NOS CHERS MARABOUTS NE PARLENT PLUS DE DIEU
Mine de rien, ça commence à faire un …sacré bout de temps que je cherche désespérément la déclaration d’un marabout qui me parlerait de Dieu. Surtout que ces derniers temps, en plus, chacun y va de sa sortie dans la presse, alors, forcément, j’additionne les fausses joies. Par exemple, lorsque je découvre l’ire du porte-parole du khalife des mourides, serigne Bass Abdou Khadre, qui en a manifestement contre l’actuel locataire du Palais de l’avenue Léopold Sédar Senghor, auquel il remonte les bretelles pour cause de promesses non tenues. Le pouvoir actuel leur manque de considération, s’exaspère-t-il. Et il n’est pas le seul à s’énerver contre Sa Rondeur Macky Quatre et sa cour de «communistes ennemis de l’islam». A croire qu’on les prend vraiment pour des …citoyens ordinaires. Sacrilège ! C’est sûr, le Père One Man Chauve leur manque. Ah, nostalgie, quand tu nous tiens…
Il est très fâché, serigne Bass Abdou Khadre, le porte-parole du khalife de Touba, et ne s’en cache pas. Mieux, il se répand dans les colonnes de la presse afin que nul n’en ignore et surtout pas Sa Rondeur. Ils veulent plus de considération de la part du Palais. Avoir plus de respect pour Touba, se traduit, on s’en doute, entre autres doléances et sujets qui fâchent, par un Magal devenu jour férié, chômé et payé. Mieux, à la même période, il se distille dans la presse que le khalife des mourides, soi-même, envoie un festin de roi à Karim Wade en prison. Traduction courte : la superstar de Rebeuss a le soutien de toute la communauté et ne saurait rester en prison plus longtemps sans que cela ne passe pour une injustice, que dis-je, un défi à la communauté mouride. Pensez donc, le khalife des mourides peut-il envoyer ce signal fort concernant Karim Wade si ce dont on l’accuse est prouvé ? Pour enfoncer le clou, le lundi 28 octobre 2013, alors que Mimi Touré présente sa déclaration de politique générale aux députés, serigne Bass Abdou Khadre, toujours lui, décidément un hyperactif, remet à des émissaires de Karim Wade venus leur dire merci pour le récent «berndel» un boubou et un Coran. L’ennemi de mon ennemi est mon ami ? Et dire que 2017 est si vite arrivé…
Serigne Bass et «une forte délégation» sont pourtant reçus au Palais, le 11 septembre passé, pour s’entendre dire par Sa Rondeur Macky Quatre que les travaux des chantiers de Touba, estimés à 209 milliards Cfa, iront jusqu’à leur terme. Et Macky-chéri-Marième-Faye de claironner : «je ferai pour Touba plus que Wade» (C’est sûr, goor yomboul). On est heureux pour moins que ça, non ? Etre reçus par le président de la République qui réaffirme son allégeance à la famille et promet plus que de raison… Que se passe-t-il (ou se dit-il) vraiment lors de cette audience pour que moins de deux mois plus tard, les déclarations en provenance de Touba concernant le pouvoir n’illustrent pas, comme annoncé dans les journaux bien pensant, «le raffermissement des liens entre Touba et le Palais» ? Sans doute, quelques exigences moins médiatiques n’ont pas reçu un accueil enthousiaste au Palais de Sa Rondeur Macky Quatre. Et puis, ce n’est pas que Sa Rondeur manque de bonne volonté ; seulement, il n’a pas le geste aussi, heu, disons, auguste que le Père Wade… Vous savez bien, le Vieux One-Man-Chauve, quand il vous reçoit, ne vous laisse jamais repartir sans, heu, disons, le remboursement de vos frais de transport. Même Alex Segura, représentant du Fmi à Dakar, n’y coupe alors pas. Si ce n’était que ça…
L’AFFAIRE DANGOTE, UN INEPUISABLE FONDS DE COMMERCE
