MACKY VEUT ALLER PLUS VITE QUE IDY
MAINMISE SUR LE PDS
Macky Sall va, désormais, lui-même à la pêche des gros poissons libéraux. Il craint de voir Idrissa Seck lui arracher les "restes" du Pds avant les Locales.
Au palais de la République, une vraie course contre la montre est lancée. Au plus vite, les conseillers du chef de l’Etat doivent effacer des mémoires de l’opinion le désastre né de l’enrôlement d’Awa Ndiaye à l’Alliance pour la République (Apr). Sitôt annoncée, la nouvelle a eu les allures d’un poisson d’avril. D’abord pour sa proximité avec le début du mois d’avril, mais surtout pour l’énormité du "scandale".
Encore épargnée par la traque des biens mal acquis, le nom de l’ex-ministre d’Etat de Wade s’est sédimenté négativement dans les esprits. Il y a l’affaire des cuillères, mais aussi la mémorable bagarre ( ?) avec Aminata Tall dans les couloirs du palais, au temps de Wade. Le Plan Sénégal émergent (Pse) au succès éclatant au Club de Paris n’a pu écraser l’indignation suscitée par l’arrivée d’Awa Ndiaye à l’Apr. Macky Sall avait-il vraiment le choix ? On peut en douter. Les bruits de bottes du maire de Thiès sont tellement terrifiants que le chef de l’Etat semble obligé de céder.
Macky veut, au plus vite, recruter les gros poissons libéraux avant les Locales. Et prendre de l’avance sur son vrai adversaire, Idrissa Seck. La brutale saignée qui affecte le Parti démocratique sénégalais (Pds) est inspirée par cette ligne de conduite. Une "religion" qui découle de la volonté forcenée de Macky de mettre la main sur les grands électeurs libéraux. Peu importe l’indignation et l’émotion que les nouvelles recrues de l’Alliance pour la République (Apr) arrachent à l’opinion. C’est le temps de la politique, celle qui fait peu de place à la morale et déblaie le terrain pour la massification.
Ministre de l’Intérieur, puis Premier ministre sous Wade, Macky Sall a suffisamment d’expérience pour savoir là où se jouent les tendances lourdes en période électorale. A-t-il conscience que sur le chemin des Locales il y a quelques collines à gravir et quelques murailles à faire tomber avant de monter sur le podium ? Il y en a qui commencent à s’en convaincre. Autrement, rien ne semble justifier l’arrivée à l’Apr de leaders à l’aura bien funeste comme Awa Ndiaye, Innocence Ntap Ndiaye, Kalidou Diallo. Ces têtes de pont du Sopi continuent d’entretenir un groupe de fidèles.
Et ils militent dans des villes emblématiques, dont la perte aux Locales pourrait déclencher une gestation bien catastrophique pour les apéristes. Saint-Louis, Ziguinchor et Matam, une sorte de triangle de sécurité qui hante le pouvoir décidé à les contrôler. Thiès et Dakar étant hautement aléatoires, Kolda, Kédougou et Tamba en proie à des dissensions mortelles, Macky sait de science quasi-certaine que 2017 se joue le 29 juin prochain.
Il faut à tout prix une bonne avance sur l’opposition ankylosée par le succès du Pse au Club de Paris. Pour le palais, le bonheur passe par une mainmise sur le Pds. Alors que les querelles de clocher au sein de l’Apr sont visiblement insurmontables d’ici l’échéance fatidique des élections.
Pression
Le temps presse. Il faut engager une course contre la montre. Car, libre de tout lien avec la mouvance présidentielle, Idy va naturellement chercher à capter ce qui reste du Parti démocratique sénégalais (Pds). Lui comme Macky Sall ont toujours rêvé de cueillir les fruits mûrs du Pds. D’ailleurs, Wade qui sait bien que les "restes" du Sopi aiguisent des appétits avait lancé une invite destinée à recréer la famille libérale. Face à la presse à Paris, un certain 9 juillet, il a joué au blasé.
"Les retrouvailles de la famille libérale ne sont pas une préoccupation", a-t-il réfréné. Puis de révéler être ouvert aux militants du Pds décidés à venir travailler avec lui "pour asseoir un processus de développement cohérent du Sénégal". Le tout était, on s’en souvient, enrobé dans le concept de "compromis historique". Une sorte de légitimation théorique de la transhumance.
Au rythme où se développe la chronique de la traque des biens supposés mal acquis, il y a très peu de chances que l’Apr soit attractive pour les libéraux. Ces derniers entretiennent encore l’esprit de vengeance. Ils sont pressés d’en découdre avec Macky Sall et de lui donner la preuve électorale que l’option engagée n’est pas opératoire. Leur propre parti, le Pds, n’est plus un foudre de guerre. Il leur faut à tout prix une bonne alliance pour faire mordre la poussière aux apéristes. En quoi donc Idy passe pour le sauveur pour les Sopistes.
Une conjoncture politique qui commence d’ailleurs à faire l’affaire d’Idrissa Seck. La première alerte est donnée par Pape Diop, secrétaire général de l’Alliance Bokk Gis Gis. En meeting à Thiès-Nord, le jour même de la fête de l’indépendance, l’exprésident du défunt Sénat a annoncé qu’il ira aux Locales avec le Pds et Rewmi. Pape Diop-Idy ! Que n’a-t-on spéculé sur les deux hommes ? Durant quasiment tout le temps de la rupture entre Wade et Idy, une rumeur diffuse a été entretenue faisant de Pape Diop un proche du maire de Thiès.
