MISES EN GARDE
Pour la réussite du Pse, la Banque mondiale estime que le Sénégal devra "prendre des décisions difficiles et adopter des changements radicaux"
L’institution de Bretton Woods soutient le Sénégal dans la mise en œuvre du Plan Sénégal émergent. Dans le souci de voir la réussite de ce programme, la banque s’appuie sur les leçons à tirer des politiques antérieures pour indiquer les obstacles à lever.
«Le Sénégal doit assurer une croissance beaucoup plus rapide afin de réduire de manière considérable la pauvreté. Les autorités le comprennent parfaitement, comme en témoigne le nouveau Plan Sénégal émergent et ses ambitieux objectifs de croissance. Toutefois, en vue d’atteindre ces objectifs, il sera nécessaire de prendre des décisions difficiles et d’adopter des changements radicaux.»
C’est la conclusion d’un document de la Banque mondiale, présenté hier en marge du point économique de la Direction de la prévision et des études économiques (Dpee) du Ministère de l’économie, des finances et du plan (Mefp).
Le document en question s’intitule «Apprendre du passé pour un avenir meilleur», et fait comprendre que des décisions drastiques et certainement impopulaires devraient être prises, si l’on veut sortir du cycle d’échecs et d’inefficacité qui a émaillé la décennie allant de 2005 à nos jours, au moment où l’on entre dans la mise en œuvre du Plan Sénégal émergent (Pse).
Ce fameux plan, rappelons-le, prévoit que le pays réalise des taux de croissance de l’ordre de 7% au minimum à partir de 2015, pour assurer le développement du pays. Cela impose bien sûr un accroissement des investissements dans plusieurs secteurs prioritaires, qui s’accompagnerait dans le même temps d’un contrôle strict des déficits.
Or, concernant ce dernier point, la remarque est que depuis un certain nombre d’années, le niveau de dépenses n’a pas tendance à se réduire. Ce qui risque de faire déraper le Pse.
Réaffecter les dépenses
Le pays a absolument besoin d’un accroissement des investissements privés, mais qui doivent être soutenus pour s’intéresser à des secteurs productifs, et ne pas servir uniquement à faciliter la consommation privée, comme le font les importants transferts internationaux d’argent. Le gouvernement a donc intérêt à établir un environnement des affaires qui puisse attirer l’investissement privé.
Et les réformes dans ce domaine doivent aller de pair avec un contrôle plus strict des dépenses budgétaires. Le document de la Banque mondiale estime qu’il faut réorienter la dépense publique. Car, assurent ses rédacteurs, «il est possible de procéder à une réaffectation entre les dépenses courantes et les dépenses en capital. Mais cela implique qu’il faille trouver des solutions à des questions sensibles telles que les avantages accordés à un certain groupe de fonctionnaires.
Au chapitre des dépenses en capital, l’amélioration de l’efficacité telles que la sélection et l’exécution de projets jouera certainement un rôle plus important que l’augmentation des niveaux d’investissements».
Il faudrait aussi s’intéresser à l’échelle des salaires, si l’on tient compte de ce que révèle le document : «Selon les estimations d’une évaluation plus récente et plus complète du Fmi, la masse salariale représenterait 9,3 % du Pib, et le salaire moyen par rapport au revenu moyen par tête était plus élevé au Sénégal que la moyenne en Afrique de l’Ouest.»
Le document ajoute par ailleurs que les enseignants contractuels représenteraient 40% de la masse salariale.
De plus, contrairement à ce qui est professé depuis un certain nombre d’années, la Banque mondiale ne considère pas que les partenariats publics-privés soient la panacée pour accroître l’investissement : «Récemment, l’accent a été mis sur les partenariats publics-privés et cela est à saluer.
Toutefois, cet élan est peut-être surestimé et court le risque de défendre un modèle de développement s’appuyant sur le secteur public.» L’institution de Bretton Woods préconise pour sa part plutôt d’appuyer le secteur privé en éliminant les lourdeurs qui freinent son développement comme la bureaucratie et la corruption, entre autres.
Secteurs à valeur ajoutée
Et le Sénégal devrait s’appuyer sur des secteurs qui ont fait sa force, sans pour autant négliger ceux qui permettent de créer le plus d’emplois.
«Les exportations doivent être stimulées par la suppression de certaines contraintes dans des secteurs clés tels que l’horticulture et l’exploitation minière. Les secteurs de la pêche et de l’arachide requièrent une attention beaucoup plus immédiate afin d’éviter un déclin qui pourrait sérieusement freiner l’économie.
Les services continuent à dominer l’économie et devront jouer un rôle central dans la croissance économique. Le secteur du tourisme reste la première source de devises, mais il a été négligé. Les Tic détiennent un potentiel de croissance très important, tandis que les services tels que l’éducation, la santé et le commerce peuvent contribuer aux exportations,
comme il a été d’ailleurs reconnu dans le Pse. L’agriculture, une activité relevant essentiellement du secteur privé, devra jouer un rôle important. Bien que sa part du Pib soit faible et qu’il soit possible qu’elle diminue, elle reste, pour la majorité des pauvres, la source de subsistance, avec un potentiel resté jusque-là sous-exploité.»
Le document fait une revue de la situation économique du pays ces dernières années, pour permettre de comprendre pourquoi le Sénégal a eu des résultats assez décevants dans ses politiques par rapport à la majorité de ses voisins membres de la même zone économique.
En se référant à cette base, le document a voulu proposer de nouvelles orientations. Et une partie importante de ce même document s’intéresse aux conséquences des changements climatiques dans le pays, domaine qui semble paradoxalement assez négligé dans les politiques publiques.