NGUGI WA THIONG’O, ENCORE RECALE
PRIX NOBEL DE LITTERATURE
Au début du mois d’octobre dernier, les supputations sont allées bon train sur la nomination de l’auteur kenyan, Ngugi Wa Thiong’o, au prix Nobel de littérature 2013. En ligne, des paris ont même été lancés sur celui qui serait devenu le 6ème Prix Nobel de Littérature africain après le Nigérian Wole Soyinka (1986), l’Égyptien Naguib Mahfouz (1988), les Sud-Africains Nadine Gordimer (1991), J.M. Coetzee (2003) et le Franco-Mauricien J.M.G. Le Clézio (2008).
Déjà pressenti en 2010 pour le Prix Nobel de Littérature Ngugi Wa Thiong’o n'aura pas cette fois encore emporté l’adhésion du jury pour l'édition 2013. En tout cas, une telle distinction aurait été une consécration pour un auteur prolixe et engagé. S’il n’a pas publié d’œuvres majeures depuis près de 10 ans, il reste que Ngugi participe activement à la réflexion sur les enjeux politiques, culturels et sociaux du développement du continent, à travers diverses tribunes en Afrique et en Occident.
L’œuvre de Ngugi composée de nombreux romans, essais, nouvelles et pièces de théâtre, donne à lire une vision africaniste des transformations sociales à l’échelle du Kenya où la violence, la domination culturelle, les inégalités sociales sont symptomatiques des nombreuses tensions qui minent le continent. Les prises de position de l’auteur, tour à tour contre l’administration coloniale et les régimes du Kenya indépendant, lui ont valu de longues d’années de prison, d’exil et de violentes attaques physiques.
Les premières publications de Ngugi en langue anglaise dénoncent les travers de la colonisation, notamment les rapports pervers de domination et d’exploitation entre l’Empire et les populations autochtones. Aussi, les années 60 ont-elles vu la publication de ses romans majeurs: "Weep Not Child" (1964), "The river between" et "Petals of Blood". Ils seront traduits en français, respectivement sous les titres : « Enfant, ne pleure pas », « La Rivière de Vie » et « Pétales de Sang ».
Son roman le plus connu par les lecteurs francophones reste "Et le Blé jaillira", parue en 1967 sous le titre "A Grain of Wheat". Depuis près de 30 ans, Ngugi a entrepris un autre combat, celui de la décolonisation de l’esprit qu’il théorise dans son essai "Décoloniser l’esprit" paru en 1986. Il y plaide pour l’enseignement et la promotion des langues maternelles africaines.
Pour Ngugi, écrire dans une langue occidentale équivaut à contribuer à l’expansion de celle-ci. En revanche, une écriture en langues maternelles met en lumière les représentations et cultures africaines et peut permettre de toucher les masses populaires.
Dans cette optique, il troque son prénom anglais contre un patronyme kikuyu et publie en 1979 "Ngaahika Ndeenda", (« Je me marierai quand je voudrai »). Traduite par la suite en anglais, la pièce de théâtre dénonce les dérives autoritaires du régime de Jomo Kenyatta.
C’est en prison, sur du papier toilette qu’il écrit en 1981 un premier roman dans la même langue, "Caitani Mutharabaini" (Le Diable sur la croix).
Ngugi Wa Thiong’o est né James Ngugi, en 1938, dans une famille nombreuse de paysans. Journaliste et professeur émérite d’anglais et de littérature comparée à l’Université de Californie à Irvine, aux Etats-Unis, il a reçu de nombreuses distinctions, notamment le prix international Nonino pour la littérature et près de sept doctorats honoraires.