Les deux hommes ne se sont jamais accrochés aux pires moments de l’affaire des Chantiers de Thiès. Au plus fort de cette affaire, l’ex-maire de Dakar et président de l’Assemblée nationale a essuyé nombre d’attaques voilées au sujet de son accointance supposée avec le maire de Thiès. A maintes reprises, pape Diop a dû sortir de son mutisme pour démentir les accusations. Il a été, sans doute, contraint de réprimer indignation et révolte face aux "fous" de Wade décidés, alors, à le tirer de son silence coupable.
Tout les rapproche. Cette alliance politique pourrait faire mal. D’autant que l’ancien maire de Dakar a fait bonne figure aux dernières Législatives. Sa coalition a arraché quatre députés. Pourtant, tout avait bien commencé pour l’Apr.
Emballement
Le Pds, principal vivier des adversaires de Macky Sall, avait commencé de lui-même à se désagréger. Des pans entiers jetaient leurs baluchons dans le camp présidentiel. Conscients du dégoût que le phénomène installe dans l’opinion, les "transhumants" créent un mouvement, histoire, après, de légitimer leur adhésion ou leur rapprochement à l’Apr.
Le meilleur exemple du mode d’emploi est Me Ousmane Sèye, leader du Front républicain (Fr). Me Sèye qui s’est même fait menaçant à l’endroit des journalistes à la sortie de son audience avec Macky Sall, a lâché : "Attention à ce que vous écrivez ! (...). Je ne me considère pas comme transhumant. C'est parce que Macky Sall et moi partageons la même vision politique que nous avons accepté de cheminer ensemble".
Puis survient Thierno Lô. Venu assister au 5è anniversaire de l’Apr, l’ex-responsable du Pds et ex-numéro 2 de Bokk Gis Gis, "félicite" le Président Sall "pour son écoute". Le dernier ministre du Tourisme sous Abdoulaye se réjouit de la contribution relative au développement du secteur touristique par la mise ne place d’un crédit hôtelier, la remise en place de l’Agence nationale de la promotion touristique, la dotation en moyens de la police touristique, la mise en place de dix milliards de FCFA pour le mobilier national et le projet de mise en place d’un comptoir de l’or pour impulser le secteur de la bijouterie et le soustraire du marché noir aussi, n’est pas en reste.
Ce genre d’hommage était bien attendu de l’ex-ministre de l’Education sous Wade, Kalidou Diallo. Son adhésion à l’Alliance pour la République avait été annoncée il y a un an. Diallo sortait alors d’une audience avec Macky Sall. A l’époque, on parlait même de deal. Très en vue dans la Génération du Concret de Karim Wade où il avait réussi le pari de créer une association des enseignants concrétistes, Kalidou Diallo aurait même, selon les termes du deal ( ?), accepté d'occuper un poste de ministre-conseiller du président de la République chargé de la réforme des "daaras" (écoles coraniques) ou des langues nationales et de l'alphabétisation.
La mayonnaise n’a, finalement, pas pris. Youssou Touré, ministre-conseiller, a freiné net son envol. Il n’est pas le bienvenu, avait-il alors prévenu. Les responsables de l’Apr de Ogo, un village de la région de Matam, ont enfoncé le clou. Autre transhumance finalement manquée, celle de Khouraïchi Thiam, ancien ministre de la Pêche sous Wade. Il a été plus malchanceux que Kalidou Diallo. Rallié très tôt à l’Apr, le véhicule de Khouraïchi Thiam a purement et simplement été bombardé de pierres par des militants de l’Apr de Tambacounda, incapables de souffrir la présence de l’ex-responsable libéral.
L’ancien ministre de l’Economie maritime, récusé par les fidèles du président Macky, a persisté. Ainsi, venu battre campagne pour les Législatives en faveur de Benno Bokk Yaakaar, il a été accueilli par une pluie de pierres déclenchée par de jeunes républicains. Les projectiles ont sévèrement endommagé les vitres de sa voiture.
Et comme si cela ne suffisait pas, les protestataires ont engagé une bagarre avec les éléments de sa garde rapprochée, provoquant un indescriptible tohu-bohu. De guerre lasse, Khouraïchi Thiam jette l’éponge et rejoint le Pds. Macky Sall en a sûrement été meurtri. Lui qui a demandé à ses camarades d’élargir les bases du parti à tous ceux qui veulent venir.
Son compagnon des heures chaudes, Moustapha Cissé Lô, vice-président à l’Assemblée nationale, bannit de son langage le terme "transhumant". Et comme pour donner la preuve de son engagement à ouvrir l’Apr à tout le monde, il est allé parrainer l’adhésion de l’actuel directeur général du Cosec, Abou Diop, animateur d’un courant politique de soutien à Wade à la veille de la Présidentielle de 2012. Parallèlement au recyclage politique, des caciques avaient commencé à s’attaquer au coordonnateur du Pds, Oumar Sarr.
Youssou Diallo, ex-conseiller du dernier Premier ministre de Wade, Souleymane Ndéné Ndiaye, a claqué la porte à la suite de la nomination d’Ahmet Fall Braya comme coordonnateur départemental par Oumar Sarr. Il y a donc un bel élan de débandade vers l’Apr. Seulement, le temps politique tellement implacable, s’écoule à un rythme trop rapide. Macky Sall ne semble pas pouvoir attendre. Il faut aller à la pêche, quitte à harponner un poisson " pourri " aux yeux de l’opinion.