MAROCO SENEGAL
BABACAR SAMB, SEPCIALISTE DU MONDE ARABO-MUSULMAN

PR BABACAR SAMB , CHEF DE DÉPARTEMENT DE LANGUE PERSANE ET CHEF DU LABORATOIRE D'ÉTUDE ET RECHERCHE SUR LE MONDE ARABO-MUSULMAN (DEPART ARABE , ancien ambassadeur du Sénégal en egypte
L’intérêt du Royaume du Maroc pour l’Afrique de l’Ouest et le Sénégal en particulier, ne fait l’objet d’aucun doute. En témoigne, le dernier voyage du souverain chérifien au Sénégal avec à la clé de nombreux accords signés. Dans cette offensive économico-diplomatique, le Sénégal et l’Afrique de l’Ouest s’en tirent-ils à bon compte ? La disparition du guide libien profite—t-elle à Mohamed VI sur le plan géopolitique et diplomatique ? Quel bilan faut-il faire du printemps arabe ? www.SenePlus.Com a posé la question au Pr. Babacar Samb. Il est chercheur sur le monde arabo-musulman, cehf de dpatrement de langue persane (UCAD) et ancien ambassadeur du Sénégal en Egypte.
SenePlus.Com : Pr Samb comment expliquez-vous l'intérêt de plus en plus croissant du Maroc pour le Sénégal et l’Afrique de l’Ouest en général ?
Les relations entre le Maroc et le Sénégal sont particulières parce que les deux pays ont toujours maintenu des relations culturelles, spirituelles, économiques depuis l’indépendance avec notamment la présence de la tarîqa tijania qui est dominante au Sénégal, et la présence d'une forte colonie marocaine dans les villes de Dakar et de Saint-Louis depuis la période coloniale. Ce qui donne un cachet particulier à ces relations. Maintenant, depuis l’accession du roi Mohamed VI au pouvoir, effectivement, il y a un renouvellement des relations entre le Maroc le Sénégal, et surtout entre le Maroc et les autres pays partenaires de l’Afrique de l’Ouest. Le roi est venu au Sénégal au moins 5 fois depuis 1998 à nos jours. C’est du jamais vu. Et ce sont des visites qui ont duré, à chaque fois, deux ou trois jours dans son calendrier. Je crois que ça c’est important. Ça témoigne de la fraternité qu’il y a entre le Maroc et le Sénégal.
Avant, les relations étaient plutôt culturelles avec l’envoi des boursiers sénégalais pour étudier dans des universités islamiques marocaines et l’octroi des bourses aux marocains pour poursuivre des études en médecines, en pharmacie et en sciences principalement.
Mais, depuis 2001, il y a effectivement des relations économiques aussi bien dans le domaine du transport avec Air Sénégal, dans le domaine de l'énergie avec la technologie du solaire, dans les infrastructures. Le Maroc a investi dans l’habitat social (Diamniadio). Il y a aussi la pénétration et la vente des produits pharmaceutiques marocains au Sénégal. On peut noter les mêmes investissements en Guinée, en Côte d’Ivoire et au Gabon qui sont vraiment les pays partenaires du Maroc
Le Guide libyen Mouammar Kadhafi était lui aussi très actif dans la région Subsaharienne, notamment l'Afrique de l'Ouest. Est-ce qu’avec sa disparition, c’est le Maroc récupère ce leadership ?
La chute du guide libyen favorise la relance vraiment des relations entre le Marc et l’Afrique de l’ouest, mais plus particulièrement le Maroc et ses partenaires privilégiés de la sous-région. En effet, avec Mouammar Kadhafi qui était vraiment un partenaire privilégié sur le plan politique, - pas économique - avec le président Wade, s’agissant notamment du Nepad, de l’Union africaine, c’est vrai qu'il y avait une présence accrue et une influence réelle de la Libye sur la sous-région.
D’ailleurs, les relations entre la Libye et le Maroc n’ont été jamais des relations très stables à cause de la différence d’orientation entre les pays. Deuxièmement à cause de la position du Maroc par rapport au Sahara occidental. Or la Libye et l’Algérie sont beaucoup plus proches du Sahara Occidental que du Maroc
Ce qui fait que le Maroc n’est plus actif depuis la reconnaissance de RASD (République arabe sahraouie démocratique) qui est né en 1976 au niveau de l’Union africaine. Le Sénégal a toujours soutenu et sans faille les positions marocaines en ce qui concerne l’appartenance et l'intégration du Sahara occidental au Maroc. Donc c’est ça qui a renforcé véritablement les relations politiques entre le Maroc et le Sénégal. Le président Wade avait fait d’ailleurs la médiation pour que le Maroc revienne réellement au dans de l’Union africaine. Alors que la Libye, avec la création de l’Union africaine, avait pris les incitatives du leadership au niveau du Maghreb. Ce que le Maroc n’a jamais accepté.
Pensez-vous que le Marc arrive à tirer son épingle du jeu dans cette offensive économico-diplomatique dans laquelle s'est engagé en Afrique de l'Ouest, à côté des partenaires traditionnels que sont les USA, l'UE et même la Chine aujourd'hui ?
Je crois que le Maroc essaie de se faire une place dans ce réseau dense des relations de l’Afrique. C'est vrai que l’Afrique de l’Ouest depuis une dizaine, voire une vingtaine d'années s'est ouverte à d'autres partenaires des métropoles comme la France, l’Angleterre la Chine, l'Inde ou même les pays de l'Amérique Latine. Mais ce sont des puissances ou des moyennes puissances qui ont, en Afrique, une force de pénétration sur le plan politique, financier que le Maroc n'a pas. Mais le Maroc joue sur les relations séculaires qui le lient avec l’Afrique de l'Ouest. Il y a l'islam et surtout aussi des relations renforcées au début des années 60 au sein du groupe de Casablanca qui regroupait des pays africains et des pays arabes et dont le Maroc était le leader.
