MORTIFÈRE FOOTBALL !
Nous y sommes donc ! Comme tous les quatre ans, les agendas sont réadaptés et réaménagés en fonction du calendrier des matches de la Coupe du monde de football.
Pas question pour les mordus de football de ne pas savourer ces moments ou de ne pas chercher à l’imposer aux autres. Personne n’a plus d’yeux et d’oreilles que pour les footballeurs dont les équipes se sont qualifiées pour le Mondial au pays de la Samba, le Brésil.
Mais on aurait bien aimé avoir la réponse à la question suivante : où sont passés les centaines, voire milliers de Brésiliens qui manifestaient depuis près d’un an contre l’organisation de cette grande fête du ballon rond ? Ils auraient souhaité autant d’énergie à résoudre les problèmes d’éducation, de santé, de transport, entre autres questions sociales.
Il y a eu une grève des travailleurs du métro à Sao Paulo. La présidente Dilma Roussef a été sifflée lors de la cérémonie d’ouverture. Et puis, plus rien ! Dès que le coup d’envoi du match Brésil-Croatie a été donné, silence radio du côté de ceux qui ont été bien naïfs de penser qu’ils pouvaient avoir gain de cause pendant cet événement suivi par des milliards de personnes à travers le monde.
Les lobbies médiatiques et financiers qui portent le sport en général, et le Mondial de football en particulier, sont bien trop puissants pour que des manifestants – si déterminés soient-ils – les empêchent de dérouler leur programme.
De fait, les autorités brésiliennes et celles de la Fédération internationale de football Association (FIFA) – et bien des observateurs lucides avec eux – savaient que ces protestations allaient s’essouffler au coup d’envoi de ce méga-match qu’est le Mondial de football. Que les médias qui vont s’intéresser à leurs casseroles auront très peu d’écho. Qui plus est au Brésil.
Ce n’est quand même pas dans ce pays où, pendant la Coupe du monde, on organise des messes spéciales pour l’équipe nationale, que des ... ... vont empêcher le ballon de rouler sur des pelouses pour lesquelles des milliards de dollars ont été dépensés.
Non ! En 1950, après la défaite de la sélection nationale en finale face à l’Uruguay, les Brésiliens en ont voulu jusqu’à sa mort au gardien de but Barbosa, coupable selon eux d’avoir laissé les attaquants uruguayens marquer. C’est dans une déchéance indicible qu’il a fini ses jours.
Ils peuvent dont crier, casser, hurler, affronter les forces de sécurité, pour tenter de faire passer le football après l’éducation, la santé et le prix dans les transports. Rien ni personne ne donnera suite à leurs revendications.
Du moins pendant tout le temps que durera la Coupe du monde. Il en sera ainsi aussi de la suite des débats des pots-de-vin, supposés ou réels, versés à des dirigeants du football pour que le Qatar obtienne l’organisation de la Coupe du monde en 2022.
Dans sa théorie critique du sport, le sociologue et anthropologue français Jean-Marie Brohm ne cesse de souligner le caractère mortifère du sport qui a, par on ne sait quelle magie, cette capacité à tuer toute velléité de contestation de sa suprématie.
Avec la Coupe du monde de football, on a tous les quatre ans la confirmation de cette position. C’est à se demander d’ailleurs si les fanas de football eux-mêmes ne se sentent pas soûlés à un moment par cette overdose médiatique. Mais il ne faut surtout pas le dire !