A quelques kilomètres de là, au cœur de l’autre grande capitale confrérique, Tivaouane, dans le même temps (à croire que c’est de concert) Abdoul Aziz Sy Al Amine (plutôt que «Junior»), porte-parole de la famille régnante, embraye dans la même direction. D’abord, à l’occasion des funérailles du fervent et déjà regretté talibé de Tivaouane, Kourdyou Gaye, sa sainteté ouvre le feu : «les ennemis de l’islam» sont «les communistes autour de Macky Sall»… On comprend par là que Sa Rondeur-du-Palais a de mauvaises fréquentations et qu’elle est influençable. Les dossiers qu’Al Amine prétend détenir à leur propos sont si détonants qu’ils croupiront en prison aussitôt que l’apôtre des Biens Mal Macky les aura en sa possession... Vous conviendrez avec moi que les funérailles d’un respectable talibé ne sont pas la meilleure occasion pour ce genre de sorties. Mais enfin… Et ça ne suffit pas à son bonheur ! Quelques jours plus tard, lors de la tournée du «Mouvement libérez Karim», Al Amine (longtemps connu sous le pseudo «Junior»), après les voir reçus, monte d’un cran : «la place de Karim Wade n’est pas en prison». Moi, je vais finir par croire que la meilleure manière de tenir en respect le poulain de Macky 2017, c’est d’afficher ouvertement sa sympathie pour Karim Wade, de plus en plus présenté comme l’épouvantail le plus redouté de l’actuel locataire du Palais pour la prochaine présidentielle. Le moment venu, sans doute, entre Sénégalais, ça peut toujours discutailler…
Un bonheur n’arrive jamais seul, c’est connu… Dans la même foulée, le «Mouvement libérez Karim» qui fait un saut de puce à Ndiassane, fief des Kounta, la famille gouvernante de la khadriya, recueille une déclaration encore plus fracassante du vice-maître des lieux :«Karim sortira de prison encore plus populaire» prédit le vénéré érudit. Tout juste si l’illustre chérif ne lui promet pas carrément la Présidence en 2017… On a à peine le temps de se remettre du choc, que l’explication à cette position sans équivoque arrive presque aussitôt : le palais de la famille de Ndiassane, en phase d’achèvement, est un cadeau du président Wade. Une gâterie qui coûte un misérable milliard de nos pauvres francs Cfa. Il ne viendrait à l’idée de personne de demander si c’est sur fonds personnels (pourquoi toussez-vous ?) ou sur fonds publics (là, vous éternuez carrément !)… Question impie : la mosquée du coin, elle coûte combien ?
Est-il vraiment nécessaire de rappeler la passe d’armes qui oppose Dangoté aux héritiers de serigne Saliou Mbacké ? Un litige autour de cent quarante hectares qui ne sauraient pourtant faire l’objet d’aucune succession (et surtout une polémique autour de six milliards Cfa que Dangoté fait miroiter à ces saints hommes avant de les rapatrier à Lagos) dans lequel la justice reconnaît son camp, en attendant que Dieu reconnaisse les siens. Cette affaire servira aussi de tremplin à un bataillon de maraboutons pour se faire voir et entendre dans la presse, l’occasion étant trop belle pour ne pas se rappeler au bon souvenir de Sa Rondeur Macky Quatre. Autre cible privilégiée de ces serviteurs de Dieu à l’abnégation indiscutable ? L’inévitable Cheikh Amar. On ne prête qu’aux riches, c’est connu. Résultat des …kourouss : la sortie de Serigne Modou Sidy Mbacké (qui traitera au passage Macky Sall de «courtier de Dangoté») déclenche un imbroglio tel que Cheikh-Kor-Marie, le milliardaire mouride, se sent obligé d’aller se prosterner aux pieds de Serigne Sidy Abdou Lahad durant les récoltes de Khelcom. En se relevant, tombent (sans doute malencontreusement) de sa poche des paquets de Cfa qu’il serait malvenu d’y remettre. Et après la preuve d’autant de savoir-vivre, plus rien ne peut être décemment retenu contre lui de la part des descendants de Baye Lahad, n’est-ce pas…
CHEIKH AMAR, SELON KARA LENT A LA DETENTE, RISQUE D’ETRE «DEBRANCHE»
