MONDIAL: LA FOLLE HISTOIRE DE LA COUPE JULES-RIMET
Fabriquée en France, cachée des nazis, volée en Angleterre, retrouvée par un chien, disparue au Brésil, ressuscitée en Allemagne: la "Coupe Jules-Rimet", premier trophée du Mondial, du nom de son père fondateur français, a connu un destin digne des plus grands romans d'aventure.
C'est dans la mythologie grecque que se trouve son origine. Bien avant de donner son nom à un célèbre équipementier sportif américain, la divinité Niké inspira au sculpteur français Abel Lafleur, commandité par Rimet (président de la Fifa et créateur de la Coupe du monde), la conception de la Coupe en 1929.
Mesurant 35 centimètres de haut, pesant environ 3,8 kg, la statuette représentait la "déesse de la victoire" tenant sous ses ailes un calice octogonal. Faite d'argent fin et de plaqué or, elle reposait sur un socle en lapis-lazuli.
Son premier périple, en bateau, la conduisit de Villefranche-sur-Mer jusqu'à Montevideo, capitale de l'Uruguay où se déroula le premier Mondial de l'histoire en 1930. Et le premier joueur à la soulever en signe de victoire fut l'Uruguayen José Nasazzi, après le succès de la Celeste contre l'Argentine (4-2) en finale.
Au total, seulement 8 autres capitaines eurent cet insigne honneur jusqu'en 1970. Une fois pourtant "la déesse de la victoire" subit l'affront de devoir passer au second plan derrière un autre trophée.
La scène se produisit à Rome en 1934, lorsque l'Italien Gianpiero Gambi se vit remettre par Benito Mussolini une seconde coupe, plus volumineuse qu'elle. Le symbole fut suffisamment fort pour montrer que le Duce était le vrai vainqueur de ce Mondial resté malgré lui comme un outil de propagande du fascisme.
Demeurant en Italie après son deuxième sacre d'affilée en 1938, "Victoire", telle qu'on la surnomma également, échappa en revanche aux mains nazies. Elle dut son salut à Ottorino Barassi, vice-président de la Fifa, qui la cacha dans une boîte à chaussure sous son lit durant la Seconde guerre mondiale.
Propriété du Brésil
Ce fut la seule fois où elle fut dissimulée pour son bien. Car la statuette, rebaptisée "Coupe Jules-Rimet" en 1946 en hommage au Français père-fondateur du Mondial, ne cessa jamais d'être l'objet de toutes les convoitises et notamment les plus crapuleuses.
Ainsi, exposée au public à Londres, elle fut dérobée le 20 mars 1966, soit quatre mois à peine avant le Mondial organisé par l'Angleterre. Shocking! Scotland Yard fut immédiatement mis sur l'affaire, mais c'est un chien nommé Pickles qui la dénicha une semaine plus tard dans un bosquet, au sud de la ville.
Promise à une retraite heureuse au Brésil dès 1970, après que la Seleçao se la vit remettre définitivement par la Fifa en vertu de son troisième sacre remporté au Mexique contre l'Italie (4-1), la statuette connut en réalité une triste fin treize ans plus tard.
Le 19 décembre 1983 devait être un jour de fierté pour le Brésil, il fut un jour de honte. Exposé au siège de la Fédération brésilienne de football (CBF), le trophée fut volé par quatre hommes plus malins, qui, face à la vitre blindée de son armoire, en forcèrent le fond au pied de biche.
Pendant les quelques mois qui ont suivi la disparition de la coupe, tout le pays retint son souffle. Même le Roi Pelé implora les ravisseurs de la rendre. Las, elle ne fut jamais retrouvée et l'or qui la composait en partie aurait, dit-on, été fondu.
Face à ce funeste sort, la CBF commanda, avec l'accord de la Fifa, une réplique du trophée à la société Kodak, qui ne faisait pas que dans la photographie et alla jusqu'à Francfort pour recréer le précieux objet à partir de moules que l'Allemagne en avait faits après sa victoire au Mondial-1954.
C'est le 10 juin 1984, après une tournée triomphale au pays, que la coupe Jules-Rimet, deuxième du nom, plus légère que l'originale (1,8 kg) mais essentiellement faite en or massif, prit la place de sa grande soeur au siège de la CBF. Au dernières nouvelles, elle trône toujours dans une de ses vitrines.