Dans ce schéma, comment se faire une place dans ces relations ? Je crois que le Maroc a des potentialités indéniables sur le plan agricoles qui peuvent aider pas mal de pays africains. Vous voyez bien que maintenant les produits agricoles, surtout des fruits marocains, traversent le Sahara. On voit des mandarines marocains partout au Sénégal. Et c'est la même chose que vous voyez au Burkina et ailleurs en Afrique de l'Ouest. Donc on est passé de l’exportation des produits manufacturés traditionnels, de l'artisanat marocain, de cuir d'abaya, de couture, de bonnet phase ou malakit à des relations économiques beaucoup plus importantes pour les deux partenaires. Donc la présence marocaine se fait son chemin. Mais ce sera difficile avec les autres partenaires de l'Afrique de l'Ouest qui sont quand même beaucoup mieux outillés que le Maroc pour le financement les projets de développements par exemple.
Dans ces relations entre le Marco et la sous-région peut-on parler de relations gagnant-gagnant ou bien les relations restent largement favorables au Maroc ?
Globalement, c'est le Maroc qui tire le plus de profit dans ses relations avec l'Afrique parce que les échanges entre le Maroc et le Sénégal, entre le Maroc et les autres pays partenaire d’Afrique, sont largement favorables à la balance des paiements du Maroc. Dans la mesure où l’Afrique de l'Ouest n'exporte vers le Maroc que très peu de produits alors que le Maroc exporte beaucoup plus vers la sous-région, avec des échanges estimé en milliards de dollars alors que les pays africains ne sont qu'à une centaine de millions de francs CFA tout simplement. Ce qui fait que le Maroc a trouvé un marché beaucoup plus large en Afrique de l'Ouest pour ses produits. Il se trouve que maintenant, au niveau de l'Union européenne là où le Maroc exportait le plus, il y a d'autres pays qui lui sont concurrents si bien que le Maroc a cherché aussi à s’arrimer au marché européen.
Il y a l'Union de la méditerrané que Sarkozy essayait de mettre en place pour que ces pays-là puissent profiter de la dynamique des relations entre l'Union européenne et l'Afrique. Mais politiquement, ça n'a pas pu se réaliser réellement comme l'a souhaité la France compte tenu des réticences de certains pays notamment la Libye.
Vous travaillez sur le monde arabo-musulman et vous avez également été ancien ambassadeur du Sénégal en Egypte. Quel bilan tirez-vous des printemps arabes ? Est-ce qu'au regard des résultats, ces révolutions valaient-telles la peine si on en juge par le bourbier dans lequel est plongé ces pays ?
C'est vrai que le printemps arabe a suscité beaucoup d’intérêt et était porteur aussi de beaucoup d'espoirs pour les populations parce que ça a permis, au moins, de se débarrasser des régimes dictatoriaux aussi bien au niveau de l’Égypte, du Yémen que de la Libye et de la Tunisie surtout. Ces deux régimes étaient des régimes très forts où le pouvoir était personnalisé. Ça, c'est la première étape. Mais la deuxième étape, c'était après la chute de ces régimes-là. En effet, on s'attendait justement à l'instauration de la démocratie réelle dans ces pays. Mais malheureusement, je pense que le processus de réhabilitation des partis politiques qui étaient suspendus ou interdits et aussi la dynamique des élections, se sont faits sur le tas. Par exemple en Égypte, une fois au pouvoir, les frères musulmans ont oublié toutes les autres forces démocratiques qui les avaient aidés à venir au pouvoir. Ils ont voulu gouverner seuls et imposer leur doctrine. Ce qui n'a pas été justement peut-être la meilleure solution pour maintenir une transformation sociale et politique durable
La Tunisie quant à elle tire mieux son épingle du jeu. Les islamistes modérés de la Nnahda ont accepté leur défaite et se sont véritablement, même dans le gouvernement transitoire, été plus ou moins conciliants avec les principes démocratiquement laïcs de la Tunisie de maintenir l'héritage de Bourguiba.
Par contre, en Libye malheureusement, c'était la catastrophe parce que la chute de Kadhafi n'a pas laissé d'autres alternatives que des groupes qui sont d'origine parfois tribale, religieuse qui s'affrontent. Aujourd’hui on a deux parlements, deux gouvernements, on s’entre-tue tout le temps et l'Occident qui était intervenu sur une résolution de l'Onu à la tête de laquelle la France a complètement abandonné la Libye à son propre sort. Le pays sombre aujourd'hui dans un semblant de guerre civile.
Nous n’avons pas aujourd'hui de perspective de réhabilitation des structures d’État parce en Lybie. Il n'y a plus d'armée, plus de structures politiques.
Donc ce sont des groupes qui sont livrés à eux-mêmes et les autres pays comme la Tunisie sont menacés. Le Mali, c'est vraiment l'excroissance de ce qui s'est passé en Libye. Avec AQMI qui s’est renforcé et d'autres groupes islamistes qu'on trouve dans la bande sahélienne qui fait qu'ils sont venus avec toute l'armada qu'ils avaient prise en Libye et la conséquence c'est l'instabilité politique et l'instabilité sécuritaire qu'on voit par exemple au Mali, au Niger , au Nigeria et au Tchad .