MAKHTAR KHOULE TISSE SA TOILE
EXPOSITION «JEUNESSE ET EMERGENCE» A LA GALERIE NATIONALE D’ART
C’est une mystérieuse araignée qui s’amuse en ce moment à hanter les murs de la galerie nationale d’art, et elle y sera encore jusqu’au 18 septembre, un peu comme pour accompagner l’artiste peintre Makhtar Khoulé qui en fait sa signature, et qui expose toute une quarantaine d’œuvres. «Jeunesse et émergence», c’est l’intitulé qui les rassemble, allez-y voir !
L’intitulé de son exposition, «Jeunesse et émergence», laisserait presque sceptique, dubitatif, et on y verrait quasiment une sorte d’appel du pied, dans un contexte économico-politique comme le nôtre, où l’émergence est un peu comme un concept à la mode qui se mangerait à toutes les sauces, ou presque. Quand on a comme qui dirait l’outrecuidance de lui poser la question, peut-être parce que l’expression est assez connotée, Makhtar Khoulé, jeune artiste peintre, commence par froncer les sourcils, avec l’air de dire qu’il était là avant : «Je travaillais déjà sur le sujet, et il n’y a absolument pas de calcul politique derrière mes toiles». Voilà qui a au moins le mérite d’être clair.
Pas d’opportunisme politique dit l’artiste, mais ce n’est pas comme s’il ne s’en préoccupait pas. Et lorsque Makhtar Khoulé s’exprime, du haut de ses convictions de trentenaire lucide, on a surtout l’impression que la relation qu’il entretient avec l’Afrique a quelque chose de tout à fait particulier. Sur ses toiles, une quarantaine d’œuvres qui portent son empreinte, c’est sous les traits d’un athlétique jeune homme que celle-ci apparaît, même si la personnification fait dans la provocation volontaire, quand on sait que le monsieur du tableau n’a que la compagnie de son écuelle, peut-être vide, pour lui tenir chaud dans le noir de la nuit. C’est plutôt contradictoire dit l’artiste : «L’Afrique a tout ce qu’il faut se développer », parfois à portée de main. Comment comprendre alors qu’elle puisse se baisser pour «ramasser les miettes du monde», quand on ne les lui jette tout simplement à la figure ?
Makhtar Khoulé se contente à lui de faire son trou ou de tisser sa toile dirait-on, à la manière de cette mystérieuse araignée (une habituée des lieux) qui n’est jamais tout à fait la même et qui hante chacune de ses toiles depuis quelque chose comme 5 ou 6 ans, et de façon plus ou moins subtile : un discret tracé qui ferait presque songer à quelques lointaines empreintes de pas, ou alors se superpose-t-elle à l’œuvre elle-même.
L’explication est à la fois simple et symbolique : Makhtar Khoulé en a fait une sorte de signature, histoire de lui emprunter un peu de sa «persévérance». Il faut dire que ses toiles à lui ont parfois quelque chose de ces maximes philosophiques qui vous aident à tenir le coup. On y parle d’échec, de désillusion et de pirogues cassées ou brisées, peut-être par les flots, mais ce n’est absolument pas comme si c’était la fin. La leçon, pour ne pas parler de la morale du conte, voudrait que l’on puisse se relever.
Makhtar Khoulé a encore tout un discours sur sa démarche et sur son parcours artistique, et sans aucune prétention : «C’est tout simplement quelque chose que j’aime faire, même si je sens que je m’attache davantage. Je dessinais déjà depuis tout petit, mais ce n’est qu’en 2003 que je suis allé à l’école des Beaux-arts». Et s’il n’était pas devenu artiste peintre, peut-être se serait-il retrouvé dans la peau d’un architecte, ici ou là…
Makhtar Khoulé explique aussi qu’il travaille surtout à l’acrylique, mais qu’il fait encore du collage et de la récupération. Il avoue aussi que son pinceau aime assez les couleurs chaudes, et que c’est plus ou moins une question de «tempérament». Sanguin, volcanique l’artiste ? «Je suis quelqu’un d’entier, on me trouve parfois un peu agressif, mais c’est peut-être parce que j’ai ma façon bien à moi d’exprimer ce que je ressens». Au-delà de la lumière, l’artiste a aussi sa part d’ «ombre», lui qui ne se prive pas de la froideur d’un bleu mystérieux, «symbole de grandeur et de générosité».