MAUVAISE MÉTÉO POUR LES WADE
L’effet boomerang de la stratégie de Wade est patent. Il a été pris dans son propre piège. Il a tenu des discours que les Sénégalais ne veulent plus entendre. On est en République. Seules les femmes peuvent témoigner de la paternité d’un tel ou d’un autre de leurs enfants.
Ainsi va la vie. Beaucoup parmi ceux qui se réclament de certaines catégories n’y appartiennent pas. Seules les mères savent. Ce qu'on sait par contre, c'est que le procureur spécial près la Cour de répression de l'enrichissement illicite a requis une lourde peine contre Karim Wade, ancien ministre d'Etat, ministre du ciel et la terre.
Le Sénégal en entier a été ému par les déclarations de Me Wade, quand il a cherché à porter le débat politique sur des considérations que rien ni personne ne saurait cautionner.
Les chefs religieux, généralement réservés, n’ont pas pu résister à lancer un rappel à l’ordre à l’endroit de celui qui a évoqué des questions de caste à l’endroit du chef de l’Etat (encore que c’est faux) et pire, des accusations innommables !
Dans une bronca, rarement vue depuis les événements du 23 juin 2011, suivie de sa défaite, jamais le doyen de la vie politique sénégalaise ne s’était illustré d’une si mauvaise façon. Mais apparemment, il n’en a cure. C’est ce qu’il cherchait. Cette volonté de chauffer la rue, de rappeler qu’il garde sa capacité de manœuvre et la haute main sur son parti. Mais il semble que les temps ont bien changé au Parti démocratique sénégalais, car la désapprobation de ses propos émane d'abord des libéraux.
On avait dit ici récemment que la République ne reconnait que ses fils. Dans un bruyant silence, le Président Macky Sall ne pouvait pas réagir, parce qu’on ne peut répondre ou vouloir se justifier devant l'ignominie quand on dirige 14 millions de Sénégalais. Où sont la démocratie et l’égalité des citoyens dans tout cela ?
Quelqu’un qui peut tenir ce genre de discours peut-il regarder ses arrières, pour constater les effets que cela a créés au milieu de ses propres troupes ? Dans tous les cas, la réprobation est générale, l’indignation partagée et la tension accrue. Me Wade a-t-il atteint ses objectifs ?
Rien n’est moins sûr, car les sondages auraient montré que le vieil homme serait aujourd’hui (loin) derrière des jeunes à qui il a mis le pied à l’étrier. Les marabouts ne sont pas contents, le malaise est ambiant, et les gens en viennent même à s'interroger, encore une fois, sur le statut pénal des anciens chefs d'Etat.
Dans une intrigante coïncidence, un vent de poussière s’est abattu sur le Sénégal depuis que l’ancien président Wade a rappelé à l’opinion qu’il pouvait toujours faire mal en faisant référence à de fausses sociologies hors normes.
Les services de la météo ont souligné aujourd’hui que la poussière va redoubler d’ampleur jusqu’en début de semaine. Cette atmosphère venteuse sera conjoncturelle et va naturellement retomber comme les effets qui les ont créées.
Ainsi sera-t-il de la ruade médiatique de Me Wade qui a mis mal à l’aise les gens, jusque dans les rangs de son premier cercle. D'ici que l'affaire "Karim Wade" soit vidée, il faudra s'attendre à tout. Mais Me Wade est génial.
Diaboliquement génial, au point d'avoir pu ramener le débat autour de sa personne. Il est avec Mugabé, le doyen de la vie politique africaine. Que faire de ces reliques ? Les Sénégalais ont pourtant d'autres préoccupations.
Les enseignants sont en grève (le Cusems demande le respect du protocole d'accord de 1994), la Suneor est en crise, le désenclavement de la Casamance est en bonne route (ou sur de bonnes eaux), les grands partis politiques mutent, mais il n’y a rien y faire, il tient le haut du pavé.
Il veut que le débat, comme toujours, tienne à ses intérêts. Mais, selon toute vraisemblance, cette fois-ci, cela sera un feu de paille médiatique. Car sans être dans certaines confidences.
Les arguments qu'il tient pour tirer d'affaire son fils et ancien ministre d'Etat visitent les tréfonds oubliés de la société sénégalaise. Lui, l'ancien doyen de la Faculté de Droit et des Sciences économiques, celui qui s'est proclamé comme l'homme "le plus diplômé du Cap au Caire", en arrive à ce genre d'arguments. Qui est qui et qui est quoi dans ce pays ?
La catégorisation républicaine est fondée sur le mérite et l'ascenseur social qu'est l'Ecole. On ne peut plus stigmatiser les personnes selon la naissance.
Le propre d'un propos en dessous de la ceinture, c'est qu'il entraîne un comme tel. Et des vertes et des pas mûres vont tomber des arbres...
Le fait est que l'affaire de son fils est au cœur des manœuvres du toujours secrétaire général du Pds. Il n'aura de cesse de mettre la pression. Peine perdue, la justice sera sereine.