ME MOUSTAPHA DIOP
LE DÉFUNT AVOCAT RACONTÉ PAR LES SIENS

Me Moustapha Diop s’est éteint. Moustapha, comme l’appelaient affectueusement ses confrères, a été emporté par la maladie. C’est hier matin que l’ange de la mort est venu recueillir son âme après qu’il a été alité pendant près de trois semaines. La mort le guettait pendant tout ce temps mais l’homme, très déterminé, s’est battu jusqu’à son dernier souffle.
Il espérait toujours retrouver sa santé afin de continuer son combat sur les dossiers qui l’attendaient à son cabinet, notamment ceux pendant à la Crei de Aïda Ndiongue, Tahibou Ndiaye, Pape Samba Diassé... Il y a aussi celui du deuxième cabinet et celui pendant devant le doyen des juges d’instruction ou dans les autres cabinets d’instruction. Trop de dossiers peut-être pour une seule personne dans son cabinet, sans associé pour l’épauler.
Le barreau du Sénégal a perdu un excellent avocat. Ebranlé par le poids de l’âge, mais aussi par les «gros» dossiers qui attendaient à son cabinet, il avait fini par avoir une démarche hésitante, la mine toujours épuisée. Mais lorsqu’il prenait la parole pour sa plaidoirie, on sentait la passion de l’avocat, la détermination de l’homme, la démarche méthodologique de l’enseignant qu’il fut. Très convaincant, le verbe facile, il réussissait à embarquer tout le monde dans sa logique avec sa voix rauque, audible même pour ceux qui se trouvaient à l’autre bout de la salle. L’astuce de l’avocat, la finesse, c’est aussi son secret.
Ce n’est pas la notaire Aïssatou Guèye Diagne qui dira le contraire. Dans le dossier de Me Babacar Sèye, Me Diop s’est fait remarquer par son talent. Tout comme dans celui des Moustarchidines en 1995. L’actuelle patronne de l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (Ofnac) Nafi Ngom Ndour se souviendra certainement de cet avocat qui l’a beaucoup secouée lors de son procès contre le journal «L’As» pour qui la robe noire s’était constituée. Ndongo Diaw de l’autorité de régulation des télécommunications et des postes (Artp) le remerciera certainement pour l’avoir défendu jusqu’à obtenir sa mise en liberté provisoire.
Très proche de Aïda Ndiongue avec qui il avait des relations autres que professionnelles, il n’a jamais accepté l’attitude du premier Président de la Cour d’appel de Dakar qui avait récupéré le dossier pour finalement rejeter leur requête. Écoeuré, il avait réussi à convaincre ses confrères de formuler un pourvoi en cassation. Le pourvoi, il l’a fait. «Il disait qu’il voulait savoir ce que la Cour Suprême allait leur raconter
», confie un de ses collègues. Il ne le saura jamais.
Pendant près de 30 ans, Me Moustapha Diop s’est engagé à défendre ses clients. Qui va le défendre aujourd’hui ? Espérons que le Bon Dieu dans sa miséricorde l’accueillera dans son Paradis.
REACTIONS… REACTIONS… REACTIONS…
ME BABOUCAR CISSÉ - «Il avait un sens élevé de la confraternité»
«C’était un excellent confrère, un juriste qui avait un sens élevé de la confraternité et des relations humaines. Nous avons très souvent croisé le fer, mais cela n’a jamais entaché l’excellence de nos rapports. C’était quelqu’un pour qui j’avais beaucoup de respect. Je garde encore aujourd’hui des souvenirs extraordinaires. Sa disparition m’a beaucoup marqué».
ME BORSO POUYE - «Lors de la venue de Wade, il a versé des larmes»
Ce n’est pas au barreau que l’on s’est connu, mais bien avant. Cela fait plus de 30 ans. C’était un homme bien, constant, tenace. L’excellent enseignant est devenu l’excellent avocat. On était souvent côte à côte dans les dossiers. Il était très correct et plein de courage, très déterminé. Le barreau a perdu une valeur sûre. Aïda Ndiongue va le pleurer chaudement. C’était un ami à elle depuis qu’ils étaient enseignants. C’est pourquoi, il était tellement déterminé dans la défense de Aïda Ndiongue que l’on faisait la confusion entre l’ami et l’avocat. C’était aussi un homme très constant, fervent supporter de l’équipe du Jaraaf et il l’est resté toute sa vie. Politiquement, il a toujours milité à la Ld. Un fervent talibé Tidjane. Il avait quelque chose qui manque aujourd’hui aux avocats, c’est la confraternité. Dans le dossier de Aïda Ndiongue, il a insisté pour faire le pourvoi et il l’a fait. Il m’a même laissé le mémoire pour le pourvoi en cassation et il y a écrit : «je ne voulais pas dépasser le délai qui m’était imparti, c’est la raison pour laquelle je vous ai envoyé le mémoire». Lors de la venue de Abdoulaye Wade, il m’a raconté qu’il est sorti de sa maison sise sur la Vdn près de la permanence de l’Apr et quand il a vu toute cette foule qui accompagnait Me Wade avec tout l’espoir qui les animait et ce qu’ils avaient écrit sur leurs pancartes, il était profondément touché et il n’a pas pu se retenir de verser des larmes.»
ME KHASSIMOU TOURÉ - «Un fin procédurier qui avait de la suite dans les idées»
«Ce que je retiens de lui c’est l’humilité d’abord, arrimée à un comportement convivial. Ce qui me plaît chez lui, c’est le cousinage à plaisanterie entre Mourides et Tijanes. Sachant que je suis talibé mouride et lui un bon talibé Cheikh, il aimait me taquiner en me racontant des anecdotes croustillantes sur les mourides. Nous en riions à gorge déployée. Mais j’aimais aussi l’avocat, un fin procédurier qui avait de la suite dans les idées. Malheureusement, le décret divin est tombé et le Sénégal en général, le barreau du Sénégal en particulier, vient de perdre un de ses fils les plus engagés. Que Dieu dans sa miséricorde infinie l’accueille dans son saint paradis. Amin !»