Toujours dans cette affaire décidément juteuse, on relève les déclarations de serigne Modou Kara qui commence par offrir une dizaine de moutons à Cheikh Amar, à quelques encablures de la sacro-sainte Tabaski. En général, dans ce genre de «téranga» désintéressée du marabout à son talibé, celui-ci vous les retourne à celui-là sous le label «adiya», accompagnés des frais de transport et d’assaisonnement : huile, oignon, pomme de terre, foin, corde et couteaux. Il peut pousser le zèle jusqu’à prévoir la javel pour nettoyer les crottes ovines… C’est vrai, ça va chercher loin, au total. Cheikh Amar oublie-t-il ce principe élémentaire ? Serigne Modou Kara (passé récemment de général à émir sultan de Bamba) le lui rappellera vite fait via l’affaire Dangoté en menaçant publiquement de le «débrancher». Comprenez qu’il est capable de tarir la source de la fortune de Cheikh Amar, lequel, selon ses propres dires, doit «tout à Serigne Touba». Et Modou Kara d’expliquer qu’il en a déjà «débranchés», des milliardaires mourides indociles, qui se retrouvent pauvres comme un mendiant malien après ça. Le message passe-t-il ? Toujours est-il que l’erreur est rectifiée dare-dare par Cheikh Goor’ou Marie Amar, qui sollicite l’aide de serigne Modou Kara pour les récoltes de Khelcom. N’allez surtout pas croire que serigne Modou Kara serait capable de mettre ses talibés à la disposition de Cheikh Amar gratis : les bons comptes font les bons amis, c’est connu ! Ah, visez-moi l’élégance de la formule…
Les questions économiques, c’est certain, dans ces milieux où règnent bonne chère et bonne chair, tiennent le haut de l’affiche. N’empêche, les questions à hauteur de bas-ventre, pour ne pas dire au ras du fourreau ont une place quasi centrale. Toujours dans cette quête éperdue des préceptes divins via les déclarations de nos guides, heu, religieux, je suis tombé sur de véritables chefs d’œuvres épicuriens. Suivez le guide…
Ahmed Khalifa Niasse, par exemple, en réponse aux angoisses légitimes d’Iran Ndao, prêcheur obtus, qui se fait du souci sur la …fellation, convoque devant le petit écran versets et sourates, histoire d’encourager ses ouailles à s’envoyer en l’air sans état d’âme, ni mauvaise conscience aucune. Faut le comprendre : on est forcément survolté au sortir d’une lune de miel aux prises avec une cousine de quarante ans sa cadette, en remplacement de Yaye Fatou Diagne, drianké bien en chair qui préfère quitter les lambris du palais niassène et jeter l’éponge sans explication !
A cet épisode visqueux, il faut ajouter la récente sortie du guide des Moustarchidines, serigne Moustapha Sy qui, en plus de dénoncer «les marabouts qui se prostituent», tire sur ceux qui profitent des confidences de leurs talibés à problèmes conjugaux pour briser leurs ménages et s’envoyer la pauvre paumée. Dans son élan, le plus célèbre fils du khalife des tidianes remonte également les bretelles à Sa Rondeur Macky qui commet la maladresse de marchander publiquement un mouton de tabaski à deux cent mille pauvres francs Cfa alors que ses compatriotes tirent le diable par la, heu, queue… Péché véniel tempéré par une éclaircie : Marième Faye Sall lui envoie un bélier à la même période. Que deviendrait Macky sans Marième-servir-le-Sénégal ?
Et puis, du coq à l’âne, que dire donc de la déclaration de Cheikh Béthio Thioune devant les enquêteurs, alors qu’on assassine des talibés sous son toit ? Son alibi est si imparable que le greffier hésite avant de recueillir la déclaration : «à cette heure-là, j’étais en plein nirvana» professe le vénéré Cheikh… Comprenez qu’il est, à ce moment précis, en pleine lune de miel avec sa, heu, septième épouse qui ferait damner un saint. Ceci explique cela ?
N’en jetons plus, ça ressemblerait à de l’acharnement contre ces concitoyens si peu ordinaires qu’ils se sentent outragés lorsque le candidat Macky Sall prétend le contraire en 2012, au beau milieu de la campagne électorale. Ah oui, vous avez des doutes ? Dieu, à qui on ne la fait surement pas, reconnaît toujours les siens… Quant aux fondateurs des confréries, ils doivent se poser une foule de questions sur leurs descendants, non ?