MISSION DIFFICILE
COTE D'IVOIRE : LES FORCES DE SÉCURITÉ INCAPABLES DE SÉCURISER LE NORD
Abidjan, 15 déc 2014 (AFP) - Les forces de sécurité sont incapables de sécuriser le Nord de la Côte d'Ivoire, où de multiples attaques, parfois mortelles, sont imputées aux anciens combattants de la crise politico-militaire, a affirmé l'ONG Human Rights Watch (HRW) lundi.
Les habitants et les voyageurs traversant le Nord sont "terrorisés par des hommes armés qui semblent agir sans grande crainte d'être arrêtés, encore moins traduits en justice", a déploré Corinne Dufka, directrice de la division Afrique de l'ouest de l'ONG.
"Beaucoup de gens sont traumatisés", a expliqué à l'AFP Felicity Thompson, l'auteur du rapport de HRW paru lundi, se souvenant avoir rencontré une femme "terrifiée" après une telle attaque. "Elle n'a pas pu quitter sa chambre d'hôtel. Elle a dû prendre des somnifères pour faire la route en sens inverse" en direction d'Abidjan, a-t-elle raconté.
Les chauffeurs de bus employés sur ces routes vivent de leur côté "dans la peur constante de se faire attaquer, ils l'attendent presque", a poursuivi Mme Thompson.
Les anciens combattants de la crise politico-militaire de 2002-2011, "largement soupçonnés d'être impliqués dans ces attaques" commises "à un rythme effréné", doivent impérativement être désarmés et jugés pour ces assauts, a insisté HRW.
Après une "légère amélioration" en 2013, la situation a "progressivement et considérablement empiré" en 2014, selon des habitants interrogés par HRW, qui font état d'attaques "quasi-quotidiennes" menées par des groupes armés de "kalachnikov, de pistolets et, dans certains cas, de lance-grenades".
L'ONG a dénombré au moins 4 morts et 20 blessés dans ces violences cette année. Un bilan vraisemblablement inférieur à la réalité, des récits d'attaques, parfois mortelles, étant très fréquemment rapportés dans la presse ivoirienne.
"J'ai entendu parler de beaucoup d'autres faits du genre", a déclaré Felicity Thompson, à qui des habitants ont confié que de tels troubles survenaient "un jour sur deux".
"De nombreuses victimes ont cessé de signaler les attaques en raison de l'absence de réponse" des forces de sécurité, pointe HRW. Celles-ci ont indiqué à l'ONG "manquer de ressources" pour mener des patrouilles "adéquates", répondre "rapidement" aux attaques et enquêter sur les crimes.
A un an de l'élection présidentielle d'octobre 2015, Abidjan se flatte régulièrement d'avoir obtenu de bons résultats au niveau sécuritaire. La Côte d'Ivoire a connu une décennie de crise politico-militaire entre 2002 et 2011.
Le pays était divisé entre un Nord tenu par une rébellion et un Sud contrôlé par les forces loyalistes à l'ancien chef de l'Etat Laurent Gbagbo. Des violences postélectorales, qui firent plus de 3.000 morts en 2010-2011, constituèrent l'épilogue de cette période de troubles.
La rébellion s'était ralliée au camp du président Ouattara lors de cette crise postélectorale. Si des milliers d'anciens rebelles ont depuis lors rejoint les forces de sécurité, de nombreux autres, sans travail ni affectation, n'ont toujours pas été désarmés.
L'autorité ivoirienne pour le désarmement, la démobilisation et la réinsertion (ADDR) affirmait fin octobre avoir réinséré "60% des 74.000 ex-combattants", soit plus de 44.000 personnes. Selon des experts, ces chiffres sont largement exagérés pour des raisons politiques.