MACKY SALL HAUT LA MAIN
En plus d’avoir gagné la considération de ses pairs et l’admiration de ses concitoyens pour avoir fait respecter le nom du Sénégal, le chef de l’État a opéré la meilleure des transitions entre les générations de dirigeants
Comme l’ont répété tous les observateurs de ce XVème Sommet des chefs d’Etat et de Gouvernement de la Francophonie, il faut admettre que le président Macky Sall a réussi le pari de l’organisation, de la sécurité en ces temps d’Ébola et de terrorisme dans le Sahel, de la mobilisation de l’opinion et de la participation des dirigeants francophones.
Bravo pour le Sénégal et, à titre personnel, pour le quatrième Président du Sénégal. Car tout cela n’était pas donné d’avance ce qui explique que, jusqu’à la fin, les tractations en vue de désigner le remplaçant de Diouf ont été particulièrement difficiles et longues, mais toujours menées sereinement par le président-hôte.
Et en tant que chef d’Etat du pays-hôte, le Président Sall a été chargé de mener pied à pied ces négociations au sommet. On sait que le président Sassou Nguesso, alors que son candidat, l’écrivain et ambassadeur du Congo à Paris, Henri Lopès, était peu ou prou sûr d’échouer, avait menacé de quitter l’OIF.
A défaut du consensus africain recherché jusqu’à la dernière minute par François Hollande, qui voulait rompre avec les pratiques de ses prédécesseurs d’imposer leur candidat, la désignation par consensus de la candidate de la modernité, du genre et de la jeunesse s’est imposée durant un huis-clos restreint au Premier ministre canadien Stephen Harper, au président congolais Denis Sassou-Nguesso et à l'Ivoirien Alassane Ouattara. L’ancienne gouverneure générale du Canada (représentant la reine, chef de cet Etat du Commonwealth) à Ottawa, était aussi celle parmi les candidats qui bénéficiait le plus de soutiens.
La médiation du Président a abouti à faire de la Canadienne d’origine haïtienne Michaëlle Jean le successeur d’Abdou Diouf depuis dimanche dernier, en raison des divisions persistantes des Africains. Si le poste a échappé aux pays africains, ce n’est pas faute d’avoir été invités depuis des mois à s’entendre sur l’un des cinq candidats en lice, dont quatre issus de pays-membres à part entière de l’OIF : Burundi, Congo, Maurice et Guinée-Equatoriale.
C'est aussi la première fois qu'une représentante d'un pays du Nord occupera le poste de secrétaire générale, à la suite de l'Egyptien Boutros Boutros Ghali et du Sénégalais Abdou Diouf, "âme" de la Francophonie depuis douze ans.
On sait aussi que si l’ex-président burkinabé Blaise Compaoré avait renoncé à se maintenir au pouvoir contre toute raison, il aurait pu être élu secrétaire général de la Francophonie à Dakar. En effet, le président François Hollande, à l’initiative d’Abdou Diouf, avait proposé à Blaise Compaoré d'hériter du poste, mais la chute de ce dernier, fin octobre, a laissé Paris sans candidat favori. Ce qui montre bien, malgré les dénégations polies de François Hollande, que, jusqu’à présent, c’est bien la France qui a fait et défait les rois à la tête de ce "Commonwealth à la française"qui rassemble tout de même plus du tiers des membres des Nations unies.
Après avoir réussi à éviter le vote, le Sommet du président Sall a renforcé la feuille de route de l’OIF pour les quatre prochaines années. Certes, le budget de l’OIF a baissé qui ne dépasse pas 80 millions d'euros par année. Certes, la contribution volontaire de la France a diminué de moitié en quatre ans. Certes, l’on ignore à ce jour si le Canada augmentera la sienne.
Mais l'OIF s’est donné au Sommet de Dakar l’un des programmes les plus ambitieux depuis sa création. Elle continuera bien sûr de renforcer "l'usage de la langue française", sa mission originelle, mais dans le respect des langues nationales locales. Surtout, elle va s’atteler à promouvoir une stratégie économique dont on ne connait pas encore les contours. D’ailleurs, ce lundi et mardi, un premier Forum économique de la francophonie a été organisé par la société Richard Attias et associés au centre international de conférences Abdou Diouf, avec la participation d'Alain Juppé.
L’OIF continuera également de s’impliquer dans la prévention des crises et le règlement des conflits, de combattre le terrorisme sous toutes ses formes, d’agir contre l’impunité, contre les violations des droits de homme, et en particulier à l'égard des femmes, de renforcer ses actions sur tous les moyens d’éducation. Ce sont là quelques points des 48 articles de la "déclaration de Dakar" et de ses neuf résolutions.
Le Sommet du Président Macky Sall peut s’estimer satisfait que l’OIF ait aussi décidé de se mobiliser en vue d’un accord "universel" et "ambitieux" à la prochaine conférence sur le climat que François Hollande présidera en 2015. C’est ce même Sommet de Macky Sall qui a porté le nombre de pays-membres de l’OIF à 80 pays ou régions désormais, en acceptant le Mexique, le Costa Rica et le Kosovo avec le statut d'observateur. Même si, sur les 57 membres et 23 observateurs, seulement 32 ont le français comme langue officielle ou co-officielle.
Plus que sur la langue, le sommet de Macky Sall a mis l'accent sur les grandes valeurs que sont la démocratie et l'Etat de droit, un avertissement répété à ceux nombreux en Afrique et présents sur le podium qui persistent à manipuler les constitutions en vue de ne jamais quitter le pouvoir. En témoigne, le discours d’adieux de l’ancien président du Sénégal Abdou Diouf, ovationné à de nombreuses reprises durant ce sommet : "Dans ce monde secoué de convulsions, fracturé par les inégalités, démuni face à des menaces nouvelles, la Francophonie a allumé un phare d'espérance et de concorde, de solidarité et d'humanisme."
Au demeurant, durant tout son séjour à Dakar, l’ancien Président a fait l’objet d’un véritable culte de star du rock. Tout le monde voulait le toucher, le saluer, lui parler, se prendre en photo avec lui, l’approcher. Dirigée pendant 12 ans par Abdou Diouf, l’OIF, jusqu’alors connue pour ses missions de coopération dans le développement et de soutien à la langue française, a gagné en poids politique grâce à la diplomatie d’influence dans les crises africaines initiée et pratiquée par Diouf.
Macky Sall a montré durant le Sommet de grandes marques d’affection et de respect à l’endroit de l’ancien Président Abdou Diouf. Le secret sur le baptême du centre international des conférences Abdou Diouf (CICAD) de Diamniadio avait été bien gardé pour une fois. En lui en faisant la surprise, le Président Macky Sall a réussi à provoquer une très grande émotion chez ce grand homme maître de ses émotions.
En plus d’avoir gagné la considération de ses pairs francophones pour l’organisation de main de maître de ce XVème Sommet, l’affection d’Abdou Diouf et l’admiration de ses concitoyens pour avoir fait respecter le nom du Sénégal, le Président Sall est parvenu à opérer la meilleure des transitions entre les générations de dirigeants des premières heures de l’accession du Sénégal à la souveraineté internationale et la transmission aux nouvelles. Dans ces conditions parfaites, 2017 pourrait être une formalité pour celui qui est déjà candidat à un second mandat haut la main.