NIGERIA : LES QUATRE DOSSIERS BRÛLANTS DU NOUVEAU PRÉSIDENT
Lagos, 26 mai 2015 (AFP) - Le président élu du Nigeria, Muhammadu Buhari, qui prend vendredi les rênes du pays le plus peuplé d'Afrique, a une longue liste de priorités à traiter après avoir fait campagne sur le thème du changement. Voici quatre dossiers urgents qui l'attendent:
- Corruption -
M. Buhari, 72 ans, célèbre pour avoir mené une "guerre contre l'indiscipline" lors de son court passage au pouvoir à la tête d'une junte militaire entre décembre 1983 et août 1985, a fait de la lutte contre la corruption un de ses chevaux de bataille pendant la campagne.
La compagnie pétrolière nationale, connue pour sa grande opacité, devrait faire l'objet d'un nettoyage particulièrement minutieux.
Selon les experts, M. Buhari, qui a promis de se prêter personnellement au jeu de la transparence, devrait donner plus de pouvoir aux agences anti-corruption existantes.
Le Congrès progressiste (APC) de M. Buhari affirme pouvoir économiser jusqu'à trois mille milliards de nairas (13 milliards d'euros) moyennant une meilleure gestion des fonds publics, dans un pays rongé par la corruption à tous les niveaux.
Au lendemain de sa victoire, M. Buhari a cependant assuré au président sortant Goodluck Jonathan qu'il n'avait "rien à craindre" et qu'il n'y aurait pas de chasse aux sorcières contre l'administration sortante.
- Sécurité -
Le bilan de M. Jonathan reste marqué par la montée en puissance de Boko Haram. L'insurrection et sa répression ont fait plus de 15.000 morts et plus d'un million et demi de déplacés en six ans.
Depuis le lancement en février d'une opération militaire à laquelle participent les pays voisins, le groupe islamiste a connu des revers majeurs dans le nord-est du Nigeria.
Mais des attentats sporadiques sont toujours à craindre, et des cellules islamistes pourraient s'être regroupées dans les pays alentour. En tant que général retraité, M. Buhari est vu comme celui qui pourrait mener à bien des réformes pour remonter le moral des troupes, et s'attaquer à la corruption au sein de l'armée afin que les soldats soient payés et équipés correctement.
Le nouveau président devra aussi développer le Nord, sa région d'origine, où la pauvreté et le fort taux de chômage servent de terreau à l'extrémisme.
Sur le plan sécuritaire, il devra aussi surveiller la région pétrolière du delta du Niger, dans le Sud: d'anciens rebelles, réclamant une meilleure redistribution des bénéfices de l'or noir, pourraient y reprendre les armes, alors que le programme d'amnistie qu'ils ont signé prend fin cette année.
- Chômage -
Au Nigeria, qui compte plus de 170 millions d'habitants, le taux de chômage atteint près de 30% malgré une croissance économique importante ces dernières années.
La ministre des Finances sortante, Ngozi Okonjo-Iweala, a reconnu en 2013 que les retombées de la croissance devaient être partagées de façon plus équitable. Selon l'APC, quelques 110 millions de personnes vivent toujours sous le seuil de pauvreté.
M. Buhari a promis d'engager de grands travaux, avec notamment la construction de chemins de fer, de routes et de ports, et la réhabilitation des infrastructures existantes, en mauvais état.
Mais ce type de programme risque d'être repoussé à cause d'un manque de fonds, le Nigeria ayant été frappé de plein fouet par la chute mondiale des cours du pétrole, une ressource qui représente 90% de ses réserves en devises.
La diversification de l'économie est une étape indispensable si le pays veut créer de l'emploi, disent les experts.
- Energie -
Le gouvernement nigérian a déclaré le 22 mai produire seulement 1.327 mégawatts d'électricité, un des chiffres les plus bas de l'histoire du pays, même si l'on remonte à l'ère Buhari, en 1983-1985.
L'APC a promis de produire 12.000 mégawatts d'ici 2019, un pari qui semble audacieux, dans un pays privé de courant pendant plusieurs semaines d'affilée.
Le nouveau chef de l'Etat devrait décentraliser, déréguler et privatiser ce secteur. Le secteur pétrolier va devoir faire l'objet de réformes lui aussi: on s'attend notamment à ce que M. Buhari remette les raffineries en ordre de marche afin que le premier producteur de pétrole du continent ne cesse d'importer la quasi-totalité de sa consommation de carburant.