MIMI, HAALA MAA FÉÉWI
Et sera-t-il surtout, ce débat, plus pondéré et plus responsable que l’a été la pose sereine d’une prédicatrice résolue, sûre de son propos et maîtresse d’elle-même, balançant imperceptiblement, sans accélérer la cadence, d’une jambe à l’autre ?
Et le Sénégal aura fait un pas vers la rupture d’avec les manières débiles qui décrédibilisent les politiciens de cette période. Premier orateur et dans son rôle de régulateur social perverti à travers les âges, le député Ngom fera sans doute regretter aux socialistes et aux libéraux de la première alternance de n’avoir pas consacré à ce niveau institutionnel El Hadj Mansour Mbaye puis Abdoulaye Mbaye Pekh, par exemple.
Mimi, «Haala maa fééwi» (Mimi, tu as bien parlé), a-t-il décrété sentencieusement dès l’entame de son temps de parole dans un discours en langue nationale pulaar. Subtil soutien du président à son Premier ministre ? D’autres soutiens suivront tous plus ou moins subtils surtout celui des femmes qui outrepassait les attitudes d’éventuelle réserve ou de tiédeur des députés alliés au pouvoir envers un programme de gouvernement qui ne serait que celui de l’Alliance pour la République (APR) de Macky Sall. La civilité acquise a franchi les marges poreuses de l’opposition modérée quand Madame Sokhna Dieng Mbacké a offert un bouquet de roses au Premier ministre en invoquant une dialectique à laquelle n’est pas profane Aminata Touré dont les rivaux politiques aiment invoquer son origine trotskiste contre elle. Par delà les épines, la rose elle-même, symbole du socialisme, est la première équation d’une alliance équivoque à large tendance, de l’extrême gauche à la droite.
L’avantage paradoxal en soi de l’actuel Premier ministre est d’être une caution socialisante à un régime libéral dont la ligne de fracture avec le parti libéral qu’il a évincé n’est ni idéologique ni même tactique mais seulement de dispute du pouvoir. La critique interne au sein du parti présidentiel a voulu briser son essor en rappelant à deux semaines de son avènement, qu’elle n’était qu’une militante de la 25ème heure. Cela ne pouvait la déchoir dans la mesure où les militants «historiques», qui ont accompagné le futur président Macky Sall dans sa scission, ne se sont pas départis des tares de leur affiliation politique antérieure. Avec comme facteur dirimant de ne considérer le président élu que comme le premier des égaux d’une épopée héroïque commune et surtout de se considérer comme tels sans tact avec des «Je dirais à Macky» à n’en plus finir. Cette attitude à l’intérieur du parti présidentiel convergeant avec celle similaire dans la négation du suffrage universel des partis ralliés après le premier tour, ne prenait-elle pas le président Macky Sall en tenaille ?
Le slogan «la patrie avant le parti» avait servi à desserrer l’étreinte intérieure qui étouffait l’exercice solitaire du pouvoir par son dépositaire légitime. Le second acte politique majeur a été après quelque temps perdu avec un choix faussement dit «technocratique», la sélection d’une personnalité politique forte qui soit complémentaire au chef de l’Etat dans la définition de sa politique et la conduite de son programme de gouvernement. Le tempérament d’Aminata Touré s’est imposé non point seulement par son volontarisme à la Fouquier-Tinville, accusateur public du Tribunal révolutionnaire, mais aussi à sa participation sans tintamarre à la conception du Yoonu Yokkute. Toujours évoqué jamais propagé, le programme de l’Alliance pour la République (APR) s’est révélé être le contraire du style si incohérent et si tonitruant de ses cadres dans leurs actes publics de gouvernement ou de délibération au niveau le plus responsable.
Au surplus, le scrutin dernier ayant montré un choix persistant du libéralisme politique alors que les jérémiades quotidiennes de la population sont une demande sociale pressante, le parti présidentiel était confronté aux limites étriquées de son orientation. Faute d’un programme commun avec ses alliés de gauche, le parti présidentiel allait jusqu’ici d’un pas incertain vers une sanction de sa politique sociale au tout prochain scrutin. Mais le Yoonu Yokkute tel que décliné par Aminata Touré, déborde sur sa gauche ses alliés embusqués dont le souvenir qu’ils ont été au pouvoir plombe encore les rêves de retour et les promesses de rédemption. En outre, l’absence de toute allusion même à la traque des biens mal acquis, aussi bien qu’une référence quelconque aux institutions républicaines comme organes subalternes du gouvernement est une promesse de bonne gouvernance. Une promesse seulement car le Premier ministre n’est pas une fée avec sa baguette magique.
Elle est juste un leadership d’appoint émergent sur lequel l’adhésion populaire s’est cristallisée. Son mérite personnel ne s’arrête pas à cette prestation qui dénote une instruction rigoureuse. Elle ne fait pas partie des cadres politiques qui ont bénéficié de protection et de la sollicitude des régimes successifs. Son combat social est plus vieille qu'elle pour avoir vu le jour dans l’austère région de Tambacounda où le pouvoir colonial puis les régimes successifs du Sénégal indépendant envoyaient les fonctionnaires politiquement engagés. Son père, médecin, était de ceux-là et sa carrière ultérieure conforte les paroles de l’actuel Premier ministre quand elle exalte le travail comme facteur principal de richesse. En somme, si Mimi a bien parlé comme l’a révélé le député Ngom, c’est parce qu’elle a parlé vrai, aucune de ses assertions ne pouvant lui être opposables. Il reste, malgré son éminente position dans l’appareil d’Etat, qu'elle n’est qu’une parmi les millions de Sénégalais dont il dépendra qu’au bout du compte, le député Ngom puisse lui dire : «Golle maa fééwi».