Ngouille Ndiaye fait sauter le verrou
DEUX DÉPÔTS FERMÉS PAR KARIM WADE ONT ÉTÉ RÉ-OUVERTS
Après un audit sécuritaire et environnemental effectué par les ministères de l’Intérieur et de l’Environnement, Aly Ngouille Ndiaye, ministre de l’Energie et des mines a pris la décision de la réouverture des dépôts terrestres BAD (Shell devenue Vivo Energy) et DOT (Dakar Océan Terminal) (Libya Oil) sis à Bel-Air. « Fermés » en septembre 2011 par Karim Wade, alors en charge du secteur, la décision de fermeture avait été prise par son prédécesseur Samuel Sarr par arrêté ministériel.
C’est l’argument sécuritaire et environnemental qui avait officiellement motivé la décision de fermeture, en septembre 2011, des dépôts d’hydrocarbures BAD (Bel air Dakar) exploité par Shelle devenue Vivo Energy) et DOT (Dakar Océan Terminal) exploité par Oil Libya, sis à Bel-Air et dotés respectivement de 45 000m3 et 55 000m3. En fait de fermeture, il s’agissait en réalité d’une décision ministérielle à travers l’arrêté n° 06654 du juillet 2010 signé par Samuel Sarr alors ministre de l’Energie, demandant que « Les hydrocarbures liquides issus de l’activité de raffinage soient exclusivement stockés dans les installations de Senstock SA ». Le ministère de l’Energie n’ayant pas la prérogative de faire fermer les dépôts, par ledit arrêté, il faisait ainsi obligation à la Sar de ne plus passer par les dépôts en question. Sans compter que, le 6 août 2010, l’Etat a sorti un arrêté interministériel MEF/ME/MC (n°06533) qui multiplie par deux les frais de passage dans les dépôts passant ainsi de 3 FCfa/litre à 6 FCfa /litre.
Toujours est-il que, quasiment privés d’activités, DOT et BAD tournaient alors avec le stock et, à son arrivée dans le département, Karim Wade avait maintenu le statu quo avant de confirmer la mesure, en arguant de « problèmes de sécurité et d’environnement » relativement aux deux dépôts, en y ajoutant même le retrait des actions de l'Etat dans Senstock pour les céder, à l’oeil, à Diprom de Mbacké Sèye qui en est devenu l'actionnaire majoritaire.
La mesure n’avait pas manqué de soulever l’ire sur fond de désarroi des centaines de travailleurs regroupés autour du syndicat Sntpgas(Syndicat national des travailleurs du pétrole, gaz et affiliés du Sénégal ) qui avait ainsi lancé le mouvement « Touche pas à mon dépôt ». D’autant plus que, par cette décision, l’Etat faisait du dépôt privé de Senstock, le point de stockage et de chargement unique des produits pétroliers destinés à la consommation. Un monopole de stockage qui ne dit pas son nom et qui est ainsi octroyé à Senstock, en plus de celui de l'importation de gaz butane que ses capacités de stockage lui font profiter.
L’histoire retiendra en tout cas qu’au départ, ce sont tous les dépôts terrestres qui étaient concernés par la mesure de fermeture et que finalement, les dépôts de SPP (produits blanc, produits noirs) appartenant à TOTAL n’étaient plus concernés par la mesure de fermeture mais plutôt intégrés dans les capacités de Senstock.
Oui, mais il faut « arrêter »
L’un dans l’autre, les deux mesures avaient eu l’effet de rendre inactifs les dits dépôts qui ne recevaient plus une goute de produit parce qu’interdits formellement d’entreposer dans leurs dépôts et cela depuis maintenant plus de deux ans, mettant ainsi sur le carreau quelque 200 emplois directs.
Voici que l’actuel ministre en charge de l’Energie, plusieurs fois saisi par le collectif des travailleurs du pétrole qui avaient brandi la loi de libre concurrence et dénoncé la réduction (95 000 m3) de la capacité de stockage du pays, a mis le nez dans le dossier et commandité un audit sécuritaire et environnemental effectué par les ministères de l’Intérieur et de l’Environnement. Les risques associés aux activités du dépôt étant clairement identifiés et maintenus sous contrôle, les conclusions de l’audit ne relevant « aucun problème sécuritaire et environnemental » relativement aux installations des dépôts DOT et BAD, le ministre de l’Energie, Aly Ngouille Ndiaye, en mars dernier, donne un quitus provisoire de levée de la mesure et confirme par lettre, en avril 2013.
Il est vrai que la concentration des capacités de stockage du pays en un seul point de la capitale, présente plus de risques quand-bien même il afficherait théoriquement la plus grande capacité (167 000 m3) de la sous-région. Il faudrait en outre se demander si aujourd’hui, avec les seules capacités de Senstock sont en mesure d’assurer le stock de sécurité national. Au cas échéant, il est même délirant que les stocks stratégiques d’un pays soient logés à un seul endroit.
Quant aux dépôts BAD et DOT qui consacreraient annuellement plus de trois milliards de francs (3 000 000 000 FCFA) de dépenses en investissement, maintenance et entretien, en temps normal, leur fermeture prive le pays de quelque 95 000 m3 de produits.
Ces arguments objectifs ont sans doute pesé sur la balance du ministre de l’Energie qui, cependant, ne devrait pas se contenter de décréter la reprise des activités des dépôts d’hydrocarbures. Un arrêté dans ce sens devrait certainement suivre afin de permettre à la SAR de reprendre les chemins de DOT et BAD.