MAKHILY GASSAMA, UN INTELLECTUEL QUI S’OCCUPE DE L’AFRIQUE
PARUTION POLITIQUE ET POÉTIQUE AU SUD DU SAHARA "INTERVIEWS ET EXTRAITS"
Préfacé par le Pr Spéro Stanislas Adotévi, cet ouvrage de l’ancien ministre sénégalais de la Culture résume en des réponses essentielles différentes problématiques qui se posent à l’Afrique, entre les rendez-vous manqués après les indépendances et la place de la culture dans la construction d’un destin continental commun. L’œuvre ne manquera pas de faire autorité car il est celui d’un passionné, à la fois linguiste, philologue, grammairien, maître en versification...
L’articulation ne pouvait être mieux choisie pour nommer ce condensé d’opinions politiques et culturelles. "Politique et poétique au sud du Sahara", une œuvre littéraire, le dernier de Makhily Gassama, nous offre le privilège de (re)naviguer à travers plusieurs interviews et extraits d’écrits de cet ancien professeur de Lettres, Sénégalais de renom et intellectuel africain aguerri.
Trois chapitres composent cet ouvrage de 246 pages qui aborde des thèmes politiques relatifs à la situation présente et au devenir de l’Afrique, mais aussi des questions impératives sur la création littéraire et le développement culturel de l’Afrique. "L’Afrique à mal", "FranceAfrique, Sinistre hyménée" et "Comme une lueur dans les ténèbres" constituent les trois grandes articulations qui succèdent à la préface du Pr Spéro Stanislas Adotévi.
C’est tout naturellement qu’il ouvre cet espace d’instruction par une autobiographie ou son cursus nous est tracé. De Marsassoum, son village natal, celui d’Ousmane Sembène et du Pr Assane Seck, aux gouvernements de Senghor et Diouf, l’œuvre littéraire retrace une constance et une détermination généreuse, qui ont toujours animé Gassama à travers des réflexions pour l’émancipation politique, culturelle et économique. C’est ainsi que dans l’interview d’ouverture, il est indiqué pourquoi cet intellectuel de haut niveau n’a jamais investi le terrain politique.
"A tort ou à raison, je n’avais jamais eu confiance en l’homme politique africain que je trouve rusé, fondamentalement égoïste, plus préoccupé par sa carrière que par le désir de soulager les maux du continent...", explique-til pour justifier cette réserve vis-à-vis de la politique. Selon Makhily Gassama, en refusant de se soumettre aux actions politiques en étant dans un gouvernement, "c’est parce que l’intellectuel est plus utile à son pays en menant des activités liées à sa formation qu’en assumant des fonctions politiques".
C’est dans ce même chapitre de l’ouvrage qu’il soutient n’avoir jamais été favorable à la hiérarchisation des défis qui interpellent l’Afrique. Ainsi, il ne s’agit pas de se concentrer par exemple sur l’économie pour faire développer l’Afrique "pour la simple raison que chaque secteur à développer a ses propres acteurs"...
Indépendances africaines : les rendez-vous manqués
Abordant la question ivoirienne, Gassama se désole que la vieille Europe s’accroche encore et toujours à des recettes, qui ont certes fait leurs preuves dans le passé, mais qui sont devenues usées. "Les médias d’Europe, singulièrement ceux de la France, ne se rendent pas compte que l’Afrique change, que l’Afrique, ce n’est pas ses élites politiques manipulables..."
A propos de la Guinée, il revient sur les conditions d’accession de ce pays à l’indépendance, le rôle de Sékou Touré face à la répression, et à l’aide qu’il a apportée à Alpha Condé. Dans ce même sillage, avec les rapports entre la France et l’Afrique, l’auteur revient sur le fameux "discours de Dakar" de l’ex président français Nicolas Sarkozy. "Ce discours, écrit-il, est chargé de mépris pour l’Afrique et son histoire. Le président Sarkozy s’en est maladroitement servi pour expliquer et justifier le présent glorieux qui, même à nos yeux, n’est pas glorieux".
Cette posture anti-sarkozyste n’empêche néanmoins pas l’ancien ministre de la Culture du Sénégal de revenir sur les indépendances africaines qui, estime-t-il, ont été plutôt marquées par une suite de rendez-vous manqués avec l’Etat de droit, la démocratie, les libertés, la paix, la sécurité, tous facteurs indispensables à l’émancipation des peuples et, donc, au développement durable de nos Etats.
Au plan national, cet homme des lettres dit regretter le très peu d’innovations qui caractérise aujourd’hui la littérature sénégalaise. A ses yeux, les écrits d’un romancier sénégalais de nos jours ne diffèrent de ceux d’Abdoulaye Sadji ou d’Ousmane Socé Diop que par le renouvellement des thèmes. D’où l’absence d’originalité. "Le renouvellement des thèmes naît de l’évolution de nos sociétés", lâche-t-il.