoquant la traque des biens mal acquis, le responsable du RND la qualifie de positive parce qu’elle répond à l’esprit des assises nationales. Les trois piliers des assises, explique-t-il, ce sont «la refondation démocratique de l’Etat, l’assainissement économique et financier et le traitement des urgences sociales et humanitaire».
Il fallait gérer le pays dans cet ordre, suggère M. Diop selon qui l'actuel pouvoir «a un petit peu tâtonné et improvisé» sur le plan de la mise en œuvre des engagements.
Revenant sur la transition démocratique recommandée par les Assises et rejeté par le président Macky Sall, pourtant signataire de ce document, Dialo Diop marque son désaccord avec le chef de l'exécutif sénégalais.
Pour mémoire, le chef de l’Etat Macky Sall avait déclaré avant l’élection présidentielle de février 2012: «Je ne veux pas de transition parce que nous ne sortons pas d’une guerre, ni d’un cataclysme pour justifier une transition. Le Sénégal est une République normale qui a connu des dysfonctionnements liés à un président autocrate. Il suffit de ramener un président démocrate et la République elle est bien telle qu’elle est».
Mais Dialo Diop, profondément ancré dans l’esprit des Assises nationales, note que cette manière de voir n’est pas «conforme» à l’esprit de ces concertations. «Les Assises disent que la République telle qu’elle a fonctionné depuis 1960 a besoin de refondation, de restructuration, de reconstruction».
L’autre question sur laquelle le leader de gauche est revenu est celle des droits de l’homme avec notamment l’expulsion récente du Sénégal vers la Guinée du journaliste blogueur tchadien, Makaila Nguebla. Il affirme ne pas partager cette mesure qu'il assimile à une faveur au chef de l’Etat tchadien, Idriss Deby, qu’il présente comme quelqu'un ayant un passé sombre.
Les explications du gouvernement justifiant la mesure d'expulsion de M. Nguebla "ne sont pas satisfaisantes. Notre pays est un repère d’aventuriers européens, de gangsters de tout acabit qui entrent et sortent librement du Sénégal comme bon leur semble. Jamais on ne les expulse, jamais on ne les contrôle», dit Dialo Diop qui ajoute: «Et puis là… subitement, au moment où Deby a engagé une grande manœuvre politico diplomatique de blanchiment de son passif, on fait ce genres de concessions à son régime. C’est scandaleux ! Surtout au moment où on s’apprête à juger Hissène Habré», l'ancien président tchadien (1982-1990) poursuivi pour crimes de guerre et contre crimes contre l'humanité et dont le procès s'organise au Sénégal où il est réfugié depuis sa chute. Le Docteur Diop estime qu'en matière de droits de l'homme, il ne peut pas y avoir deux poids et deux mesures.
L'armée d’Idriss Déby a été en première ligne dans la guerre contre les islamistes au Mali, dirigée par la France qui a combattu aux côtés d'autres forces de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'ouest (Cédéao).