Mondial-2022: l'abolition de la "kafala" pourrait être retardée
L'abolition par le Qatar d'ici fin 2015 du système de parrainage appelé "kafala", qui met l'employé à la merci de son employeur, pourrait être retardée après de sérieuses réserves émises par le principal Conseil consultatif de l'émirat.
Mardi, le quotidien en langue arabe Al-Sharq a rapporté que ce conseil (Majlis al-Choura) avait estimé qu'un projet de loi réformant la législation du travail ne pouvait être adopté en l'état et qu'il nécessitait d'autres travaux.
Le président de ce Conseil consultatif, Mohamed ben Moubarak Al Khoulaifi, a affirmé qu'il n'était "pas nécessaire de se presser", selon Al-Sharq.
Des responsables gouvernementaux ont confirmé mardi que des consultations supplémentaires seraient entreprises sur les propositions sociales qui concernent des centaines de milliers de travailleurs étrangers au Qatar.
Dans ce contexte, l'échéance d'adoption avant la fin de l'année fixée par le ministre du Travail et des Affaires sociales pourrait être remise en cause.
En mai, le ministre Abdallah Saleh Moubarak al-Khlifi s'était déclaré certain à "90%" que le système de la "kafala", qualifié par ses détracteurs d'esclavage des temps modernes, serait remplacé par une nouvelle législation d'ici fin 2015.
Le Qatar, qui doit organiser le Mondial-2022 de football, est régulièrement critiqué par des syndicats et des organisations de défense des droits de l'Homme sur les conditions d'emploi et de travail des migrants sur de gigantesques projets d'infrastructure.
Le système de la "kafala" met les ouvriers étrangers à la merci d'employeurs en position d'empêcher leur départ du Qatar ou de changer d'emploi.
Le Conseil consultatif a indiqué qu'il souhaitait conserver une interdiction de deux ans pour la délivrance de nouveaux documents aux employés expatriés qui quittent le Qatar après l'annulation de leur visa de travail.
Toute nouvelle loi ne devrait pas permettre aux travailleurs étrangers de changer d'emploi plus de deux fois, a ajouté le Conseil.
Par ailleurs, a-t-il estimé, les travailleurs étrangers qui créeraient "délibérément" des problèmes à leurs employeurs ne devraient pas être autorisés à changer d'emploi.
Au contraire, a poursuivi le Conseil, ces employés devraient être obligés, en guise de compensation, à travailler avec le même employeur pour une durée deux fois supérieure à la durée du contrat, c'est-à-dire potentiellement 10 ans.
Il y a actuellement au Qatar 1,6 million de migrants, majoritairement d'Asie du sud, et ce chiffre devrait atteindre deux millions d'ici le Mondial-2022 de football.
Amnesty International a déclaré mardi qu'il y avait "de nombreuses surprises dans l'annonce" du Conseil consultatif.
"Ce sont des propositions très rétrogrades qui vont réduire davantage les droits des travailleurs migrants", a estimé Mustafa Qadri d'Amnesty.
"Il est temps que le Qatar montre du leadership et respecte les droits et la loi", a-t-il dit à l'AFP en déplorant que l'émirat aille "dans une direction totalement différente".
M. Qadri a averti que la question des réformes sociales n'allait "pas s'en aller" et que "l'attention mondiale" resterait sur le Qatar.
Tout retard dans l'abolition de la "kafala" risque de susciter de nouvelles critiques contre le petit mais richissime émirat gazier du Golfe, qui s'enorgueillit d'organiser le Mondial-2022 de football.
Depuis début juin, la Fifa est au coeur d'un scandale de corruption à l'échelle planétaire qui a rejailli sur les conditions d'attribution de la Coupe du monde à la Russie en 2018 et au Qatar en 202