NECROLOGIE : UN ICONOCLASTE S'EN EST ALLE !

Doudou Ndiaye Coumba Rose est décédé hier, mercredi 19 août, à l'âge de 85 ans, après avoir accompagné la veille, à sa dernière demeure, au cimetière musulman de Yoff, son ami Vieux Sing Faye. Et cela, quelques semaines après avoir fêté son anniversaire à la résidence de l'ambassadeur du Japon, dans le hall du Grand Théâtre sur invitation de l'ambassadeur des Etats-Unis et dans les jardins de l'Hôtel de Ville de Dakar, en présence du maire Khalifa Sall. Douchées par une grande déception, ces festivités avaient cependant un petit goût amer, celui qui nait des frustrations et des attentes déçues.
Doudou Ndiaye Coumba Rose est décédé hier, mercredi 19 août, à l'âge de 85 ans, après avoir accompagné la veille, à sa dernière demeure, au cimetière musulman de Yoff, son ami Vieux Sing Faye. Et cela, quelques semaines après avoir fêté son anniversaire à la résidence de l'ambassadeur du Japon, dans le hall du Grand Théâtre sur invitation de l'ambassadeur des Etats-Unis et dans les jardins de l'Hôtel de Ville de Dakar, en présence du maire Khalifa Sall.
Douchées par une grande déception, ces festivités avaient cependant un petit goût amer, celui qui nait des frustrations et des attentes déçues. Le militant socialiste qu'il n'avait cessé d'être n'avait pu cacher son malaise, celui de n'être point prophète dans son pays. Il était en effet célébré par les ambassades du Japon et des Etats-Unis à Dakar, ce qui rendait encore plus bavards l'absence et le silence des officiels de son pays.
A l'occasion de ces derniers concerts publics, il y avait un de ses fans, un adepte américain qui codirigeait l'orchestre aux sons des tam-tams, des batteries et cymbales occidentales, dans une gestuelle et une posture qui transpiraient l'influence du Maître. Une Japonaise, une Française, des jeunes Sénégalais et Africains qui dansaient de façon endiablée aux sons des tams-tams de manière absolument époustouflante, le rythme injecté dans le corps. Un monde polyglotte qui disait l'immense notoriété internationale de l'enfant de la Médina en même temps que sa curiosité, son ouverture et sa soif d'innovation.
Qui ne se souvient de Doudou Ndiaye Rose adulé au Japon, pays dans lequel il s'était rendu plusieurs fois avec son orchestre ? Il s'était aussi produit avec des musiciens prestigieux comme Dizzy Gillespie, Miles Davis, les Rolling Stones et autre Peter Gabriel. En 1989, il avait défilé sur les Champs Elysées perché sur un char pendant le Bicentenaire de la Révolution française. Il s'était aussi particulièrement illustré dans "Dadje", l'opus transgénérationnel produit par Henri Guillabert.
A 87 ans, avec cet âge qui avançait et qui biologiquement s'entend, lui faisait prendre conscience que la mort n'allait pas tarder à frapper à sa porte, il semblait non pas se préoccuper de son héritage, car elle était là bien vivante avec ses enfants et petits enfants qui battaient le tam-tam dans son orchestre ou qui dans un coin du monde avait créé des écoles de percussions, mais plutôt de reconnaissance par les siens. Aussi comme pour secouer les autorités et les sortir de leur torpeur, s'était-il ému de cette situation et n'avait-il eu de cesse de répéter ces derniers temps qu'il souhaitait être célébré de son vivant, dans la chaleur bouillonnante et pétillante de la vie et qu'il n'était guère emballé par des hommages post-mortem dont les Sénégalais semblent si friands.
Etait-ce une boutade ? Une dernière volonté ?
En tout état de cause, Doudou Ndiaye Rose, ce virtuose de la percussion aura marqué de son empreinte la scène musicale sénégalaise en se faisant remarquer au Stade de l'Amitié, le 4 avril 1960, jour de l'indépendance, en jouant devant le président Léopold Sédar Senghor, accompagné de 110 joueurs de tam-tams.
Il y a aussi qu'il aura été iconoclaste jusqu'au bout. Non content de diriger ses enfants, de battre le tam-tam et de sautiller du haut de ses 85 ans, on retiendra de ce Tambour-major qu'il aura sorti le tam-tam du confinement infamant des castes dans lequel il se trouvait enfermé. En plus d'avoir incité les femmes, ses fameuses Rosettes, baguettes à la main, à aller à l'assaut du tam-tam naguère exclusivement réservé à la gent masculine. Avec Germaine Acogny, il aura révolutionné en l'africanisant, le rythme des Majorettes lors de la fête de l'indépendance. Avec le catholique Julien Jouga, le musulman Doudou Ndiaye Rose s'était impliqué dans le chant choral. Il avait aussi composé la musique du film Karmen Geï, du cinéaste Joseph Gaï Ramaka. Au-delà d'avoir porté les percussions à un niveau insoupçonné, Doudou Ndiaye Coumba Rose aura ainsi contribué à bousculer certains tabous, sans compter sa touche, son souffle si caractéristiques.
Il aura surtout compris que : "Jouer de la musique c'est non seulement ne pas rajouter à la brutalité du monde, mais l'adoucir par un sentiment purifié et porté à incandescence" (In Dahij. Felwine Sarr)
Aujourd'hui, en ce jour de son enterrement, sûr que Doudou Ndiaye Coumba Rose sera célébré cette fois-ci par les siens, puisque la mort a cette fascinante possibilité de plonger dans l'émotion et dans l'émoi, en faisant prendre conscience de l'absence.