NON AU PARRICIDE
Babacar Gaye, porte-parole du Pds, à propos de la bataille pour la succession de Wade
On s’achemine vers un terrible duel fratricide au sein du Parti démocratique sénégalais (Pds), où certains pontes qui ont déclaré la guerre au «pape du Sopi» ont commencé à subir les foudres de ce dernier. Babacar Gaye, porte-parole du parti libéral, avertit les insurgés : «Succéder à Wade est une ambition légitime, mais le parricide est inacceptable. Le front des loyalistes fera face».
Lors de sa dernière réunion, le Comité directeur du Pds a rappelé à l'ordre les militants qui font preuve d'indiscipline. Est-ce à dire que l'autorité de Me Wade est, aujourd'hui, bafouée au sein du parti libéral?
Je considère que toute attitude allant dans le sens de remettre en cause les décisions des instances régulières du Pds s'inscrit dans une dynamique inavouée de saper l'autorité de Me Abdoulaye Wade. Les instigateurs ou bénéficiaires de cette indiscipline en sont totalement responsables. Et c'est dommage que ceux qui ont le plus joui de la mansuétude du Secrétaire général national du Pds sont en première ligne de ce reniement qui s'enveloppe du manteau de la lutte pour la libération des détenus politiques. La loyauté voudrait que Me Wade soit soutenu et encadré pendant ces moments de souffrances. Le lion ferme l'œil sans somnoler. C'est une erreur que de penser le contraire. L'essentiel du Pds a décidé de l'accompagner, jusqu'après la reconstruction et la reprise du pouvoir qui passe forcément par la prochaine élection présidentielle. Toute autre attitude serait considérée comme de la trahison par les militants. Succéder à Me Wade est une ambition légitime, mais le parricide est inacceptable. Le front des loyalistes fera face.
Où est-ce que vous en êtes dans votre combat pour la libération de vos frères et sœurs de parti incarcérés ?
C'est un combat qui poursuit son bonhomme de chemin, sans négliger la voie judiciaire qui est dans une belle perspective de victoire, si l'on tient compte de la faiblesse de l'arrêt de la Cour de répression de l'enrichissement illicite (Crei). Au demeurant, le pouvoir d'en face fait tout pour neutraliser les forces de lutte de notre parti en jetant en prison injustement les têtes de ponts de ce combat. Les prochains jours seront déterminants pour la libération des détenus politiques.
On va inéluctablement vers une recomposition politique. Quel rôle devrait jouer, selon vous, le Pds, dans cette recomposition ?
Le Pds jouera sa partition qui ne peut être que centrale, compte tenu de sa position et de son influence. La coalition «Benno bokk Yakaar» (Bby) va imploser et la famille libérale va se reconstituer. C'est inscrit dans les faits. Il appartient aux uns et aux autres d'en avoir une lecture claire et précise. Pour notre part, nous sommes ouverts à toute solution qui tient compte de la clarification du jeu politique et la sauvegarde des valeurs de libéralisme social qui sont les mieux partagées dans l'échiquier politique. Notre rôle sera celui du creuset naturel de la reconstruction de la famille libérale. Mais nous restons réalistes.
Quel commentaire faites-vous de la décision du chef de l'Etat d'envoyer 2100 soldats en Arabie Saoudite, dans le cadre de l’opération «Tempête décisive» ?
D'abord, que la déclaration de guerre est autorisée par l’Assemblée nationale, en vertu de l'article 70 de la Constitution. Or, dans cette affaire, ni les Nations-unies par une résolution, ni le régime régulier du Yémen, n'ont sollicité le Sénégal dans le cadre du rétablissement de l'ordre constitutionnel ou le maintien de l'ordre dans le cadre de la légalité internationale. Le président de la République aurait dû en faire un débat national et rechercher un large consensus de la classe politique et de la société civile avant de décider, même si en dernier ressort, la Constitution lui donne la plénitude de l'initiative. Quand il décide seul, il se trompera seul et assumera seul les conséquences qui pourraient découler d'une erreur d'appréciation. Compte tenu de la nature du conflit qui implique des tribus yéménites, le Sénégal devait faire montre de plus de prudence avant de s'impliquer dans ce bourbier. Quelles que soient les bonnes relations diplomatiques que le Sénégal entretient avec le Royaume wahabite d'Arabie Saoudite, le bon sens recommande mesure et sérénité. Qui plus est, des conflits beaucoup plus proches qui nous concernent plus dans le cadre de la Cedeao n'ont pu nous intéresser. Je fais allusion au Mali avec Aqmi et le Nigeria avec Boko Aram. Les risques de représailles sont évidents, d'autant que l'Iran et les organisations islamistes d'obédience chiite sont opposés à toute forme d'intervention de l'Arabie Saoudite ou de la coalition formée autour de la cause sunnite qui se joue dans la sous-région.
Donc, nos soldats n’ont rien à faire en Arabie Saoudite …
Qu'est-ce que le Sénégal gagne au plan diplomatique, sécuritaire et financier dans ce choix inopportun ? Des pétrodollars? Une influence géostratégique? L'affirmation d'un égo surdimensionné ? Rien de cela ne vaut la vie de nos soldats qui seront forcément exposés, alors que des pays comme les États-Unis, le Pakistan, n'ont pas accepté d'envoyer des hommes sur le terrain des opérations. Le Parti démocratique est opposé à l'envoi des troupes au Yémen, sans un consens national sur la question, et condamne la démarche unilatérale du Président Sall et de son gouvernement.