MIMI, LA DAME DE «FAIRE»
NOUVEAU CHEF DU GOUVERNEMENT

Le choix de Mimi Touré sonne ainsi comme une prime à la traque aux biens mal acquis. Le président compte sur sa nature volontaire pour hâter la cadence d’une mandature réduite à cinq ans.
Au-delà de la rhétorique convenue sur la prérogative constitutionnelle du président de la République de mettre fin aux fonctions du Premier ministre, il y a lieu de s’arrêter sur la manière dont Abdoul Mbaye a été démis. Il y a d’autres voies plus convenables de se débarrasser d’un collaborateur. Macky Sall aurait pu demander à son Pm de lui présenter sa démission. «Démissionner» Abdoul Mbaye aurait été la façon la plus élégante de terminer un compagnonnage qui s’est voulu républicain. Mais, le Président a choisi la méthode forte, avec les compliments en fichier attaché. C’est une façon d’affirmer son autorité et d’impulser le changement.
Selon les mots du nouveau Pm, Aminata Touré, dite «Mimi», ce remaniement, 15 mois après l’arrivée de Macky au pouvoir traduit une volonté de d’accélérer les réformes. Dans ce changement, ses détracteurs trouveront des arguments contre lui. Reconnaître la nécessité d’accélérer, c’est admettre implicitement l’immobilisme, du moins la lenteur de la gouvernance de Macky et le flou qui entoure son programme politique. Macky Sall et son ex-premier ministre donnaient l’impression de deux co-pilotes installés dans le cockpit et tâtonnant pour trouver le bouton qui fait décoller l’avion.
Les tares du gouvernement Mbaye
Abdoul Mbaye a été un premier ministre par défaut. Sa nomination était intervenue après multiples consultations avortées. Il a été choisi pour sa neutralité politique, mais cet «avantage» s’est retourné contre lui. Son manque d’expérience politique s’est révélé être un handicap. La Primature est un poste hautement politique. Le duel épique Dia et Senghor plane encore sur cette institution. Pour peu le duo Pm-président tourne à un duel, à un bicéphalisme au sommet de l’Exécutif. Abdoul Mbaye n’a pas la lecture politique juste pour adopter la bonne posture. Il a choisi l’effacement pour ne pas disputer la scène politique à un chef d’Etat nouvellement installé. Du coup l’homme sensé impulser l’action du gouvernement a semblé trop effacé, voire dépassé par les évènements. Au point de susciter l’interrogation sur l’aptitude d’un ancien banquier à diriger un gouvernement. Son passé de banquier l’a en tout cas rattrapé au moment où s’ouvre l’instruction du procès d’un de ses plus célèbres clients : l’ancien dictateur tchadien Hissène Habré exilé au Sénégal.
Même s’il a survécu à une motion de censure de l’opposition, les jours du gouvernement Mbaye était comptés depuis le début. Au regard de ses tares congénitales, sa longévité paraît même surprenante. Il a survécu à plusieurs crises qui auraient pu lui être fatales : l’émeute des Thiantacounes, la crise à Rewmi , le scandale de la drogue dans la police.
Ce premier gouvernement de l’ère Macky était une équipe de transition. Sa composition avait pour souci de partager des strapontins entre vainqueurs au soir de la présidentielle de mars 2012. Le casting a alimenté les frustrations dans la mouvance présidentielle. Le président ne pouvait continuer d’ignorer les appels pressants de ses alliés de la première heure, la coalition Macky 2012, pour une redistribution plus équitable des portefeuilles.
Mimi pour relancer la machine
La nomination d’un nouveau Pm pour «accélérer les réformes» signifie pour le Président la prise de conscience de la fin l’état de grâce. Et l’urgence de hâter la cadence dans une mandature réduite à cinq ans. Il est logique que Macky Sall ait nommé Mimi Touré pour relancer la machine. C’est elle qui a montré les résultats les plus probants sur l’un des chantiers majeurs de Macky : la reddition des comptes de l’ancien régime.
Le choix de Mimi Touré sonne ainsi comme une prime à la traque des biens mal acquis. Macky Sall compte aussi sur la nature volontaire et combative de la dame pour dissiper cette entêtante impression d’immobilisme, qui empoisonne ses premiers moments de règne, traduite par la formule «Rewmi dafa Macky».
Pour gommer ce slogan devenu l’expression d’un ras-le-bol généralisé, Mimi Touré devra bien nouer son «moussor». Car à cette date, la politique de Sall n’impacte pas la réalité socio-économique du pays.
Les prévisions les plus optimistes tablent sur une croissance de 4% de l’économie sénégalaise. Le chemin est long, si l’on sait qu’il faut une croissance à deux chiffres sur une longe durée pour amorcer le décollage. Les Sénégalais dans leur majorité reste confronté à une dure pauvreté (Près de la moitié vivent au-dessus du seuil de pauvreté).
Le loyer exorbitant asphyxie les ménages. La maîtrise de l’inflation est aléatoire. Le chômage des jeunes reste massif, malgré les 5.000 postes ouverts à la Fonction publique. L’Adpeme a recensé près de 200 entreprises en crise. Les coupures d’électricité ont repris dans la banlieue dans un contexte social tendu par les inondations.
Co- rédacteur du Yonou Yokuté, le programme politique du candidat Macky Sall. Mimi Touré sait que, dans ses grandes lignes, ce document n’a pas dépassé le cap des bonnes intentions. Dès son investiture, Macky Sall a baissé l’impôt sur les salaires, injectant 29 milliards de pouvoir d’achat ; mais cette mesure a un impact symbolique dans une économie où 80% de biens de consommation sont importés. La couverture de santé universelle est encore un vœu pieu. Les bourses familiales promises au plus pauvres tardent à être versées. Au moment où Mimi Touré s’installe il y a en place les éléments d’un cocktail social détonant.
En tant que Pm, la mission de Mimi Touré est de transformer en succès la vision politique du chef de L’Etat. Or à l’image de son maitre, Wade, Macky Sall a donné une orientation Keynésienne à sa politique. Pour lui, c’est l’Etat qui doit soutenir l’activité économique par la politique de grands travaux, par la redistribution des revenus aux plus pauvres. Mimi Touré doit donc aujourd’hui prouver qu’elle ne sait pas seulement traquer des richesses mais aussi en produire.