MON DIEU, MON DIEU, ONT-ILS OUBLIÉ AÏDARA SYLLA EN PRISON ?
Il y a quelques jours de cela, nous avons rendu une visite en prison à Aïdara Sylla. L’homme nous est apparu serein et résigné à son sort. Il attend que les autorités de l’Etat daignent répondre à son offre de transaction avec l’Administration douanière. L’ancien député du Pds fut arrêté le 1er janvier 2013 à l’aéroport de Dakar, pour avoir détenu par devers lui une procuration spéciale de l’ancien président de la République Abdoulaye Wade, l’habilitant à agir en son nom dans des opérations de retraits bancaires.
Aïdara Sylla avait été également trouvé avec des moyens de paiements scripturaux pour une valeur de 6 millions de dollars à tirer sur des comptes appartenant à Abdoulaye Wade, ouverts à l’étranger, notamment à Dubaï. Ainsi, outre les délits de tentative de blanchiment d’argent, Aïdara Sylla avait été inculpé pour infraction à la législation douanière.
Son avocat, Me El hadji Amadou Sall, avait déjà fait une offre de transaction douanière au franc symbolique, estimant que ce serait une porte de sortie, étant donné ce qu’il considérait comme une vacuité du dossier judiciaire. Mais Aïdara Sylla a estimé que pour mettre toutes les chances de son côté en vue de recouvrer la liberté, il devait éviter de faire perdre la face à l’Etat.
Ainsi, a-t-il fait une autre proposition pour payer quelques sommes d’argent afin de pouvoir sortir de prison. Il faut souligner que la Douane sénégalaise avait été incapable de faire une offre de transaction à Aïdara Sylla, laissant à ce dernier la latitude de lui proposer un montant. Seulement, il ne se trouve aucune autorité pour répondre à l’offre. Ainsi, le pauvre continue de garder prison.
L’instruction judiciaire est au point mort, car après les auditions des témoins comme certains collaborateurs de Aïdara Sylla, ainsi que les anciens ministres Samuel Sarr et Madické Niang, qui faisaient partie de la liste des bénéficiaires de l’argent que Aïdara Sylla devrait distribuer après encaissement.
Le Doyen des juges de Dakar n’a plus d’actes à effectuer pour la manifestation de la vérité. Samuel Sarr et Madické Niang affirment que leurs parts de l’argent que devait distribuer l’ancien député libéral représentaient des remboursements de créances consenties à Abdoulaye Wade. Aucune somme d’argent n’a pu être saisie dans les comptes bancaires et les autorités de Dubaï ne manifestent aucune disposition à collaborer avec la justice sénégalaise dans ce dossier.
Comme on le sait (voir Le Quotidien du 30 décembre 2013), Abdoulaye Wade a fini de vider ses comptes bancaires en question. D’ailleurs, le Président Wade offre de faire un témoignage pour revendiquer la paternité de l’opération. L’absurde dans cette affaire est que celui qui apparaît comme un complice dort en prison alors que l’auteur principal ou le commanditaire, c’est selon, qui revendique urbi et orbi sa responsabilité dans l’affaire, reste le moins inquiété au monde.
Aïdara Sylla a toujours déclaré qu’entrepreneur en batiments de son état, il devait se faire payer sur l’argent pour les travaux qu’il conduisait sur des chantiers pour Abdoulaye Wade, à son domcile du quartier Point E à Dakar, à Touba et la réalisation de résidences à Ndiassane pour le Khalife de Ndiassane et pour l’ancien sénateur Ahmeth Bachir Kounta.
Cela fait une année, jour pour jour, que nous nous insurgions contre la détention de Aliou Aïdara Sylla. Dans une chronique en date du 7 janvier 2013, intitulée «Inculpez Wade ou libérez Aïdara Sylla», nous disions notamment : «La justice sénégalaise est partie pour commettre un véritable déni de justice. Aliou Aïdara Sylla risque d’être l’unique inculpé pour des faits de blanchiment d’argent. Dans cette nouvelle affaire, le procureur va requérir des poursuites contre Aliou Aïdara Sylla et contre X qui, pourtant, est déjà identifié dès l’enquête de police.
Aliou Aïdara Sylla est passé à table, expliquant que les deux chèques dont il était porteur au moment de son arrestation et d’un montant total de 6 millions de dollars américains, à tirer sur un compte de Abdoulaye Wade ouvert dans une banque à Dubaï, lui avaient été remis à Versailles par le même Abdoulaye Wade. Le donneur d’ordre lui a aussi précisé les modalités de répartition du magot. Alors c’est comme qui dirait, la ‘’mule’’ sera punie et le ‘’chargeur’’ pourtant identifié sera lui épargné.
Notre bon sens paysan refuse de comprendre cette façon de faire.» Aïdara Sylla vient de boucler une année de détention provisoire et est parti pour encore croupir en prison au moment où Abdoulaye Wade fait le tour du monde en toute liberté.
D’ailleurs, l’ancien Président Wade a mis à profit ses pérégrinations pour vider les comptes bancaires desquels devaient être tirés les titres de paiement saisis sur Aïdara Sylla. Ainsi, les documents bancaires sous scellés se révèlent être maintenant de vulgaires feuilles de papier.
Dans ces conditions, peut-on moralement continuer de garder Aïdara Sylla en prison ? Un juge d’instruction avait sur la table de son bureau une balance qui, comme on le sait, symbolise l’idéal de justice.
Mais la balance penchait lourdement d’un côté. Le juge s’échinait à redresser l’instrument de mesure pour que les deux plateaux soient au même niveau. De guerre lasse, il lâcha : «Les plateaux de ma balance sont comme ceux de la justice maintenant, peut-être que c’est un signe de Dieu…»