MAKHTAR MBOW MENACÉ PAR LE DOUBLE JEU DE MACKY ET DE L'APR
Programmées pour être le ciment de la refondation de l’Etat et du renforcement de la démocratie, les réformes institutionnelles dont la concertation nationale est pilotée par l’ancien président des Assises de l’opposition Amadou Makhtar Mbow, risquent d’aboutir en un énorme calembour. Pour cause, à l’orée des travaux de la commission ad hoc, des contraintes majeures viennent en limiter voire plomber les résultats, en restreignant la liberté de manœuvre de Mbow et cie.
Ainsi, en est-il de la disposition affichée du Président Macky Sall et de l’Apr de ne pas dissocier la charge de chef de l’Etat d’avec celle de chef de parti comme de ne pas non plus faire droit au régime parlementaire. Alors même qu’à côté, l’opposition libérale qui a décidé de boycotter la concertation sur les réformes déterre la hache de guerre contre toute résurgence des Assises nationales de 2008.
Aussi paradoxal que cela soit, c’est en effet le Président Macky Sall lui-même, initiateur de la concertation sur la refondation de l’Etat, au lendemain d’une douzaine d’années libérales de tripatouillage de la Constitution, qui a été le premier à instaurer des garde-fous à la réforme attendue des institutions, notent des observateurs du champ politique.
Une réforme destinée à renforcer qualitativement la démocratie sénégalaise par l’instauration d’un certain nombre de dispositions constitutionnelles relatives à la présidence, à l’Assemblée nationale, aux juridictions nationales, à la gouvernance démocratique, voire au statut de l’opposition et à la redéfinition du jeu politique.
Relayée par le député Abdou Mbow, leader des jeunesses « apéristes », en marge de la commémoration de l’anniversaire du M23, la disposition du Président Macky à ne pas être prêt à démissionner de son poste de chef de l’Apr (parti au pouvoir) avait été la première chape de plomb des réformes institutionnelles. Au sortir d’une rencontre du parti présidentiel, l’actuel locataire du palais avait affirmé clairement, selon Abdou Mbow, son refus de céder la direction de son parti.
Un parti créé tout juste en 2008, arrivé au pouvoir moins de quatre ans après sa naissance, mais encore en butte aux contraintes de structuration et de massification dans le champ politique. En prêtant allégeance au cumul des fonctions de chef de l’Etat et de chef de parti, Macky Sall avait limité déjà le mandat attribué au président de la commission nationale sur la réforme des institutions, Amadou Makhtar Mbow. Lequel était d’ailleurs chargé de diligenter « une concertation nationale large, participative, ouverte et inclusive».
Le maître du jeu et président de l’Apr, à qui la commission dirigée par l’ancien président des Assises nationales devrait rendre ses recommandations dans moins de 06 mois, n’allait pas en rester là. Par l’intermédiaire de certains responsables « apéristes » dont Mbaye Ndiaye, le chargé des structures du parti, ou encore le député Abdou Mbow, l’Apr affichait clairement son refus de toute proposition de régime parlementaire au Sénégal.
Une manière de rappeler froidement à Amadou Makhtar Mbow et cie que la nature du régime parlementaire, votée par les tenants des Assises nationales et actuels principaux alliés de Macky au sein de la mouvance présidentielle, n’agrée nullement l’Alliance pour la république.
D’ailleurs, précisent-ils, Macky Sall avait signé la Charte de gouvernance des Assises avec des réserves, notamment sur les dispositions portant sur le régime parlementaire et la démission du chef de l’Etat de la tête de son parti. Face à ces garde-fous plantés par le camp présidentiel, des observateurs de la scène politique se demandent encore, et à juste titre, si les concertations diligentées par A M Mbow ne vont pas déboucher sur des propositions de réforme largement édulcorées.
Surtout avec la propension des «Apéristes » qui s’affiche, de plus en plus, de tourner le dos au retour du quinquennat pour la présidence de l’Assemblée nationale. Histoire de ne pas céder, encore pour quatre autres années, la deuxième institution du pays dans l’ordre protocolaire à un non membre de l’Apr, en l’occurrence Moustapha Niasse de l’Afp, successeur constitutionnel du chef de l’Etat en cas de vacance du pouvoir.
DES GARDE-FOUS AU DENI DE LEGITIMITE
Le jeu double de Macky et de l’Apr, envers les réformes attendues des institutions, ne semble toutefois pas la seule chape qui pourrait plomber la liberté de manœuvre d’Amadou Makhtar Mbow et de sa commission. L’opposition politique, principalement le Pds (ancien parti au pouvoir) a décidé purement et simplement de boycotter les travaux de la commission sur les réformes. Pour le parti de Me Abdoulaye Wade, ancien président du Sénégal, Amadou Makhtar Mbow serait en train d’outrepasser sa feuille de route et de dénaturer les propositions de réformes.
Modou Diagne Fada, le président du groupe parlementaire des libéraux et des démocrates, l’ réitéré expressément il y a juste une semaine : l’ancien directeur général de l’Unesco et ex-ministre de l’Education au milieu des années 60 au Sénégal est en passe de sortir de ses tiroirs les Assises nationales de l’opposition organisées en 2008, en pleine contestation de la présidence Wade.
Or, ce forum comme sa charte de gouvernance démocratique avaient été rejetés, selon le député libéral, par les électeurs lors de la présidentielle de 2012. Aucun de ses chantres (Niasse, Tanor…) n’a été ainsi porté au second tour de la présidentielle, a tenu à rappeler Modou Diagne Fada en mettant en garde contre le retour des Assises nationales bis.
De là à imaginer que la commission sur la réforme des institutions qui a convié dernièrement les partis politiques comme la société civile et les mouvements citoyens à la concertation ne débouche sur une série de blocages largement préjudiciables, il n’y a qu’un pas que des analystes politiques franchissent rapidement. En tout état de cause, notent-ils cependant, c’est au maître du jeu Macky Sall d’en déterminer le tempo et dans ce cas, la position du président de l’Apr ne semble point prêter à confusion.